Produit thérapeutique De l'Ovomaltine à la clozapine, l'éphémère miracle Wander

Un produit thérapeutique a marqué l'histoire de la recherche psychopharmaceutique, par son efficacité comme par son improbable parcours. La clozapine a en effet été synthétisée à la fin des années 1950 par un laboratoire bernois, bien plus connu désormais pour ses boissons énergétiques que pour sa pharmacopée.

Wander, puisque c'est du producteur de l'Ovomaltine et de l'Isostar qu'il s'agit, n'a toutefois jamais pu profiter de ce produit aux vertus antipsychotiques aujourd'hui encore jugées exceptionnelles, racheté en 1967 par l'alors flamboyant conglomérat chimico-pharmaceutique rhénan Sandoz. C'est ce dernier qui lancera en 1972 la commercialisation de la substance sous la marque Leponex.

«Personne ne sait ce qui rend la clozapine aussi unique. J'ai personnellement travaillé sur dix autres traitements et aucun d'entre eux ne soutenait la moindre comparaison avec celui-ci», explique en entretien avec AWP Ravi Anand, responsable médical du spécialiste transalpin des maladies neurologique Newron.

Las, alors que le groupe bâlois s'apprêtait à se lancer à la conquête de l'Ouest avec son traitement miracle, des chercheurs finlandais mirent au jour un effet indésirable hématologique certes rare, mais hautement mortifère. Moins de 1% des patients développaient en effet une agranulocytose aigüe, dont la moitié décédaient de cette anomalie sanguine se manifestant par la disparition d'un certain type de globules blancs.

L'important marché américain devint subitement inaccessible pour la clozapine et Sandoz fut contraint d'assortir la poursuite de sa distribution sur d'autres débouchés à de draconiennes mesures de surveillance hépatologiques.

Le taux d'adoption du plus efficace à ce jour des médicaments en psychiatrie s'en trouva ramené à un niveau très bas, cantonnée de surcroît aux seuls patients réfractaires aux autres options thérapeutiques disponibles.

Sous la pression de patients et de leur entourage, la clozapine fit l'objet à la fin des années 1980 de nouvelles études aux Etats-Unis, qui conduisirent finalement à son homologation par l'Agence américaine des médicaments (FDA) en septembre 1989.

Spécialisé depuis dans les médicaments de substitution, Sandoz distribue toujours de la clozapine à des fins neuroleptiques contre la schizophrénie, sous une forme générique et assortie des drastiques conditions d'administration arrêtées il y a un demi-siècle.