«Détresse» D'abord accueillis en France, ces réfugiés ukrainiens doivent quitter leur logement 

AFP

23.10.2024

Ils ont fui la guerre, trouvé l'asile en France... et sont désormais priés de quitter leur logement : des Ukrainiens réfugiés en Meurthe-et-Moselle témoignent de leur «détresse» après réception d'une lettre les priant de quitter leur logement.

Oleksandra Kochetkov (à gauche) et son père Serhii sont photographiés dans leur appartement de Jarville-la-Malgrange, dans le nord-est de la France, le 21 octobre 2024. - Ils ont fui la guerre, trouvé refuge en France... et on leur demande maintenant de quitter leur maison: des réfugiés ukrainiens en Meurthe-et-Moselle témoignent de leur détresse après avoir reçu une lettre les invitant à déménager. (Photo Jean-Christophe VERHAEGEN / AFP)
Oleksandra Kochetkov (à gauche) et son père Serhii sont photographiés dans leur appartement de Jarville-la-Malgrange, dans le nord-est de la France, le 21 octobre 2024. - Ils ont fui la guerre, trouvé refuge en France... et on leur demande maintenant de quitter leur maison: des réfugiés ukrainiens en Meurthe-et-Moselle témoignent de leur détresse après avoir reçu une lettre les invitant à déménager. (Photo Jean-Christophe VERHAEGEN / AFP)
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Agence France-Presse

Dans le trois pièces qu'elle occupe à Nancy avec son fils de 6 ans, Iryna Baranovska est accablée quand elle tend à l'AFP la lettre qu'elle a reçue mi-septembre de l'association qui s'occupe de son logement, l'Union départementale des associations familiales (Udaf). «Il a été retenu avec les services de la DDET (Direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités, ndlr) que vous n'avez pas respecté vos obligations» liées au contrat de sous-location de l'appartement, est-il indiqué.

Ces contrats de sous-location ont été créés sous un système d'intermédiation locative dès mars 2022 pour loger les réfugiés ukrainiens arrivés en France après l'invasion russe. Selon la lettre de l'Udaf toutefois, «toutes les démarches nécessaires d'insertion professionnelle et d'autonomisation n'ont pas été suffisamment diligentées afin de vous inscrire dans un parcours d'insertion globale sur le territoire».

A cette lecture, le sourire de Mme Baranovska se fige. Celle qui avait «difficilement» commencé à apprendre le français dès son arrivée en Lorraine en 2022, se fait désormais facilement comprendre.

«Aucun sens»

Son fils, scolarisé, était même déçu d'être en vacances scolaires pour la Toussaint. «Il y a plein d'enfants qui n'aiment pas l'école, lui il adore ça», confirme sa mère, tandis que l'intéressé est plongé dans un «Samsam» en version française.

Elle-même a travaillé après son arrivée en France, pour faire des ménages et dans la restauration, lorsqu'ils étaient hébergés dans une famille d'accueil et que celle-ci pouvait garder son fils. Désormais, «on me propose du travail tôt le matin ou tard le soir, mais je ne peux pas laisser mon fils de 6 ans seul», dit-elle.

En Ukraine, elle était analyste des ventes dans une usine. Elle n'occupe actuellement pas d'emploi mais assure en chercher activement. «Pour les Ukrainiens, pour moi, pour les gens comme nous qui ont reçu la lettre, cela ne fait aucun sens, parce que tout le monde essaie de trouver une solution», renchérit-elle. «Pourquoi cela nous arrive-t-il et pourquoi prétend-on que nous ne faisons rien?»

Le document lui intime de quitter son appartement au plus tard le 15 novembre et de «trouver une solution personnelle de relogement». Mais la jeune maman n'a pas de solution. Si elle avait été seule, elle serait bien rentrée «à la maison», à Kharkiv. Mais elle souhaite «le meilleur» pour son fils.

«Décélération des mesures»

A quelques kilomètres de là, à Jarville-la-Malagrange, Serhii Kochetkov et sa fille de 17 ans ont déjà mis leurs affaires dans des cartons. Ils ont reçu la même missive, et auraient dû quitter leur logement le 18 octobre. Mais ils n'étaient pas présents pour l'état des lieux.

Eux-aussi sont dans l'incompréhension. Oleksandra apprend le français et est scolarisée dans un lycée du secteur. Elle souhaite «continuer ses études en France», où elle se sent bien. Pour eux aussi, impossible de retourner au pays. Ils viennent de Zaporijjia. Serhii a «peur de se retrouver à la rue avec son enfant», qu'il élève seul.

Chauffeur-routier pendant 38 ans, il n'a pas réussi à trouver du travail en France, même s'il a l'espoir qu'une offre de formation se concrétise. En attendant, il ne reste plus qu'une table et quatre chaises dans son séjour.

«Il n'y aura aucune fin de prise en charge (de ces familles) au 31 octobre 2024», a assuré dans un communiqué la préfecture de Meurthe-et-Moselle, tout en rappelant «l'objectif de décélération des mesures d'intermédiation locative (IML)».

Actuellement, «moins de 600 personnes» sont logées dans le cadre de ce dispositif, alors que près de 1.600 personnes ont été accueillies dans le département, selon les services de l'Etat, qui prônent des recherches de solutions au cas par cas pour les personnes concernées.

L'association «Les lumières d'Ukraine» a, elle, recensé entre 60 et 70 familles sommées de quitter leur logement dans un avenir proche. «Elles étaient stabilisées en France», depuis quelques mois, «et d'un coup, bam, la lettre tombe» et bouleverse leur équilibre, regrette le président de l'association, Roman Filiniouk.

Le cas de la Meurthe-et-Moselle semble unique, selon les remontées de plusieurs organismes sollicités par l'AFP.

«Une baisse progressive» du recours au dispositif a toutefois bien été annoncée depuis un an par l'Etat, selon Juliette Laganier de la fédération Soliha, l'un des principaux acteurs de l'aide au logement. Sans qu'un calendrier n'ait été communiqué.