«Recette pour une catastrophe»Ex-directeur de la qualité de Boeing: «J'ai presque eu peur de voler»
twei/Trad/ATS
15.5.2024
Ce n'était «qu'une question de temps avant que quelque chose de grave n'arrive»: Santiago Paredes travaillait autrefois comme responsable qualité d'un sous-traitant de Boeing. Aujourd'hui, le lanceur d'alerte n'a pas été tendre avec le constructeur aéronautique.
twei/Trad/ATS
15.05.2024, 09:55
15.05.2024, 10:39
Julian Weinberger
De nouveaux gros titres négatifs pour Boeing: le week-end de l'Ascension, le constructeur d'avions en crise a dû enregistrer une série d'incidents graves. Tout d'abord, un Boeing 737 de la compagnie aérienne turque à bas prix Corendon Airlines, qui avait décollé de Cologne, a atterri sur le train d'atterrissage dans la station balnéaire d'Antalya. Pendant ce temps, onze passagers ont été blessés, dont quatre grièvement, lors d'un décollage qui a mal tourné à Dakar, au Sénégal.
Ces deux incidents s'ajoutent à une longue série noire. Des pièces d'avion arrachées en vol aux lanceurs d'alerte qui rapportent des faits terrifiants en coulisses, Boeing est en proie à une véritable crise de relations publiques et de qualité. Les récents récits d'un responsable de la qualité devraient encore aggraver la situation.
Le responsable de la qualité a quitté son poste.
Car ce que Santiago Paredes, qui a travaillé pendant plus de douze ans pour le sous-traitant de Boeing AeroSystems, a à dire a de quoi surprendre. Lors du contrôle du Boeing 737 Max, il a constaté tant de défauts qu'il a «presque eu peur de voler», relate-t-il auprès de "CBS News". Il est «très rare» que son équipe n'ait pas découvert de défauts sur un jet 737 Max, décrit-il.
C'était une «recette pour une catastrophe» et «ce n'était qu'une question de temps avant que quelque chose de grave n'arrive», a déclaré l'ancien directeur de la qualité d'AeroSystems, n'hésitant pas à utiliser des termes dramatiques. C'est aussi pour cette raison que Santiago Paredes a quitté son poste.
Le lanceur d'alerte adresse de graves reproches à Boeing
Le lanceur d'alerte est devenu concret lorsqu'on lui a parlé de l'incident survenu en janvier sur un Boeing 737 d'Alaska Airlines. A l'époque, l'avion avait dû atterrir en urgence parce qu'un élément de la paroi de la cabine s'était détaché peu après le décollage. La raison à l'époque : quatre boulons de porte qui auraient dû fixer la pièce manquaient tout simplement.
«Pourquoi cela est-il arrivé ? Parce que Spirit a négligé un défaut, parce qu'ils ont mis les inspecteurs sous pression», a estimé Paredes dans son entretien avec «CBSNews». Ses expériences dans le cadre de son travail auraient même déclenché chez lui une quasi-anxiété en vol : «Il y a environ deux ou trois machines à bord desquelles on ne voudrait jamais monter. Sachant ce que je sais des 737, je me sens très mal à l'aise lorsque je vole dans l'un d'eux».
Poursuites envisagées
Le ministère américain de la justice a notifié à un juge fédéral que Boeing n'avait pas respecté certaines conditions d'un accord qui lui évitait d'être poursuivi au pénal pour deux accidents de son 737 MAX. Les accidents avaient fait 346 morts en 2018 et 2019.
Avec cette étape, «Boeing est passible de poursuites» dans ce dossier, écrit mardi dans sa lettre le ministère, qui dit être en train d'étudier la possibilité d'effectivement poursuivre, ou non, l'avionneur américain, en pleine tempête après plusieurs incidents récents.
«Nous estimons avoir honoré les conditions de cet accord», a réagi Boeing dans un communiqué, disant se tenir prêt à «répondre» sur ce dossier géré par un juge fédéral au Texas.
Les autorités fédérales «ont déterminé que Boeing a violé ses obligations» de l'accord «faute d'avoir prévu, mis en place et fait respecter un programme» visant à se conformer aux lois américaines «sur l'ensemble de ses opérations», relève la lettre du ministère.
«Pour avoir failli à suivre entièrement les termes et les obligations» de l'accord, «Boeing est passible de poursuites par [le gouvernement fédéral] pour toute infraction criminelle» connue de l'accusation, peut-on encore lire sur ce document judiciaire.
Accord financier
Boeing a conclu le 7 janvier 2021 un accord avec les autorités américaines pour un montant de 2,5 milliards de dollars. Par cet accord financier, le constructeur avait reconnu avoir commis une fraude, en échange de l'abandon par le ministère de la justice de certaines des poursuites le visant depuis les deux accidents mortels qui avaient fait au total 346 morts et entraîné l'immobilisation du 737 MAX pendant 20 mois.
Un Boeing se pose sans train d'atterrissage
En raison de problèmes avec le train d'atterrissage, un Boeing a dû atterrir sur le fuselage à Istanbul. L'incident s'inscrit dans une série de pannes d'avions Boeing.