Nouveau scandale Juan Carlos en difficulté: «Préparons-nous au pire»

dpa

25.7.2018

La justice espagnole enquête sur Juan Carlos (ici avec son épouse Sofia) dans une affaire de corruption.
La justice espagnole enquête sur Juan Carlos (ici avec son épouse Sofia) dans une affaire de corruption.
Keystone

Alors que la famille royale espagnole vient de se sortir d'une affaire financière, un nouveau scandale secoue désormais la monarchie — et les reproches faits à l'ancien roi Juan Carlos sont graves. Au cœur de cette affaire, une Allemande.

Elle, une Allemande domiciliée à Monaco et entretenant d'excellentes relations avec les maisons royales et les dirigeants d'entreprises. Lui, un commissaire espagnol à la retraite qui aurait empoché des millions d'euros d'argent sale. En Espagne, les noms de Corinna zu Sayn-Wittgenstein et de José Manuel Villarejo sont actuellement sur toutes les lèvres. Alors que le journal «El País» parle de «dynamite», le spécialiste de la famille royale Jaime Peñafiel évoque la «pire situation» qu'ait connue le pays depuis la restauration de la monarchie en 1975. «Préparons-nous au pire», prévient-il.

Que s'est-il passé? La semaine dernière, les médias ont publié les enregistrements d'une conversation dans laquelle une femme accuse notamment l'ancien roi Juan Carlos, le père du roi Felipe VI, de corruption et de blanchiment d'argent. La voix appartiendrait à l'Allemande, qui a entretenu des rapports étroits avec Juan Carlos entre 2006 et 2012. C'était «une amie intime», comme elle l'a un jour déclaré, qui l'aidait dans ses activités commerciales. Les interlocuteurs de la femme sur ces enregistrements, qui datent manifestement de 2015, ne seraient autres que José Manuel Villarejo et Juan Villalonga, un ancien chef du groupe de télécommunications Telefónica.

Des millions d'euros de pots-de-vin

Sur les enregistrements, la femme explique que Juan Carlos a empoché plusieurs millions d'euros de pots-de-vin en négociant des contrats à l'étranger pour des firmes espagnoles. Le roi l'aurait également utilisée comme femme de paille pour soustraire une partie de son argent et sa fortune au fisc espagnol.

«Un matin, tu te réveilles avec un terrain à Marrakech», explique la voix de femme sur les enregistrements. Elle dit craindre d'être accusée de complicité de blanchiment d'argent, parle d'un «énorme cauchemar» et déclare subir les menaces du CNI, le service de renseignement espagnol.

Mais ces enregistrements sont-ils authentiques? Les voix ont-elles été clairement identifiées? La semaine dernière, Corinna zu Sayn-Wittgenstein a publié une déclaration dans laquelle elle ne dément pas l'authenticité des enregistrements. Elle ne fait aucun commentaire sur le contenu de la conversation, mais regrette qu'à cause de ces révélations, elle se retrouve impliquée dans un conflit avec lequel elle n'a rien à voir.

Des accusations rejetées

«J'ai toujours été correcte», assure cette fille de père danois, responsable d'une compagnie aérienne, et de mère allemande née à Francfort sous le nom de Corinna Larsen il y a 53 ans. De 2000 à 2005, elle a été mariée au prince Casimir zu Sayn-Wittgenstein. Professionnellement parlant, elle gère une société de conseil. Et Juan Carlos n'est pas le seul à être apparu régulièrement sur ses photos: ainsi, elle a déjà pris la pose aux côtés des Clinton, de magnats du pétrole, de puissants dirigeants d'entreprises, de stars hollywoodiennes et de membres de la noblesse.

Les deux autres participants présumés à la conversation n'ont eux non plus pas remis en cause les enregistrements publiés, des enregistrements que Villarejo aurait réalisés en secret lors d'une réunion à Londres. Depuis novembre 2017, le commissaire est en détention préventive, notamment pour soupçons de formation de bandes et de corruption. À partir des années 80, l'homme de 66 ans aurait dirigé une entreprise en charge d'espionner et de faire chanter des entrepreneurs, des journalistes, des hommes politiques, des juges et même des membres du CNI pour le compte de riches clients. S'appuyant sur des déclarations de la justice, le journal «El País» a écrit que rien qu'entre 2013 et 2017, Villarejo avait réclamé un total de 30 millions d'euros à huit de ses clients.

D'après certains médias, le juge du Tribunal d'État qui enquête sur Villarejo dans cette affaire a demandé un examen des cassettes de Corinna, comme on les surnomme, et a convoqué l'ancien commissaire à une audition jeudi. Les spéculations selon lesquelles Villarejo aurait délibérément remis les enregistrements aux médias pour intimider l'État, la maison royale et le CNI et se tirer d'affaire ont été démenties par ses avocats.

Les opposants à la monarchie ont le vent en poupe

Ce scandale fait actuellement les affaires des opposants à la monarchie, qui arrivent de plus en plus à se faire écouter. Les fractions de gauche du parlement, comme Izquierda Unida et Podemos, ainsi que les séparatistes catalans, demandent une enquête approfondie. En l'espace de quelques jours, près de 120'000 personnes ont signé la pétition publiée par le journal numérique «Público» et appelant à l'organisation d'un référendum sur l'abrogation de la monarchie.

La maison royale a déjà connu des jours meilleurs. Le scandale financier autour du beau-frère du roi Felipe Iñaki Urdangarin, dans le cadre duquel l'époux de l'infante Cristina a récemment été condamné à près de six ans de prison, a beaucoup nui à l'image de la famille royale.

Juan Carlos, qui, il y a trois ans, a abdiqué en faveur de son fils à la suite à toute une série de scandales — dont une chasse aux éléphants particulièrement controversée, a du souci à se faire. Depuis son abdication, il bénéficie toujours de droits spéciaux, mais a perdu son immunité. Il pourrait donc être poursuivi par la Cour suprême.

La maison royale se mure dans le silence. Bizarre? Pas du tout, a confié le spécialiste de la famille royale Jaime Peñafiel au journal «El Español»: «Quand on ne peut rien démentir, toute déclaration peut être nuisible.»

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