Irak En Irak, un journaliste entre la vie et la mort après l'assassinat d'un militant

AFP

10.5.2021 - 12:22

Un journaliste connu en Irak cible d'une tentative d'assassinat était lundi entre la vie et la mort, 24 heures après le meurtre de l'une des plus grandes voix contre la mainmise de l'Iran et des groupes armés dans le pays.

Un journaliste connu en Irak cible d'une tentative d'assassinat était lundi entre la vie et la mort, 24 heures après le meurtre de l'une des plus grandes voix contre la mainmise de l'Iran et des groupes armés dans le pays.

Par deux fois, dimanche vers 01H00 du matin et lundi à la même heure, des hommes armés de pistolets munis de silencieux ont tiré sur les deux hommes.

Attaqué alors qu'il rentrait chez lui, le militant Ehab al-Ouazni, coordinateur des manifestations antipouvoir à Kerbala, ville sainte chiite du Sud, est mort sur le coup. 

Le journaliste Ahmed Hassan de la chaîne al-Fourat, atteint à la tête à Diwaniya, plus au sud, a été transféré à Bagdad où il a subi plusieurs opérations et «restera encore deux semaines en soins intensifs», selon l'hôpital spécialisé où il a été admis. Il était sur le point de sortir de son 4X4 devant son domicile quand l'attaque a eu lieu.

Ces deux attaques ont provoqué un choc en Irak, même si le pays est habitué aux violences pré-électorales. Des législatives anticipées ont été annoncées pour octobre 2021.

Impunité

Mais l'impunité sur laquelle les tueurs semblent compter pour frapper des figures connues, sous l'oeil à chaque fois de caméras de surveillance, a fait ressurgir le spectre des éliminations politiques, dans un pays qui en était coutumier surtout durant le conflit confessionnel (2006-2009).

Depuis le début de la révolte populaire inédite d'octobre 2019, au moins 70 militants ont été victimes d'assassinats ou de tentatives d'assassinat et des dizaines enlevés, parfois brièvement. Hicham al-Hachémi, un spécialiste du jihadisme, a été assassiné en juillet 2020 sous les yeux de ses enfants devant sa maison à Bagdad.

Personne n'a revendiqué ces assassinats mais pour les militants, comme pour l'ONU, il s'agit de «milices» dans un pays où les groupes armés financés par le grand voisin iranien n'ont cessé de gagner en influence.

«Les milices de l'Iran ont assassiné Ehab al-Ouazni et vont tous nous tuer, elles nous menacent et le gouvernement reste silencieux», a dénoncé l'un de ses amis dans une vidéo tournée à la morgue.

Selon ses proches, Ehab Ouazni avait récemment affirmé aux forces de l'ordre se sentir menacé mais aucune protection ne lui avait été accordée.

Peu après son assassinat, une dizaine de formations, dont Al-Beit al-Watani, l'un des rares partis nés de la «révolution d'octobre», ont annoncé qu'elles boycotteraient les législatives.

«Comment un gouvernement qui laisse passer sous ses yeux des pistolets avec silencieux et des bombes peut-il garantir un climat électoral sûr?», s'est interrogé Al-Beit al-Watani dans un communiqué, alors que plusieurs candidats ont dit avoir reçu des menaces de mort.

«Iran dégage»

Pour le député Saad al-Helfi, du camp de l'influent dignitaire chiite Moqtada Sadr, «le retour des assassinats vise à entraver les élections». Et, a prévenu Moqtada Sadr, lui-même ancien chef d'une milice, dans un tweet: «participer aux élections se fait sous certaines conditions, les assassinats n'en sont pas une». 

Après les attaques, la colère a éclaté contre l'Iran, puissance agissante en Irak, dont les alliés tiennent le second bloc au Parlement irakien.

Dimanche soir, des manifestations ont eu lieu à Diwaniya et Nassiriya, alors que des manifestants ont brûlé des pneus et des préfabriqués devant le consulat d'Iran à Kerbala. Le ministère iranien des Affaires étrangères a dit s'être «plaint» à l'ambassade d'Irak à Téhéran.

Avant cela, les participants au cortège funéraire d'Ehab Ouazni à Kerbala avaient scandé «Iran dégage!» ou «Le peuple veut la chute du régime!».

La police a eu beau dire qu'elle ne «ménagerait pas ses efforts» pour capturer les auteurs de cet assassinat et le Premier ministre Moustafa al-Kazimi promettre de «rattraper les tueurs», ils n'ont pas convaincu.

Les militants estiment que M. Kazimi, également patron du renseignement, n'a toujours pas fait justice aux critiques assassinés, un an après sa prise de fonction.

Ehab Ouazni lui-même s'en était pris à M. Kazimi en février sur Facebook: «tu es au courant de ce qu'il se passe? Tu sais qu'ils enlèvent et tuent ou bien tu vis dans un autre pays que nous?».

AFP