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Interview «Des Suisses à Los Angeles»: «son mari est dépendant aux opiacés»
d'Aurélia Brégnac/AllTheContent
19.8.2019 - 12:40
«Des Suisses à Los Angeles», c’est la série documentaire de l’été. Les cinq compatriotes, originaires de différents cantons, se sont expatriés, plus ou moins récemment, dans la Cité des anges pour accomplir leurs rêves... Et c’est la réalisatrice Nadia Farès, elle-même installée depuis quelques années à Los Angeles, qui s'est employée à retracer leurs parcours respectifs.
Artistes, étudiants ou garde du corps, les protagonistes ont rencontré sur leurs chemins espoirs et embûches, échecs ou réussites... Entretien avec l’auteure du documentaire coproduit et diffusé les vendredis de ce mois d’août sur RTS Un.
Parlez-nous de l’émission «Des Suisses à Los Angeles» que vous avez réalisée, et actuellement diffusée sur la RTS? Quel est son concept?
C’est une série documentaire en cinq épisodes. La RTS avait déjà proposé une émission sur des Suisses expatriés à Moscou, ainsi qu’à New York. On m’a demandé de réaliser cette troisième série, sur des Suisses à Los Angeles. Je suis moi-même d’origine suisse et égyptienne, et j’ai élu domicile dans cette ville pour développer différents projets de films et de séries. J’ai donc réalisé ces cinq épisodes sur le parcours de ces cinq compatriotes qui, eux aussi, ont tenté l’aventure, entre succès et galères, tristesse et allégresse.
Qui sont ces cinq Suisses qui se sont établis à LA?
Il y a d’abord, Roger, qui est un architecte un peu surbooké, arrivé il y a 22 ans pour passer son Master d’architecture. Au début, on lui a dit qu’il n’allait jamais y arriver. Les premières années ont été assez difficiles pour lui, et maintenant il croule presque sous le travail. Il a su surmonter le obstacles, obtenir des permis de construire, réaliser ses projets avec humour et audace.
Il y a aussi Dora, une danseuse qui a enseigné au prestigieux Metropolitan Opera de New York, où elle a eu des élèves comme Patrick Swayze... A 72 ans, elle est toujours professeure de ballet au Community College de Glendale. Elle est mariée avec un Américain, elle prépare surtout, après 40 ans, son grand retour en Suisse.
Il y a Randy, ce garde du corps solitaire, venu en tant que joueur de football américain. Il a voulu tenter sa chance en tant qu’acteur pendant 10 ans, mais sans succès. Grâce à sa carrure imposante, il a finalement décidé d’assurer la sécurité des stars.
«J’ai aussi voulu rendre justice à cette ville qui donne beaucoup d’opportunités...»
Puis, il y a Lauriane, une étudiante de 22 ans, venue de Genève pour un échange universitaire en relations internationales. A son arrivée, elle se demande si elle va réussir à se faire une place dans cette gigantesque ruche de 45 000 étudiants. Elle va découvrir un enseignement moins conventionnel qu’en Suisse, et une ville tentaculaire et inspirante.
La dernière personne, c’est Francesca, aussi Genevoise, ancienne squatteuse, artiste plasticienne, arrivée en 1995 à LA. Elle prépare dans son atelier une exposition autour des incendies qui ont ravagé la région en 2018. Elle habite au sein d’un quartier d’artistes avec son mari musicien, ses deux fils et ses trois chiennes. On va la suivre jusqu’à son vernissage.
Ce sont donc des parcours très différents, dans lesquels le succès est parfois au rendez-vous, parfois un peu moins...
Exactement. Ce sont des parcours variés, dans différents milieux. J’ai aussi voulu rendre justice à cette ville qui donne beaucoup d’opportunités, mais dans laquelle il y a aussi beaucoup de compétition.
Vous vivez vous-même aux Etats-Unis... Comment s’est passée votre arrivée?
Je suis en fait partie pour des études à New York. Je suis ensuite repartie dans plusieurs pays, entre Abu Dhabi et le Caire, mais aussi en France. Et puis, je suis revenue en 2013, cette fois à Los Angeles, pour développer un projet de film sur Cléopâtre, comment elle est devenue reine. Je me suis donc installée là, mais je travaille aussi pour la Suisse.
Ce projet, ce sera un film avec des moyens américains tels qu’on les connaît dans le cinéma hollywoodien?
C’est en développement, en écriture actuellement. Oui, en principe, on a la tentation de faire ça. Mais rien n’est encore signé. Je ne peux pas vous annoncer que ça va sortir sur Netflix le mois prochain... C’est dans le «pipeline».
«C’est une série qui ne renforce pas les clichés.»
Outre l'épopée de ces personnages, nous découvrons à travers votre regard les différentes facettes de Los Angeles. Sur quoi vous êtes-vous concentrée en particulier?
C’est vrai que chaque épisode s’ouvre sur une thématique propre à cette ville. Ça peut être les communautés de différentes ethnies, la crise actuelle des opiacés... comme le mari de Dora, qui est dépendant à ces médicaments contre la douleur. Un chapitre s’ouvre sur les coulisses des Oscars, lorsque Randy va amener son client à la cérémonie. On aborde dans chaque épisode des thématiques larges, on parle de la ville et de ses différents aspects, à travers le parcours des personnages. Il y a cette idée de «hustle and bustle», c’est-à-dire qu’il faut se remuer, qu’on ne peut pas simplement attendre que les choses viennent à nous. Ce sont des sujets caractéristiques du lieu, des personnages, de rester toujours attentifs à ce qui les entoure.
Alors, les clichés que l’on peut avoir sur le rêve américain, Hollywood et LA, sont finalement révélés à travers ces expériences?
Non, justement, c’est une série qui ne renforce pas les clichés. C’est une série qui renforce la réalité à Los Angeles. On va découvrir cette ville sous un autre aspect. Ce sont des gens implantés au cœur de cette ville tentaculaire. Oui, ils ont suivi leur passions, sont venus pour réaliser leurs rêves. Il y a cette attirance de cette ville où l'on peut débarquer, réussir, mais aussi rencontrer des échecs... il faut se remuer.
Mais cette émission «Des Suisses à Los Angeles» n’a rien à voir avec la téléréalité, comme ces émissions que l’on peut trouver sur les chaînes étrangères, et notamment américaines?
Non, c’est soigné, c’est un documentaire, traité avec de l’humour, de l’humanité. Ça donne un aperçu des coulisses de Los Angeles, cette ville, que, nous, on connaît.
Quel est votre lien avec la Suisse?
J’ai une mère suisse et un père d’origine égyptienne. J’ai grandi en Suisse. J’ai connu l’Occident et l’Orient. Et j'ai tenté la même aventure dans la Cité des anges... Mais je continue aussi de travailler avec la Suisse.
«J’ai exploré comment on pénalise certains pays et pas d’autres.»
Envoyée spéciale dans des pays où règne l’oppression, les conflits, etc. Que ramenez-vous de ces expériences à l’étranger? Quel souvenir est pour vous le plus marquant?
Oui, j’ai, par exemple, réalisé «Les petite reines du Caire»: je suis plutôt intéressée par des choses pas faciles, pour montrer le courage (rires). Là, il s’agissait de montrer des femmes six ans après la révolution égyptienne. On avait beaucoup d’espoirs qui se sont estompés. Mais en même temps, il y a ce courage des femmes, qui perdure malgré tout.
Vous avez aussi abordé le sujet du djihadisme, n’est-ce pas?
A l'occasion d'un reportage en Tunisie, pour l’émission «Temps Présent», où j'ai exploré les raisons pour lesquelles les touristes ont boudé le pays à cause des attaques terroristes, alors qu’en France, le tourisme a perduré malgré le terrorisme. J’ai exploré comment on pénalise certains pays et pas d’autres.
Sinon, vous revenez encore en Suisse?
Oui, je suis assez souvent de retour. Je prépare un long-métrage documentaire en collaboration avec Nawel El Saadawi, qui est une grande figure féministe égyptienne, âgée de 87 ans, et qui est aussi une psychiatre, qui a écrit beaucoup de livres... c’est un film qui retrace, sur trois générations, l’évolution du féminisme en Egypte.
Alors votre documentaire sur ces Suisses expatriés, c’est finalement un tout autre travail?
Oui, c’est un tout autre travail. Ce projet m’a été proposé par la RTS, c’est un magnifique travail d’équipe. Du côté des deux journalistes reporters d’images, mais aussi des commentaires de Laurence Mermoud, de l’écriture, de la musique... Mais c’est le même soin apporté à ces réalisations, qui est de rendre hommage à ces héros de tous les jours. C’est aussi une forme de courage: ça se rejoint sur cette idée qui consiste à ne pas se laisser abattre, à se battre avec énergie, au sein d’un changement de vie, de société et de mentalité. Ça peut ainsi se connecter, d’une manière ou d’une autre...
«Cela racontera le coming-out d’un fils en tant qu’homosexuel au sein d’une famille de diplomates arabes»
Quels sont vos prochains projets de tournage?
J'ai un autre projet de long-métrage aux Etats-Unis, qui s’appellera «Corps diplomatique», et qui racontera le coming-out d’un fils en tant qu’homosexuel au sein d’une famille de diplomates arabes. C’est inspiré d’une histoire vraie. Ça explore l’univers de la diplomatie et son hypocrisie... Ce projet est d’ailleurs soutenu par Meryl Streep et Nicole Kidman. On a montré trois scènes de ce scénario au National Arts Club de New-York en juin dernier pour attirer des financements et des producteurs.
Vous êtes donc en relation avec les producteurs, les acteurs à Hollywood?
Oui, et puis, j’ai mon manager, qui me coache, aussi en tant que scénariste, pour pouvoir proposer des projets, avoir des rendez-vous dans différentes entités de la télé, de Netflix, de la Fox, rassembler des fonds pour le financement... C’est un travail de très longue haleine, mais ça avance dans le bon sens!
«Des Suisses à Los Angeles», série documentaire diffusée le vendredi soir, 20h05 sur RTS Un. Avec Swisscom TV Air, vous profitez gratuitement de Swisscom TV sur votre ordinateur, votre tablette et votre Smartphone. Ainsi, vous pouvez regarder Swisscom TV, vos enregistrements inclus, où que vous soyez.
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d'Aurélia Brégnac/AllTheContent