PakistanUn train attaqué, des otages libérés, mais la situation n'est pas sous contrôle
ATS
12.3.2025 - 18:25
Près de la moitié des plus de 450 passagers pris en otages dans un train par des séparatistes baloutches au Pakistan ont été libérés mais les forces de sécurité n'ont toujours pas réussi mercredi à complètement reprendre le contrôle de la situation.
Et le sort de dizaines de passagers est toujours inconnu tandis que des sources affirment que «des kamikazes se sont positionnés avec leurs ceintures d'explosifs au milieu des otages».
KEYSTONE
Keystone-SDA
12.03.2025, 18:25
ATS
Cela fait plus de 30 heures que des combattants de l'Armée de libération du Baloutchistan (BLA) ont fait exploser une bombe qui a stoppé net la locomotive et forcé les personnes présentes à bord du Jaffar Express à en descendre, gardant entre leurs mains celles qui étaient originaires d'autres provinces ou liées aux forces de sécurité.
Depuis, des troupes pakistanaises se sont déployées au Baloutchistan, dans le sud-ouest, aux confins de l'Afghanistan et de l'Iran.
Elles se rapprochent du tunnel près duquel cette spectaculaire attaque a eu lieu et leurs hélicoptères de combat sont visibles à des dizaines de kilomètres à la ronde.
Trente assaillants ont été abattus, ont affirmé des sources dans les organes chargés du maintien de l'ordre.
Les autorités n'ont à aucun moment fait état de victimes parmi les otages ou dans les forces de sécurité mais environ 150 cercueils sont arrivés mercredi à Quetta, la capitale provinciale.
«Dans le cas d'attaques terroristes, les cercueils sont généralement distribués pour les corps des militaires et, parfois, de civils», a à cet égard expliqué un officier sur place, précisant toutefois qu'«envoyer 150 cercueils ne signifie pas forcément qu'il y a 150 morts».
Selon un premier bilan encore très provisoire donné mardi, «un policier, un soldat et le conducteur du train ont été tués».
Pendant ce temps, les affrontements continuent.
Et le sort de dizaines de passagers est toujours inconnu tandis que des sources affirment que «des kamikazes se sont positionnés avec leurs ceintures d'explosifs au milieu des otages».
Otages dans les montagnes
«Nous disposons d'informations qui laissent à penser que des assaillants se sont enfuis, emportant avec eux un nombre indéterminé d'otages vers les zones montagneuses des environs», a déclaré, laconique, un responsable des services de sécurité locaux.
La BLA dit vouloir échanger les personnes qu'elle détient contre des prisonniers baloutches et a diffusé une vidéo montrant l'explosion et des dizaines de personnes sorties du train.
Tout a commencé aux alentours de 13H00 (09h00 heure suisse) mardi. Le Jaffar Express parti de Quetta et censé rallier Peshawar, la capitale de la province voisine plus au nord, a été arrêté près de la ville de Sibi.
La BLA, le principal groupe séparatiste du Baloutchistan, une province riche en hydrocarbures et en minerais et pourtant la plus pauvre du Pakistan, avait déposé l'engin explosif.
Des passagers ont raconté à l'AFP avoir été relâchés et avoir ensuite marché pendant des heures pour atteindre la prochaine gare, d'où un train les a pris en charge. Puis ils sont montés dans des cars pour aller jusqu'à Quetta.
Babar Masih, un journalier de 38 ans, a raconté à l'AFP qu'il voyageait avec ses parents, son épouse, leur bébé et un neveu de huit ans.
«On a soudainement entendu un énorme boum et le train s'est arrêté», a-t-il dit, «puis il y a eu des tirs qui ont duré longtemps».
«Des assaillants armés sont montés et ont vérifié nos papiers mais ils ont laissé partir ceux qui étaient en famille (...). Ils nous ont dit de partir en courant sans nous retourner, j'ai vu plein de gens courir à côté de moi».
Les autorités verrouillent les accès à cette province qui abrite de nombreux chantiers -principalement chinois- dans les secteurs de l'énergie et des transports.
La BLA y revendique régulièrement des attaques meurtrières -souvent menées par des kamikazes- contre les forces de l'ordre et les Pakistanais originaires d'autres provinces.
Elle les accuse, au même titre que les investisseurs étrangers, de piller le Baloutchistan.
Les Pendjabis visés
Mardi soir, un otage libéré a déclaré à l'AFP que les assaillants avaient «vérifié les papiers d'identité» des passagers et «mis à l'écart ceux qui étaient originaires du Pendjab», perçus comme dominant les rangs de l'armée, engagée dans la bataille contre les séparatistes.
«Ils ont abattu deux soldats devant moi, avant d'en embarquer quatre autres vers je ne sais où», a-t-il poursuivi, refusant de donner son nom.
«De nombreux paramilitaires et leurs familles étaient à bord du Jaffar Express pour partir en permission», a confié à l'AFP un officier à Quetta.
En février, la BLA avait déjà revendiqué la mort de sept Pendjabis. En août, ses combattants avaient tué 39 personnes, après avoir vérifié les cartes d'identité des passagers sur différentes routes avant de les abattre s'ils étaient pendjabis.
Début novembre, ce groupe séparatiste avait posé une bombe sur un quai de la gare de Quetta et tué 26 personnes, dont 14 soldats.
Dans ses communiqués, la BLA accuse «les généraux pakistanais et leur élite pendjabie» de «piller les ressources» du Baloutchistan, tandis que la société civile locale, qui organise régulièrement des sit-in appelant à la non-violence, accuse les autorités de procéder à des rafles de militants de la cause baloutche.
Le Pakistan connaît une recrudescence d'attaques, en particulier d'islamistes et de séparatistes, principalement au Baloutchistan et dans le Khyber-Pakhtunkhwa, qui borde également l'Afghanistan.
Le Centre pour la recherche et les études sur la sécurité d'Islamabad estime que l'année 2024 a été la plus meurtrière en près d'une décennie avec plus de 1.600 personnes ayant péri dans des attaques, dont 685 membres des forces de sécurité.