Philippe Lefebvre «Franck Dubosc a été déstabilisé à la lecture du scénario»

Valérie Passello

27.9.2023

La comédie française «Nouveau Départ», avec Karin Viard et Franck Dubosc, sort ce mercredi 27 septembre dans les salles obscures. Pour blue News, le réalisateur et comédien Philippe Lefebvre lève un coin du voile sur les coulisses du tournage. Rencontre.

Philippe Lefebvre parle de son film

Philippe Lefebvre parle de son film "Nouveau Départ"

Pour blue News, le réalisateur et comédien Philippe Lefebvre lève un coin du voile sur les coulisses du tournage.

22.09.2023

Valérie Passello

Visage connu du grand, du petit écran et du théâtre français, Philippe Lefebvre passe derrière la caméra et réalise son deuxième long-métrage au cinéma.

«Nouveau Départ» raconte l'histoire de Diane et Alain, mariés depuis une trentaine d'années, qui se retrouvent en tête à tête après le départ de la maison de leurs enfants. Si Alain, incarné par Franck Dubosc, vit bien cette période charnière, Diane, interprétée par Karin Viard, réalise qu'elle s'ennuie. Que faire dans ce cas? «Rester sur l'autoroute ou prendre la prochaine sortie?», questionne le réalisateur. À découvrir au cinéma dès ce mercredi!

Philippe Lefebvre, ce cap de la vie, le «syndrome du nid vide» comme on l'appelle, c'est un thème universel: c'est ça qui fait une bonne histoire?

Que ça parle à un grand nombre de gens, oui, c'est le point de départ de l'envie de faire un film. Au-delà du syndrome du nid vide, je voulais faire une comédie sur le couple. Qui parle à des gens qui sont en couple depuis un certain temps, mais aussi à des gens qui commencent leur vie de couple, des gens qui ont des enfants jeunes ou des enfants qui sont déjà partis de la maison... Je trouve que l'universalité du sujet, c'est surtout le couple.

Ce film, vous l'avez écrit pour Karin Viard...

En général je ne fais jamais ça. Je n'écris jamais en pensant à des acteurs. J'écris des scénarios et une fois que les personnages me semblent solides, cohérents, que l'histoire me semble aboutie, là je commence à envisager les meilleurs acteurs pour les personnages.

Mais il se trouve que là, j'avais en tête Karin Viard. Parce que je la connais depuis très longtemps et que je l'admire au-delà de tout comme actrice. Un jour j'étais dans un bar en train de travailler avec ma co-scénariste Maria Pourchet. Karin Viard est entrée et m'a demandé ce que je faisais là. Je lui ai répondu: «J'écris pour toi».

Après, je me suis demandé pourquoi je lui avais répondu ça, parce que tout le monde doit lui dire la même chose tout le temps et que c'était me mettre une pression supplémentaire. Si elle n'aimait pas le film, c'est comme si je n'envisageais personne d'autre pour le faire, alors que -même si j'adore Karin- d'autres auraient pu le faire aussi... Néanmoins, six mois plus tard, je lui ai envoyé le scénario et le lendemain elle m'a envoyé un texto que j'ai toujours, d'ailleurs, qui disait: «C'est super, j'adore, je le fais!»

On n'a pas l'habitude de voir Franck Dubosc dans ce registre: le fait de se retrouver dans un rôle plus tendre, plus en subtilité, est-ce que ça l'a déstabilisé?

Pour le personnage de Franck Dubosc, qui est un ami de longue date, c'est en le voyant avec ses enfants que je me suis dit: «ça, personne ne le connaît». De lui, le public ne perçoit pas la profondeur et la densité qu'il a dans sa vie de tous les jours. C'est ce que je voulais le montrer à l'écran. Il a été déstabilisé à la lecture du scénario. Il m'a appelé en me disant: «Pourquoi moi? Ce n'est pas moi le rôle comique dans l'histoire.» Je lui ai répondu: «Tu feras rire, mais surtout, je veux qu'on s'attache à toi, que tu sois le vecteur émotionnel de ce film». Il m'a fait confiance et aujourd'hui il est content (rires)!

François Berléand fait aussi une apparition: il paraît qu'il est plus potache que les autres en tournage?

Totalement, il est même ingérable! Je le connais par coeur, car il était le personnage de mon premier long-métrage, «Le Siffleur». Mais je préviens souvent les jeunes acteurs, car lui, il déconne entre les prises, mais au moment de l'action, il sera impeccable, alors qu'eux seront déstabilisés: il ne faut pas qu'ils rentrent dans son jeu. D'ailleurs, il est venu par amitié tourner cette séquence qui est très drôle dans le film. Il est arrivé très en retard, en râlant parce qu'il y avait des embouteillages. Alors je l'ai sorti du taxi, je l'ai assis à sa table, ce qui fait qu'il a tourné avec ses propres vêtements, il n'a pas eu le temps de passer au maquillage et à l'habillage. Il est comme ça. 

Parlons de vous: c'est plus facile de diriger des acteurs quand on l'est soi-même?

C'est une communication naturelle que j'ai avec eux. Je sais ce que j'aime qu'on me dise quand je suis acteur, il ne faut pas m'abreuver d'informations entre les prises, car le travail a été fait avant. J'aime citer Billy Wilder, qui disait: «La direction d'acteurs, c'est leur indiquer le chemin du studio». Ce n'est pas un travail. 

En tournage, vous êtes un enthousiaste, paraît-il...

Encore une fois, je sais ce que j'apprécie en tant qu'acteur. Comment obtenir quelque chose de quelqu'un en le bloquant, en le brusquant? C'est impossible. Et puis c'est un «work in progress», on avance par petites touches, on rajoute des couches pour arriver à la séquence optimale. On travaille sérieusement, mais j'aime qu'on travaille dans la douceur et dans le confort affectif, en tout cas. J'ai choisi tous les acteurs, donc je les aime. Je suis là surtout pour les mettre en valeur. C'est pour ça que je fais des films. Les acteurs sont le seul vecteur de sensations et d'émotion. Il faut toujours miser sur son casting: si vous avez des bons acteurs, tout passe.  

Parfois dans les comédies françaises, le rire est un peu lourd. Or, c'est un piège que vous évitez dans le film. Vous teniez à conserver de la délicatesse?

Pas spécialement de la délicatesse, mais de la véracité. Je voulais qu'on connaisse ce couple, mais aussi cette famille. Toujours garder un réalisme, avec des situations de comédie qui sont provoquées par les caractères des personnages et pas par des situations dingues. 

Un film, c'est toute une aventure: qu'est-ce que vous y mettez de vous-même?

Alors dans celui-là, beaucoup, beaucoup de choses. Déjà par le fait que j'ai deux grands enfants. Ma fille aînée est partie de la maison et il est vrai que pour mon fils, qui a 17 ans, je redoute ce moment. Par le fait aussi que je suis en couple depuis très longtemps et que j'ai des gens autour de moi qui ont vécu cette étape que l'on appelle la crise de milieu de vie, où l'un des deux se dit: «Je suis arrivé au bout de quelque chose, qu'est-ce que je fais maintenant?» C'est comme quand on est sur l'autoroute: doit-on continuer ou sortir à la prochaine? Et souvent, dans les films ou les romans, cette crise est évoquée du point de vue de l'homme. Mais évidemment, il y a aussi des femmes qui, au bout d'un moment, font le constat qu'elles s'ennuient. Et je voulais absolument que cette crise soit évoquée du point de vue de la femme et que ce soit l'homme qui subisse.  

Rien de personnel?

... Non! (rires)

Ne le prenez pas mal, mais vous faites partie de ces comédiens dont on connaît le visage et pas forcément le nom: vous aimeriez que l'on se souvienne de votre nom en tant que réalisateur?

C'est une bonne question. Je n'y ai jamais réfléchi. Non... mon nom, ce n'est pas très important. J'ai envie qu'on se souvienne des films, du moment où on les a vus, de ce qu'on a ressenti quand on les a vus, de l'émotion.