Que faire? Harcèlement sexuel au travail: «Il me dégoûte!» 

La Rédaction de blue News

16.2.2023

Propos salaces en permanence, «plaisanteries» dégradantes à l'égard des femmes, propositions douteuses: pour blue News, une Romande témoigne du malaise qu'elle ressent au quotidien dans son nouvel emploi face à un collègue particulièrement indélicat et à l'absence de réaction de l'équipe.  

Le harcèlement sexuel au travail ne réside pas uniquement dans des gestes déplacés. Des propos misogynes ou une ambiance ouvertement sexiste en font aussi partie intégrante. (image d'illustration)
Le harcèlement sexuel au travail ne réside pas uniquement dans des gestes déplacés. Des propos misogynes ou une ambiance ouvertement sexiste en font aussi partie intégrante. (image d'illustration)
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La Rédaction de blue News

16.2.2023

Il y a quelques temps, Rebecca* intègre avec enthousiasme l'équipe administrative d'une petite entreprise en Suisse romande. L'ambiance de travail semble détendue, la place est intéressante.

Mais rapidement, elle est choquée par le comportement de l'un de ses collègues: «Il parle de sexe tout le temps. Lorsqu'il est question d'une femme dans une conversation, il se demande immédiatement et devant tout le monde, si elle s'adonne à telle ou telle pratique sexuelle», s'insurge-t-elle.

Sans se cacher, relate Rebecca, l'homme se renseigne sur les «clubs érotiques» à visiter lors d'un prochain voyage d'entreprise, il épluche les réseaux sociaux pour «voir les photos de la nouvelle venue dans la société voisine, qui est 'trop bonne'» et se vante de «ses conquêtes». Pire, il aurait manifesté son envie de «violer» une collaboratrice en raison de son habillement.

Et ce ne sont là que quelques exemples que notre témoin a décidé de consigner dans une liste qui s'allonge de jour en jour.

«Il est comme ça»

Ce qui frappe aussi la jeune femme, c'est l'apparente acceptation de ses collègues: «Les gens ne réagissent pas, on se dit 'qu'il est comme ça' et ça passe. Parfois même, son supérieur rit avec lui. Moi, il me dégoûte!» 

Selon le deuxième Observatoire (ndlr: un collectif d'expertes engagées sur le terrain pour une société plus égalitaire) le fait que les collègues se montrent indifférents ou valident le comportement de l'auteur des propos dégradants, témoigne d'un «climat hostile». C'est-à-dire qui «ne vise pas forcément une personne en particulier mais dans lequel on peut se sentir mal à l’aise».

Différentes formes de harcèlement sexuel au travail (source: BFEG)

  • remarques désobligeantes et «plaisanteries» sexistes
  • contacts physiques et attouchements importuns
  • tentatives de rapprochement et pressions pour obtenir des faveurs de nature sexuelle, souvent associées à la promesse d'avantages ou à la menace de préjudices.

Jusqu'ici, Rebecca n'a que peu été la cible de ce collaborateur. Mais elle estime probable qu'il «se lâche» de plus en plus: «L'autre jour, il essayait de me prendre en photo et je l'ai envoyé sur les roses. Il m'a aussi demandé de lui faire un massage avec un air entendu».

L'employée aimerait dénoncer la situation, mais elle se trouve démunie, certaine d'être immédiatement démasquée dans cette petite structure. Elle craint aussi pour son emploi.

«Les faits et le ressenti de la victime sont décisifs»

En cas de harcèlement psychologique ou sexuel sur le lieu de travail, la Confédération renseigne: «il est bon de recueillir des preuves (témoin, email ou messagerie instantanée, journal de bord, etc)», des éléments qui pourront s'avérer utiles en cas de dénonciation.

Notre témoin a donc eu le bon réflexe en dressant sa liste d'observations. Mais il ne s'agit pas de preuves concrètes, pourrait-on opposer. Cela suffit-il à dénoncer une situation? Le site du deuxième Observatoire, non-c-non.ch donne des renseignements très complets sur cette problématique. Il indique notamment que «les cas de fausses accusations sont extrêmement rares».

«Il s’agit donc de déterminer exactement ce qu’il s’est passé et comment la victime s’est sentie. Les intentions de l’auteur ou ses motivations ne sont pas à prendre en considération, seuls les faits et le ressenti de la victime sont décisifs», est-il relevé sur le site.

Un autre élément apporte du crédit à un témoignage, même sans preuve: «Lorsqu’une cible se décide à rompre le silence, les conséquences peuvent être très lourdes pour sa vie professionnelle et personnelle», note encore le deuxième Observatoire. Rebecca en a bien conscience, puisqu'elle craint autant des représailles de la part de sa hiérarchie que de ses collègues, ainsi que d'y laisser, à terme, sa place de travail.

Vers qui se tourner?

En Suisse, c'est l'employeur qui est responsable de la prévention du harcèlement en entreprise. En principe, les employés devraient être informés des règles et usages à respecter pour un climat de travail sain. Les membres du personnel devraient, en outre, savoir à qui s'adresser au sein de la société pour signaler un cas de harcèlement sexuel. Mais un tel dispositif n'existe pas toujours, notamment dans les petites structures.

Dans la mesure du possible, donc, le premier interlocuteur devrait être l'employeur, qui est tenu d'aider son salarié dans la détresse. S'il ne le fait pas, il est possible de porter plainte aux Prud’hommes contre lui.

Toutefois, si la confiance n'est pas établie ou si un premier contact s'avère insatisfaisant, il est aussi possible de se tourner vers l'extérieur. Les syndicats, par exemple, peuvent offrir une oreille attentive et des conseils avisés sur les démarches à entreprendre. C'est le cas, entre autres, d'Unia ou de Syna.

À noter que l'Association Intercantonale pour la Protection des Travailleurs possède une antenne de l'inspection du travail dans chaque canton. Il faudra alors contacter l'antenne du canton où se trouve le siège de l'entreprise concernée.

Demander conseil à sa protection juridique, si l'on en a une, peut aussi s'avérer utile, de même que consulter son médecin. 

Des procédures plus formelles -mais souvent éprouvantes pour les victimes- peuvent s'ensuivre, comme un dépôt de plainte civile ou pénale en fonction des cas et des faits reprochés.

Les témoins doivent aussi dire «stop»!

Enfin, comme le soulève le rapport du Conseil fédéral publié en 2022 «Harcèlement sexuel en Suisse: ampleur et évolution», en 2020, «1435 cas de harcèlement sexuel (art. 198 CP) et 1477 victimes ont été enregistrés (...). Dans neuf cas sur dix, la victime était une femme et la tranche d’âge des 18 à 29 ans présentait le risque le plus élevé». À noter que pour 5% des victimes recensées, le harcèlement sexuel a eu lieu dans le cadre du travail.

Toutes les sources consultées dans le cadre de la préparation de cet article s'accordent également sur un point: pour aider à endiguer un phénomène de harcèlement sexuel au travail, les témoins ont aussi un rôle à jouer. En apportant son soutien à la victime, que celle-ci décide d'agir ou non, ou en remettant à l'ordre l'auteur des propos déplacés. 

*Nom connu de la rédaction. Occupant toujours sa place de travail à l'heure actuelle, notre témoin préfère garder l'anonymat.