Noël au cimetière en Ukraine «Nos enfants meurent. Au lieu de dîner avec eux à la maison, nous venons ici»

ATS

25.12.2024 - 06:40

Pour Lioubov, c'est le premier Noël sans son fils, Taras Onyskiv, tué au combat contre les troupes russes dans l'est de l'Ukraine en mai, à l'âge de 32 ans. Elle a apporté un petit arbre vert sur la tombe de son fils, saupoudrée de neige fraîche sur le champ de Mars, cimetière militaire de Lviv.

Un militaire ukrainien se rend sur la tombe d'un camarade tombé au combat au cimetière de Lychakiv lors de la Journée des forces armées de l'Ukraine, à Lviv, le 6 décembre 2024, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par YURIY DYACHYSHYN / AFP)
Un militaire ukrainien se rend sur la tombe d'un camarade tombé au combat au cimetière de Lychakiv lors de la Journée des forces armées de l'Ukraine, à Lviv, le 6 décembre 2024, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par YURIY DYACHYSHYN / AFP)
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Keystone-SDA

Le site ne cesse de grandir depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine il y a bientôt trois ans. Doudoune et bonnet noirs, couleur de deuil en Ukraine, Lioubov place soigneusement une guirlande lumineuse sur des branches de sapin posées sur la pierre tombale.

Elle se remémore les traditions familiales de Noël d'avant devant le portrait de son fils, un brun barbu en casquette de baseball et uniforme kaki, accroché à une croix en bois.

«J'avais l'habitude de préparer des beignets de Noël, dans lesquels nous glissions des petits bouts de papier contenant des voeux. Nous mangions les beignets, ouvrions ces voeux, les lisions et chacun disait son voeu. Nous étions toujours très heureux», dit-elle.

Troisième Noël sous les bombes

«Maintenant, je ne sais pas comment faire... Je ne peux même pas imaginer comment nous pourrions dîner, parce que toute la famille se réunissait toujours pour le dîner de Noël. Maintenant, nous viendrons sans doute ici pour le repas de Noël et nous dînerons ici», poursuit-elle en pleurant.

C'est le troisième Noël en Ukraine depuis le début de l'invasion, qui a fait des dizaines de milliers de morts, militaires et civils, et, partout, les célébrations sont mêlées de chagrin, d'autant que près de 20% du territoire du pays est occupé.

«Nous rendons hommage à tous ceux qui ont donné leur vie pour nous défendre. Nous prions pour que tous ceux qui se trouvent sur la ligne de front reviennent vivants, pour que tous ceux qui sont en captivité rentrent chez eux», a déclaré mardi dans son adresse de Noël le président Volodymyr Zelensky.

L'armée ukrainienne recule depuis des mois devant les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, sur le front est et notamment dans le bassin de Donbass.

Célèbre chanson de Noël

C'est dans cette région que les forces russes avancent vers Pokrovsk, ville où a vécu pendant plusieurs années le compositeur Mykola Leontovytch, qui y a écrit il y a près d'un siècle la chanson de Noël ukrainienne Chtchedryk sur la base d'un chant traditionnel. Cette oeuvre est devenue ensuite la chanson «Carol of the Bells» (Le son de cloches), célèbre dans le monde anglo-saxon.

«Cet Ukrainien a donné au monde l'esprit musical de Noël», s'est félicité dans son adresse le président Zelensky. «Que chaque personne dans le monde, en l'entendant, se souvienne de l'Ukraine» et de sa «lutte» contre la Russie, qui finira par «perdre», a-t-il poursuivi.

A des centaines de kilomètres de Pokrovsk, à Lviv, des rangées de nouvelles tombes se multiplient sur le champ de Mars, qui fait partie du cimetière de Lytchakiv, un des plus vieux en Europe.

Au-dessus des tombes, c'est la marée de drapeaux nationaux, bleu et jaune, et nationalistes, rouge et noir. Et à côté d'elles, de plus en plus d'arbres de Noël, petits et plus grands, décorés de guirlandes ou de boules de verre.

«Nos enfants meurent»

Le président Zelensky a déclaré au début décembre que 43'000 soldats ukrainiens avaient été tués et 370'000 autres blessés depuis le début de l'invasion russe en février 2022.

En septembre, un vice-ministre de l'intérieur a fait état de 55'000 Ukrainiens portés disparus, «pour la plupart des militaires». Un nombre considérable de ces personnes pourraient en réalité être mortes.

Assise sur un banc devant la tombe de son fils, Maria Loun regarde affectueusement son portrait fixé sur une croix: un jeune homme souriant en uniforme militaire. «Il y a la guerre, une guerre cruelle et nos enfants meurent», dit Mme Loun.

«Au lieu de dîner avec eux à la maison, nous venons ici. Nous apportons de la koutia [porridge de Noël traditionnel, ndlr], des beignets de Noël et nous pleurons nos fils», ajoute-t-elle, la voix cassée par des larmes.