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Interview Pierre Monnard: «Il y a eu une explosion de séries suisses»
D'Aurélia Brégnac/AllTheContent
23.1.2020
Séries TV, courts-métrages et films de cinéma dans des registres aussi divers que la comédie, le fantastique, le drame ou le documentaire... Pierre Monnard est un réalisateur aussi éclectique que passionné. Alors qu’il entame la tournée promotionnelle de son nouveau long-métrage «Platzpitzbaby», la deuxième saison de sa série «Wilder» s’apprête à être diffusée à partir du 30 janvier prochain sur RTS. Un polar 100% helvétique qui avait déjà conquis le public et promet, une nouvelle fois, une riche intrigue policière au beau milieu d’une nature tout aussi mystérieuse...
Rencontre avec Pierre Monnard, qui retrace pour nous son parcours atypique et nous confie ses inspirations et ses projets.
La deuxième saison de «Wilder» sera diffusée à partir du 30 janvier sur RTS2. On sait déjà qu’elle sera riche en mystère, mais aussi en émotions… Que pouvez-vous nous dire sur le scénario?
Deux ans se sont passés depuis la fin de la première saison. On retrouve notre inspectrice Rosa Wilder de retour en Suisse après sa formation de profiler aux Etats-Unis. La grande nouveauté, c’est qu’entretemps, elle est devenue maman. L’identité du papa du petit Tim reste encore assez mystérieuse. Elle va tout de suite se mettre au travail pour enquêter sur un triple meurtre dont les cadavres viennent d’être retrouvés dans une clairière au milieu d’une nature envoutante. Elle va retrouver son vieil ami Manfred Kägi, avec qui elle avait fait un tandem dans la première saison. Son neveu n’est autre que le témoin principal de ce meurtre. Les deux compères vont collaborer à nouveau pour essayer d’élucider ce mystère…
Vous avez tourné cette saison dans le Jura bernois, et plus en haute montagne comme dans la première saison. Quelles ont été les difficultés que vous avez pu rencontrer sur le tournage?
«Wilder» s’appuie toujours sur la nature. Cela fait vraiment partie du code génétique de la série. Pour la première saison, c’est vrai qu’on était dans la neige, dans l’Oberland bernois. Pour celle-ci, on se retrouve dans un Jura bernois fictif. On a eu beaucoup de plaisir à tourner là. Je ne connaissais pas très bien cette région. On y a vécu quasiment six mois, et ça nous a donné le temps de découvrir cet endroit magnifique. On était parti pour tourner dans des atmosphères typiquement jurassiennes avec de la brume, du mystère… Mais il a fait très beau l’automne passé. Ce beau temps, qui nous a au début un peu agacés, a en fait bien fonctionné par rapport à l’histoire. Ça créé un contraste très intéressant, ce petit coin de paradis ensoleillé qui cache des secrets très sombres enfouis dans la forêt…
Récemment, vous avez justement déclaré que la nature occupait le troisième rôle dans votre fiction. Dans votre autre série «Anomalia», la nature est aussi en toile de fond, très présente. Cela semble vous tenir à cœur…
J’ai grandi à la montagne, dans le canton de Fribourg. Donc c’est vrai que je suis très attaché à la nature. Je trouve que la Suisse a des paysages extraordinaires, mais qui ne sont pas forcément que des paysages de carte postale, touristiques… Dans «Wilder», on essaie de filmer la nature avec un certain réalisme, d’être assez cru avec elle. On la traite comme un vrai personnage. Mais je suis aussi très attiré par les paysages urbains. C’est d’ailleurs le cadre de mon nouveau long-métrage qui sort aujourd’hui «Platzspitz Baby» qui se déroule dans la ville la plus crasse et urbaine possible. Les deux m’intéressent.
«On essaie de filmer la nature avec un certain réalisme, d’être assez cru avec elle»
Comme «Wilder», de plus en plus de séries 100% suisses sont réalisées depuis quelques temps. Vous déclariez en 2014 qu’il y avait jusqu’ici peu de productions purement helvétiques…. Pourquoi, selon vous, cela se développe-t-il en ce moment et quels enjeux de production cela présente-t-il?
C’est vrai qu’il y a eu une explosion de la production des séries suisses depuis environ cinq ans, sous la poussée et le dynamisme de la télévision suisse qui a décidé d’investir de gros moyens et de donner leur chance à des auteurs, à des réalisateurs. Je pense aussi que la télévision a réalisé qu’il y avait un public qui demandait ce genre de productions, et qui, surtout, était fidèle au rendez-vous. «Wilder» est un gros succès populaire, on a eu plus de 600’000 spectateurs devant leur télévision (pas leur ordinateur!): ça représente 37% de taux audience. Il n’y a qu’en Suisse qu’on peut faire ça. Une série en France n’arrive jamais à 37%. Ici, le public est très attaché à sa culture et ses racines. Ça renforce le quotient d’identification pour les téléspectateurs et ça fédère tout un peuple derrière une série.
Quelles sont les séries suisses qui vous ont le plus plu dernièrement?
Je suis un grand fan de «Quartier des banques». J’ai trouvé la première saison excellente, la réalisation de Fulvio Bernasconi très dynamique, très élégante. Je me réjouis de découvrir la deuxième saison dont j’ai déjà pu voir le premier épisode au GIFF à Genève au mois de novembre. Ca m’a laissé vraiment en suspens pour la suite!
En quoi votre série est-elle différente?
Etrangement, en Suisse il n’y a pas encore eu beaucoup de séries policières. «Wilder», c’est l’une des premières séries de ce genre produites ici. C’est surtout la première série horizontale, qui raconte une histoire sur six heures, dans l’esprit de «Broadchurch», qui est un peu notre modèle. C’est ça qui fait son originalité. On a la chance de pouvoir s’amuser un peu avec les conventions du genre. Il y a une intrigue qui va tenir en haleine le spectateur jusqu’au dernier épisode. Et, en parallèle de ce fil rouge, une multitude d’intrigues secondaires est développée. On va découvrir les secrets choquants, douloureux, effrayants que tous ces personnages apparemment bien sous tous rapports cachent derrière leurs portes closes.
La troisième saison est déjà lancée?
Tout à fait, le tournage a débuté cette semaine. C’est parti pour 66
jours de plaisir et d’efforts. Ce n’est pas moi qui la réalise, mais mon
camarade Jan-Eric Mack. Elle sera diffusée à partir de janvier 2021.
«Etrangement, en Suisse il n’y a pas encore eu beaucoup de séries policières»
Vous avez déjà réalisé de nombreux courts et longs-métrages, remporté plusieurs prix… Comment voyez-vous votre parcours de réalisateur jusqu’ici?
Je me considère extrêmement privilégié et chanceux parce que je travaille tant pour la TV avec des séries que pour le cinéma avec des longs-métrages. J’ai réalisé deux saisons de «Wilder» avec Sarah Spale qui interprète le rôle-titre. Elle joue maintenant aussi le rôle principal dans mon film «Platzspitz Baby» où elle interprète une maman toxicomane… On peut créer des ponts très intéressants entre la télévision et le cinéma. On se rend compte que les frontières qui existaient avant sont de plus en plus ténues, qu’il y a de plus en plus de vases communicants entre les deux. On le voit avec la prolifération des plateformes de streaming et le fait que de nombreux réalisateurs de longs-métrages passent à la série…
Cette prolifération ne représente pas encore un plus grand défi pour sortir du lot?
C’est sûr qu’il y a un trop-plein de séries aujourd’hui. On a l’impression de passer à côté de toutes les séries du monde, même si on en regarde beaucoup. Il est impossible de pouvoir regarder tout ce qui est produit. Le challenge, c’est donc bien de réussir à faire exister sa série, de trouver son public. D’où l’importance du succès populaire d’une série comme «Wilder» qui montre qu’elle intéresse un public, que la télévision communique bien sur ces séries, et donner envie aux spectateurs de les regarder.
Polars mais aussi comédies, fantastique, drames, documentaires… vos projets sont très éclectiques. Quel genre vous intéresse le plus?
J’ai beaucoup de chance, car j’ai pu raconter des histoires très différentes… Et ça va continuer dans l’éclectisme parce que les projets en préparation sont des genres dans lesquels je n’ai pas encore œuvré. Il y a notamment un projet qui va parler de la crise agricole, qui est un sujet d’actualité. Je suis très admiratif de réalisateurs comme Ang Lee qui ont une filmographie très diverse, qui passent du western au film fantastique, du drame intimiste à la comédie ou aux films de superhéros. C’est ça qui m’intéresse, ne pas être catalogué ou avoir d’étiquette, pouvoir passer d’un genre à l’autre.
«C’est ça qui m’intéresse, ne pas être catalogué ou avoir d’étiquette»
Ce n’est pas plus difficile de se faire une place?
On est toujours obligé de sortir de sa zone de confort, de se remettre en question, et de réapprendre une nouvelle forme de storytelling et de manière de travailler. Mais c’est ce qui me motive. C’est ce qui fait que j’adore ce métier, d’essayer ne pas me répéter trop souvent. On voit parfois des réalisateurs qu’on peut admirer, mais qui ont tendance à faire toujours le même film.
Quels sont justement les réalisateurs que vous inspirent?
J’étais adolescent dans les années nonante. C’était l’âge d’or du cinéma indépendant américain. J’ai été biberonné aux frères Cohen, à David Lynch, David Cronenberg, Tim Burton… Ils m’inspirent toujours mais c’est bien de trouver sa propre voie. Le but, c’est de servir son histoire, et pas de toujours rendre hommage aux grands maîtres du cinéma.
Quels nouveaux projets préparez-vous?
Je ne peux pas encore trop en parler…. Je vais tourner une nouvelle série dramatique en 2020, toujours dans des décors naturels, mais avec des animaux. Je travaille aussi sur un documentaire sur notre époque en colère. Il sera question d’une personne qui va tenter de réinventer une société meilleure pour lui et sa famille.
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