Bien avant ArtusEn Alsace, un restaurant inclusif avec «un petit truc en plus»
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23.6.2024 - 11:24
(AFP) – Ouvert bien avant le film d'Artus qui cartonne au box-office et porte (presque) le même nom, le restaurant inclusif «Un petit truc en plus» se taille un beau succès à Mulhouse où ses plats et la fraîcheur de ses salariés en situation de handicap régalent les clients.
23.06.2024, 11:24
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Midi approche, les clients ne vont pas tarder à arriver et la pression monte doucement pour les quatre équipiers, Antoine, Tristan, Juline et Salima, tous porteurs d'une trisomie 21. Epaulés par trois bénévoles, les deux premiers s'affairent en cuisine, les deux autres s'occupent de la salle et de la terrasse.
Aurélie Bernard, la cheffe, met le tout en musique: «Allez, on y va! D'abord, les apéros, ensuite, y a des soupes, une salade et une quiche! On va trier les pousses d'épinards. Antoine, une cuillère!»
Charlotte sur la tête, chemise noire et tablier, les commis sont impeccables. Antoine a «préparé des haricots verts», «lavé les tables» et «passé le balai». Tristan, lui, a «fait des salades». Il faut «être sérieux dans le travail», professe celui dont le péché mignon consiste à «faire les bières».
Les premiers plats sont prêts, la sonnette tinte. Juline et Salima s'emparent des assiettes, direction la terrasse. «Je vais servir pour les clients, dans la joie et le bonheur (...) J'aime trop travailler ici!», s'enthousiasme Juline, 27 ans.
- «Un bien fou» -
Soleil aidant, la terrasse, nichée sur une place tranquille à l'ombre d'un grand arbre, se remplit rapidement. «On refuse régulièrement du monde», explique Tom Cardoso, 51 ans, directeur général du Centre de réadaptation de Mulhouse (CRM) et cofondateur du restaurant avec Aurélie Bernard.
L'idée a d'abord germé fin 2017 dans l'esprit de la cheffe, après avoir vu un reportage sur un restaurant inclusif à Nantes, explique celle qui était alors responsable de la restauration au CRM.
«Quand j'ai vu toutes les émotions qui passaient (...), les clients qui étaient super bienveillants (...), je me suis dit que ce serait vraiment chouette qu'on fasse ça chez nous», explique la cheffe de 41 ans.
Le restaurant, baptisé «Un petit truc en plus» (clin d'œil au chromosome surnuméraire responsable de la trisomie 21), ouvre ses portes en septembre 2019: 36 couverts servis uniquement le midi, du lundi au samedi – l'établissement organise aussi des soirées privatives -, avec une carte simple mais composée «de plats faits maison», mitonnés avec «des produits de qualité», détaille Tom Cardoso.
Dans un coin de la terrasse, Karine Bechler savoure un verre de vin blanc. «Je viens régulièrement. C'est bon, c'est sympa, c'est agréable», explique, lunettes de soleil sur le nez, cette Mulhousienne de 64 ans. C'est «très important» que des lieux comme celui-ci existent, «ça fait de l'inclusion dans la société».
Au total, le restaurant emploie à temps partiel cinq salariés porteurs d'une trisomie 21, appuyés par plusieurs bénévoles, dont Martine Grosz. Cette retraitée de 66 ans loue les qualités relationnelles de ses «équipiers»: «Ils sont sans filtre, c'est spontané: ça fait un bien fou, vraiment».
- «Génial» mais «malpoli» -
Le succès du restaurant, immédiat, ne s'est jamais démenti. Il a même accueilli il y a quelques jours le gynécologue congolais Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, de passage à Mulhouse.
Pour autant, l'établissement, qui a traversé la crise du Covid-19 et la hausse des coûts de l'énergie sans augmenter ses prix, «n'est pas à l'équilibre», confie Tom Cardoso. Les mécènes contribuent à renflouer les caisses, mais, dans l'idéal, de nouveaux bienfaiteurs seraient les bienvenus, glisse-t-il.
Ces dernières semaines, l'équipe a regardé d'un oeil amusé l'énorme succès en salles du film d'Artus, «Un p'tit truc en plus», qui met en scène des personnes en situation de handicap. Le film «est génial mais malpoli, il y a des gros mots», rougit Antoine.
Tom Cardoso a tenté à plusieurs reprises de contacter l'équipe du film, en vain. «Un petit clin d'œil, ce serait sympa», sourit Aurélie Bernard, qui aimerait bien «une rencontre ou même un échange (...) Comme ça, ils pourront nous dire pourquoi ils ont choisi ce nom pour ce film!»