Interview «Tu as plus de chance de travailler quand tu es un homme»

Aurélia Brégnac/AllTheContent

16.1.2019

Dans la série «Double vie», diffusée sur RTS Un, elle incarne une femme coincée dans sa vie, que l’on a trahie, et qui n’a cessé de se tromper. Un rôle de composition pour l’actrice genevoise Marina Golovine qui, elle, semble pour le moins dotée d’un tempérament affirmé. Et ce n’est sans doute pas par hasard! 

Arrière-petite-fille de l’emblématique Michel Simon, elle a toujours baigné dans l’art et la comédie. Elle confie à «Bluewin» ce qui la fait vivre, la motive, mais aussi ce qu’elle déplore dans le métier.

Pouvez-nous nous présenter la série, en quelques mots?

Ce sont deux femmes qui vont s’apercevoir que leur amoureux les a trahies. Au moment de la mort de ce dernier, on va suivre le deuil de ces femmes, la découverte de sa double vie.



Pour quelles raisons pensez-vous qu’elle plaira au public?

Il y a finalement un message universel, pour les femmes notamment. Laurence, le rôle que j’interprète, est la femme de Marc, avec qui elle a eu deux enfants. A la disparition de son mari, cette femme se demande ce qu’elle a fait de ses rêves, de sa vie. Elle est en fait une petite fille gâtée, bourgeoise, qui s’est enfermée dans ce rôle de mère. Et puis, elle découvre qu’elle n’était pas faite pour ça…

«A la cinquantaine, la ménopause est en quelque sorte la dernière adolescence de la femme.»

A la cinquantaine, la ménopause est en quelque sorte la dernière adolescence de la femme. Elle se rend compte, contrairement aux hommes, d’une sorte de finalité, de «l’aller simple» qui se profile tout d’un coup, hyper rapidement. C’est un moment charnière dans la vie des femmes. Ce n’est pas facile, mais c’est aussi un moment où on peut décider de se délester, de vivre ses rêves, de trouver ce qui est vraiment important, ce qu’on a envie de laisser derrière soi.

Dans la série, Laurence est admirative de Nina, l’autre femme, qui a choisi son boulot… qui est très différente d’elle. Petit à petit, on se rend compte qu’il n’y a pas, dans cette série, le «gentil» et le «méchant», que c’est plus compliqué que ça. Tout le monde a plusieurs facettes. On a envie de suivre ces femmes. Et puis, il y a de l’humour aussi. Les gens peuvent être touchés, bouleversés. Le résultat est vraiment chouette. C’est la première fois que je fais une série et je suis très contente, je suis fière. L’équipe était géniale.

Comment avez-vous préparé ce rôle de femme trahie, qui découvre un si lourd secret de double vie conjugale?

Avec beaucoup de doutes, comme d’habitude. J’aime d’abord apprendre bien mon texte, pour ensuite me sentir libre de le jouer. Cette femme très bourgeoise, j’avais des doutes au début. Et puis le personnage se modèle au fur et à mesure. Et, au final, ça marche très bien. Bruno (Deville, le réalisateur, ndlr), avec qui j’avais déjà travaillé il y a sept ans, dirige extrêmement bien.

Il y a dans la série une scène de nu, plus intime. Comment appréhendez-vous cela?

Ça reste toujours un peu difficile pour moi… Mais je n’en avais qu’une seule, alors je me suis jetée à l’eau.

«Ça donne envie de lui donner une petite paire de claques.»

Il s’agit en effet d’une femme atteignant cinquante ans. A ce propos, que pensez-vous de la récente polémique autour des propos du chroniqueur Yann Moix qui, dans le magazine «Marie-Claire», a déclaré qu’il était «incapable d’aimer une femme de 50 ans», qu’elles étaient «invisibles», etc.?

Ça donne envie de lui donner une petite paire de claques. (rires) Le problème, c’est qu’on ne sait pas si les gens sont en train de faire leur promotion, s’ils cherchent le buzz, ou si c’est de la bêtise… Pour moi, ça n’a aucun intérêt.

«C’est incroyable, cette Riviera. Se lever tous les matins avec ce lac d’où jaillissent ces montagnes.»

Venir tourner en Suisse, dans un si beau cadre que celui de Lavaux, sur la Riviera vaudoise, c’était comme une sorte de retour aux sources pour vous qui êtes Suissesse?

Je ne connaissais pas! Je suis née à Genève, ma mère est dans le Valais. Mais je n’y étais jamais allée… C’est incroyable, cette Riviera. Se lever tous les matins avec ce lac d’où jaillissent ces montagnes, ce voyage immobile juste en regardant. Il n’y a pas une heure où c’est pareil. J’ai beaucoup marché dans les vignes. On a eu la chance d’avoir un temps de rêve, j’ai même pu me baigner. J’ai été scotchée par tant de beauté. J’ai aussi rencontré des gens. Le tournage était épuisant, très condensé, en cinquante jours. Mais on avait les week-ends pour regarder tout ça.

En 2012, vous avez remporté un prix au festival de Soleure pour votre interprétation dans la série «CROM», également réalisée par Bruno Deville. Comment l’avez-vous vécu?

Ça n’a rien changé de spécial. Ça fait plaisir, bien sûr. Le prix était de l’argent, que j’ai dépensé depuis… Là, on y va fin janvier en compétition avec «Double vie».

Vous êtes l’arrière-petite-fille de l’emblématique Michel Simon, c’est une chance ou un poids dans le métier?

C’est une chance, bien sûr. Du point de vue de la richesse intérieure que ça apporte. J’avais 4 ans quand il est mort, alors il ne m’a pas présenté des gens. Mon grand-père était aussi acteur, ma grand-mère poétesse. J’ai baigné dans ce milieu. C’est riche de liberté; on ne m’a jamais dit de finir mes études ou empêché de faire ce que je voulais. On m’a dit «c’est ta passion, vis-la!».

«Je ne suis pas mariée mais j’ai deux filles magnifiques de 15 ans et de 7 ans.»

Quelles sont justement vos autres passions?

J’adore les livres. Je lis en ce moment un livre génial: «Cette maison est la tienne», de Fatima Fahreen Mirza. C’est magique! Et puis, j’ai commencé le livre qu’avait écrit Nelson Mandela. J’adore aussi faire à manger. Je fais partie d’un club de cuisine.

On en sait peu sur votre vie en dehors des plateaux de tournage…

Je ne suis pas mariée mais j’ai deux filles magnifiques de 15 ans et de 7 ans. Je vis avec le papa de la deuxième. J’habite entre le Pays basque, Paris et la Suisse.

«La qualité de vie est bien moins bonne qu’en Suisse...»

Paris, ça vous change de Genève?

Oui, les attentats, ça a été très dur. Ça a enlevé quelque chose: c’était violent, sale… Et puis, quand tu prends le métro, il faut être solide. Ça rend vite triste, de voir cette misère, tous ces gens qui font la manche. Les gens plus speeds, énervés… La qualité de vie est bien moins bonne qu’en Suisse. Les gens sont moins heureux, donc forcément moins sympas. Pour les Suisses, je sais que ce n’est pas toujours évident non plus: la vie est chère, les assurances, les loyers, les embouteillages…

Quels sont vos projets, après la série?

Pour l’instant, il n’y a pas de projet de film. C’est le «tunnel» de cette phase des 50 ans, je crois.

«Je pense que le métier a beaucoup changé. Il y a plus de rôles pour les filles jeunes.»

Parce que c’est plus difficile, vers 50 ans?

Ca commence même avant, vers 40 ans. Je pense que le métier a beaucoup changé. Il y a plus de rôles pour les filles jeunes. Dans un cours de théâtre, il y a 80% de filles. Dans les films, il y a plus de rôles d’hommes. Tu as plus de chance de travailler quand tu es un homme qu’une femme.

Quel rôle souhaiteriez-vous encore incarner, dans l’idéal?

Plus il y a de facettes à jouer, plus c’est intéressant. Avoir des personnages complexes, confrontés à leur destin. Car les femmes s’occupent souvent beaucoup des autres, en oubliant de se préoccuper d’elles-mêmes.

Retrouvez «Double vie», le jeudi soir à 21h10 sur RTS Un. Avec Swisscom TV Air, vous profitez gratuitement de Swisscom TV sur votre ordinateur, votre tablette et votre Smartphone. Ainsi, vous pouvez regarder Swisscom TV, vos enregistrements inclus, où que vous soyez.

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