Le travail finit (presque) toujours par payer. Jérémy Desplanches l'a prouvé vendredi en se parant de bronze sur 200 m 4 nages aux JO de Tokyo, sept ans après avoir posé ses valises à Nice pour, espérait-il, devenir un nageur de très haut niveau.
Sa progression n'a rien de spectaculaire. Elle est le fruit d'un immense labeur quasi quotidien, avec des longueurs de bassin enchaînées dès 7 heures du matin, deux fois par jour et six jours sur sept. Une véritable ascèse, à laquelle il s'astreint sous l'oeil du coach Fabrice Pellerin, avec depuis bien longtemps un rêve olympique en tête.
«Je vais continuer à m'entraîner comme si j'avais terminé dernier. Ce serait d'ailleurs la même chose si j'avais terminé premier. J'ai vraiment Tokyo en ligne de mire», lâchait-il d'ailleurs après avoir décroché l'argent en 2019 aux Mondiaux de Gwangju, répondant à Keystone-ATS au milieu de la nuit sud-coréenne alors qu'il ne trouvait pas le sommeil.
«Un rêve, ça évolue»
Jérémy Desplanches peut être fier d'avoir atteint un objectif qu'il n'a jamais caché. Un objectif qui était d'ailleurs plus un rêve au départ. Mais «un rêve, ça évolue. Au départ, je voulais juste disputer des Jeux. Ensuite, je visais une place en finale. Mais les JO, c'est vraiment un truc à part où tout est possible», disait-il en décembre 2018, quelques mois après être devenu champion d'Europe.
Le Genevois est un homme de parole. Confiant sans assurance excessive, disponible, il a gardé les pieds sur terre. Il ne roule de toute manière pas sur l'or, la natation restant un sport de niche en Suisse malgré son statut de no 2 des sports olympiques estivaux. «Ce serait difficile de tourner sur le plan financier si je devais avoir un loyer suisse à payer», reconnaissait-il au printemps 2019.
Une obsession payante
Mais peu lui importe. Jérémy Desplanches – qui bénéficie désormais du soutien d'un équipementier et d'une marque horlogère – a toujours eu cette soif de performance comme unique moteur. Sa motivation est restée intacte, malgré notamment les moments de doute connus pendant la pandémie de Covid-19, qui l'avait empêché de nager dans le grand bassin de l'Olympic Nice Natation durant deux mois au printemps 2020.
Comme tant d'autres sportives et sportives, il a dû composer avec l'annulation des championnats d'Europe prévus en 2020, et surtout avec le report d'une année des JO de Tokyo. Mais il n'a malgré tout jamais perdu de vue cet objectif ultime, lui qui avait pris une claque en 2016 à Rio où il avait échoué en demi-finales.
Le Niçois d'adoption ne s'est pourtant pas facilité la tâche, d'une part en clamant haut et fort ses ambitions, et d'autre part en les concentrant sur une seule discipline alors qu'il était au départ tout autant à l'aise sur 400 m 4 nages. Il savait depuis bien longtemps qu'il devrait être au sommet de sa forme en ce 30 juillet 2021, à 11h16 heure du Japon, et à nul autre moment.
«Je vois que cette obsession que j'ai eue pour les Jeux depuis cinq ans a payé», a-t-il souligné quelques minutes après avoir arraché le bronze à Tokyo avec 0''05 d'avance sur Daiya Seto (4e). Il a fait de cette obsession une force, repoussant sans cesse ses limites pour poursuivre une progression linéaire depuis l'après Rio 2016.
Jalons
Jérémy Desplanches avait «posé les premiers jalons» lors des Mondiaux 2017 à Budapest, comme il l'expliquait lui-même après s'être qualifié pour sa première finale intercontinentale. Il était alors passé pour la première fois sous les 1'57'' (1'56''86), mais au stade des demi-finales. Un record vain.
Le Genevois devait apprendre à jouer la place, sans viser un «chrono». Il est rapidement passé à l'acte, cueillant le titre européen en 2018 à Glasgow mais en 1'57''04. «J'ai appris à nager contre mes adversaires, et pas seulement contre moi-même en visant un chrono», soulignait-il ainsi avant le rendez-vous écossais.
«La stratégie est totalement différente. Je commence à maîtriser cela, et je serai totalement prêt pour les Tokyo», expliquait alors Jérémy Desplanches, métamorphosé en homme des grands rendez-vous: vice-champion du monde en 2019, avec un record de Suisse à la clé (1'56''56), il a touché au Graal ce vendredi 30 juillet.
Et ce n'est certainement pas terminé. «Quand je prendrai le temps d'analyser (réd: ma course), j'y verrai des défauts. Et c'est tant mieux car je suis quand même à une seconde du titre», remporté par Wang Shun en 1'55''00, a-t-il expliqué quelques minutes après sa finale, comme pour donner rendez-vous en 2024 à Paris.
«C'est plutôt la classe»
Jérémy Desplanches était par ailleurs fier d'avoir assuré à la Suisse sa 200e médaille dans des JO d'été. «J'avoue que c'est plutôt la classe», a lâché celui qui a offert à la délégation helvétique sa 9e médaille dans ces JO, et à la natation suisse le deuxième podium de son histoire aux Jeux après le bronze conquis par Etienne Dagon sur 200 m brasse en 1984.