Une poudreuse paradisiaque A la découverte des pentes de neige épaisse de l’ouest du Canada

Bernhard Krieger, dpa/uri

7.12.2019

Loin des pistes: une fois que l’on a goûté au bonheur d’une balade dans la poudreuse, on en redemande – et à un moment donné, on rêve de s’élancer dans la légendaire «Champagne Powder».

Presque en apesanteur, le skieur danse en dévalant la piste à Revelstoke. Il plonge presque jusqu’à la hanche avant de décoller de la neige qui vole en éclats. Ses skis glissent en rythme dans la poudreuse, comme sur une piste bosselée invisible, devant la majestueuse toile de fond constituée par la chaîne Selkirk. De telles descentes rendent accro à la poudreuse.

Le terme nord-américain «Powder», désignant une neige particulièrement sèche, est établi depuis longtemps dans le milieu local du ski et du snowboard. Les skieurs hors-piste qui dévalent la poudreuse se font appeler «freeriders». La sensation de liberté qu’ils ressentent lorsque les slaloms dans la neige vierge loin des pistes inonde leur corps d’hormones du bonheur et résonne déjà dans ce nom.

Néanmoins, dans les Alpes, une région densément peuplée avec des vallées étroites, peu d’espaces refuges pour les animaux sauvages et des massifs montagneux souvent escarpés, l’espace pour le nombre croissant de freeriders et de randonneurs est limité. En outre, la proximité des mers rend la neige relativement humide et lourde.

En revanche, la poudreuse n’apparaît qu’en cas de chutes de neige abondantes, avec un air sec et froid. L’ouest du Canada, qui réunit ces conditions, attire les mordus de neige épaisse.

Des destinations pour les skieurs et les snowboarders nostalgiques

«Les provinces de l’Alberta et de la Colombie-Britannique sont de véritables destinations de rêve pour les skieurs et les snowboarders, affirme Norman Kreutz. Le directeur de l’école de ski de SilverStar Resorts, en Colombie-Britannique, sait de quoi il parle: la famille de cet instructeur en chef expérimenté de l’Alliance des moniteurs de ski du Canada est originaire de Cologne.

Mais ce ne sont pas seulement la poudreuse et les chutes de neige de huit à douze mètres par an en moyenne que les amateurs européens de sports d’hiver viennent chercher au Canada. «Il y a aussi le nombre infini de possibilités de pratique sur un terrain non préparé», explique Norman Kreutz.

Dans les domaines skiables nord-américains, on n’est pas obligé de rester sur les pistes. Toute la zone est libre d’accès et surveillée par la Patrouille canadienne de ski, à l’affût des avalanches et autres dangers. En outre, certaines pentes ne sont pas préparées après des chutes de neige nocturnes. Ceci permet de skier sur une neige épaisse dans des secteurs sécurisés.

Du slalom hors-piste en pleine nature

A SilverStar, les nombreuses descentes en forêt sont un eldorado pour les connaisseurs. Le «tree skiing» est le nom donné par les Nord-Américains au ski pratiqué dans les forêts, beaucoup plus clairsemées qu’en Europe. Les arbres géants n’ont généralement pas de branches sur le quart inférieur de leur tronc, ce qui laisse beaucoup d’espace entre des arbres très éloignés les uns des autres. «C’est parfait pour notre slalom en pleine nature», indique Norman Kreutz.

Les domaines skiables de Lake Louise et Sunshine Village, dans la province de l’Alberta, proposent des descentes en forêt et sur terrain particulièrement jolies. Les célèbres stations de ski du parc national de Banff se situent au cœur des Rocheuses.

A l’ouest de la crête principale, les secteurs légendaires de la «Powder Highway», prisés des amateurs de neige épaisse, se rejoignent. Depuis Fernie, elle mène jusqu’à Whitewater et Red Mountain au sud-ouest, où opère Big Red Cats, le plus grand prestataire mondial de catski, mais aussi jusqu’à Revelstoke au nord-ouest, en passant par Panorama et Kicking Horse.

Le royaume de l’héliski et du catski

Revelstoke, petite ville bordant le Columbia, offre des possibilités infinies de freeride dans le domaine skiable et tout autour, dans les chaînes Selkirk et Monashee. A plusieurs kilomètres de la ville la plus proche, on trouve souvent des chalets réservés à l’héliski et au catski.

Ces deux pratiques ont été inventées en Colombie-Britannique. Les héliskieurs sont transportés en hélicoptère jusqu’au sommet, à partir duquel ils dévalent des pistes vierges jusqu’à la vallée; généralement, ils sont menés par un guide de ski de montagne et portent un équipement de protection contre les avalanches. Quant aux catskieurs, ils sont transportés jusqu’en haut de la montagne par une dameuse, appelée «cat» en Amérique du Nord.

L’ouest du Canada abrite de nombreux domaines skiables légendaires pour les amateurs de neige épaisse, comme SilverStar et Red Mountain.
L’ouest du Canada abrite de nombreux domaines skiables légendaires pour les amateurs de neige épaisse, comme SilverStar et Red Mountain.
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A l’heure actuelle, l’ouest du Canada est le centre névralgique de l’héliski et Revelstoke en est sa capitale. CMH Heli Skiing, qui a inventé l’héliski et qui domine le marché, tient cinq chalets à Revelstoke et dans ses environs. Le maître des lieux, Selkirk Tangiers Heli Skiing, part directement de la sortie de la ville. L’entreprise, qui appartient à la station de ski de Revelstoke, propose des forfaits d’une ou deux journées, comme Purcell à Golden ou RK à Panorama.

«Le forfait journalier d’héliski est idéal pour tous ceux qui veulent y aller prudemment», explique Andrew McNab, guide chez Selkirk Tangiers. En effet, beaucoup d’Européens éprouvent une grande appréhension au sujet du ski en pleine nature, indique-t-il. En fin de compte, chez eux, la plupart des gens parcourent surtout des pentes préparées, concède Andrew McNab, qui estime toutefois que «ceux qui maîtrisent les pistes noires sans problème et qui sont en bonne forme physique n’ont pas à s’inquiéter».

Pas de poudreuse sans préparation

Néanmoins, il faut se préparer avec un entraînement de force et d’endurance et travailler sa technique sur les skis. «De nombreuses écoles de ski proposent pour cela des camps d’entraînement sur neige épaisse ou des cours particuliers, ainsi que des cours de sécurité», rapporte Thomas Braun de la Fédération allemande de ski (DSV). L’ancien freestyler de classe mondiale Ernst Garhammer propose ainsi depuis plusieurs années des cours sur neige épaisse, principalement dans les Alpes.

L’offre existe aussi au Canada. CMH Heli Skiing propose par exemple des semaines spéciales pour les héliskieurs débutants. Stumböck Club, pionnier allemand des voyages pour skieurs au Canada, propose des safaris à ski en groupe: les guides initient les clients au ski sur terrain non préparé dans le domaine skiable avant le point d’orgue du voyage, la découverte de l’héliski avec Selkirk Tangiers à Revelstoke.

A Revelstoke, Nigel Harrison de l’école de ski Section 8 organise régulièrement des camps. Tout comme Darryl Bowie, qui officie pour Extremely Canadian à Whistler ou encore Ernst Garhammer, le Canadien était autrefois l’un des meilleurs freestylers au monde. Aujourd’hui, il donne des cours d’un ou deux jours aux skieurs qui veulent explorer leurs limites dans le plus grand domaine skiable du Canada. «Nos clients doivent apprendre à skier non seulement sur des pentes plus escarpées, mais aussi de façon plus sûre», explique-t-il. Plus on est en confiance, plus on profite de la nature et du sport, ajoute-t-il.

Des sommets jamais choisis au hasard

En héliski, l’ascension de la montagne est déjà une expérience en soi. Le survol de gigantesques glaciers et de sommets bizarres est impressionnant. Dès que l’hélicoptère a posé le groupe sur un petit plateau, il disparaît en plongeant à toute vitesse dans la vallée.

Sans guides expérimentés et très bien formés, la plupart des skieurs se perdraient probablement dans ce no man’s land blanc. Mais les accompagnateurs gardent tout sous contrôle, car ils ne laissent pas les pilotes se diriger vers n’importe quel sommet tentant. Tous les sites d’atterrissage sont cartographiés, ainsi que les descentes le long de crevasses, de pentes avalancheuses et de corniches.

Malgré un risque résiduel qui ne peut jamais être exclu, l’héliski est probablement la forme de freeride la plus sûre. Contrairement à la randonnée, les passages présentant un risque d’avalanche sont simplement survolés et seules les pentes les plus sûres et les plus intéressantes sont parcourues. Et puisque la sécurité prime, les clients doivent suivre une formation aux situations d’urgence et porter un équipement complet de protection contre les avalanches.

L’héliski a un prix

L’héliski permet de vivre des expériences sur la poudreuse qui ne sont réservées autrement qu’aux randonneurs parfaitement conditionnés. Mais alors qu’ils ne font généralement qu’une seule descente de rêve par jour, le freeride avec transport en hélicoptère permet d’en effectuer dix à quinze. Mais cela a un prix: une journée d’héliski coûte environ 800 euros (environ 880 francs), une semaine entière au moins 6000 euros (environ 6600 francs) – il faut également débourser la moitié de cette somme pour s’adonner au catski.

Ce plaisir exclusif sur les skis a aussi son prix pour la nature, fustigent les défenseurs de l’environnement, qui déplorent les émissions de CO2 causées par les trajets en avion et en hélicoptère ainsi que l’impact de ces pratiques sur la nature. Les critiques sont toutefois plus virulentes en Europe qu’au Canada, où les associations de défense de l’environnement ont plutôt les industries du pétrole, du gaz et du bois dans le viseur.

Contrairement à ce que l’on connaît dans les Alpes, les prestataires d’héliski au Canada opèrent dans des régions pratiquement désertiques. S’ils voient des animaux, la zone correspondante doit être contournée dans un rayon de cinq kilomètres. C’est ce que précise l’association regroupant les entreprises du secteur.

Des zones plus vastes que les Alpes allemandes

La plupart du temps, cependant, il existe de toute façon des solutions de rechange. En moyenne, une zone d’héliski s’étend sur environ 2000 km², alors que les plus vastes atteignent plus de 13 000 km². A titre de comparaison, selon l’Office bavarois de protection de l’environnement, les Alpes bavaroises couvrent une superficie de 4200 km².

Les zones d’héliski les plus vastes et les plus enneigées se trouvent dans la chaîne Côtière, dans le nord de la Colombie-Britannique, où opèrent par exemple Northern Escape Heli Skiing et Bella Coola Heli Sports, nommée à plusieurs reprises meilleur prestataire d’héliski aux World Ski Awards.

«Ici, nous avons entre 25 et 30 mètres de neige par an», s’enthousiasme Tim Wilkinson, du prestataire Bella Coola Heli Sports. John Forrest, le fondateur de Northern Escape Heli Skiing, mentionne un autre avantage: ailleurs, lorsque les hélicoptères ne peuvent pas voler à cause des nuages épais, du brouillard ou d’une tempête, les skieurs attendent de meilleures conditions météorologiques. Mais avec John Forrest, ils dévalent la poudreuse. Northern Escape Heli Skiing dispose de dameuses pour remplacer les hélicoptères pendant ces journées.

«Nous pouvons ainsi garantir une pratique sur de la neige vierge quasiment tous les jours», promet John Forrest. Après tout, c’est pour cela que les Européens ont fait tout ce chemin.

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