Membre de l'équipe de Suisse depuis 2018, l'épéiste valaisan Lucas Malcotti s'apprête à vivre cet été ses premiers Jeux olympiques. Rencontre.
Dans moins de 100 jours désormais, pour autant que la situation sanitaire le permette, l'escrimeur Lucas Malcotti vivra à 26 ans son rêve : participer aux Jeux olympiques. Ce sera au Japon, du côté de Tokyo (23 juillet au 8 août).
Là-bas, l'épéiste valaisan espère revivre les émotions procurées par le titre mondial conquis en 2018 avec l'équipe de Suisse et ses compères Max Heinzer (33 ans), Benjamin Steffen (39 ans) et Michele Niggeler (29 ans). "Aux Jeux, on a clairement des chances de médaille. D'ailleurs, ma chance est en équipe", explique Lucas Malcotti.
Afin de préparer au mieux cette échéance, le Sédunois se rend notamment une fois par semaine à Malley, dans le complexe flambant neuf de la Vaudoise aréna, pour se mesurer à ses coéquipiers romands. Parmi eux, Alexis Bayard, avec lequel Lucas Malcotti s'entraîne sur la vidéo ci-dessus.
Le Valaisan, double champion suisse sénior (en 2016 et en 2018), nous parle de son sport, sa qualification olympique et sa préparation. Interview.
Lucas Malcotti, l'escrime n'est pas un sport commun ni très répandu, comment est-ce que vous y êtes arrivé ?
"J'y suis vraiment arrivé par hasard. A Sion, il y a une bonne école d'escrime et quand j'avais huit ans, alors que je me promenais avec ma maman, je suis passé devant l'ancienne salle. Elle avait une grand baie vitrée et ça m'a plu de voir les jeunes tirer. La semaine suivante j'allais donc essayer l'escrime. Avant cela, je faisais un peu de sport, mais il n'y en avait pas un qui me plaisait plus que les autres."
Mais alors, qu'est-ce qui vous a particulièrement plu dans ce sport ?
"Quand tu es jeune, tu te prends pour Zorro. Ton seul but, c'est de toucher l'autre. Avec le temps, le but ne change pas, mais tu dois essayer de tout le temps être la pointe de ton épée. C'est un sport très complet, très mental et c'est ce qui me plaît. Il faut essayer d'être dominateur à chaque instant sur la piste pour prendre l'ascendant sur ton adversaire. Même quand tu prends deux touches, il faut rester dans ton match. C'est un sport très psychologique. Parfois c'est même un sport cruel, car tu peux perdre d'une touche, à par exemple 45-44 en équipe."
Quelles sont les qualités à avoir ?
"Mentalement, tu dois être fort et comme dans tous les sports, il faut du physique, il faut être explosif."
Quel est votre parcours ?
"J'ai donc commencé à huit ans à Sion et j'y suis resté jusqu'à mes quinze ans, je ne me déplaçais pas. Après, j'ai commencé à voyager un peu, d'abord à Berne. Par la suite, j'ai participé aux Coupes d'Europe des moins de 17 ans, puis des moins de 20 ans. Quand tu commences à voyager, c'est vraiment cool, d'autant que les résultats suivaient. Vers 21 ans, j'ai eu l'opportunité de faire l'armée en sport à Macolin. Durant cinq ou six mois, j'étais pro, je ne faisais que ça et cette vie me plaisait. On était quatre escrimeurs et on avait même gagné une Coupe du monde en junior. Après je suis revenu en Valais et j'ai gentiment commencé à participer aux épreuves de Coupe du monde sénior et finalement j'ai eu la chance de pouvoir intégrer l'équipe. Ce qui est important c'est d'être dans les quatre meilleurs Suisses pour pouvoir faire l'équipe en Coupe du monde."
Comment est-ce que vous avez intégré l'équipe de Suisse ?
"Après des bons résultats en individuel, ils ont voulu me tester par équipe. C'était en janvier 2018 et j'ai directement bien fonctionné. Je suis un bon coéquipier, j'adore l'esprit d'équipe. Je trouve que c'est quelque chose qui procure encore plus d'émotions sur la piste car tu n'es pas tout seul, tu tires pour toute une équipe."
Quel est votre rôle, vous qui êtes le "petit jeune" de la bande ?
"C'est vrai que mes coéquipiers sont tous plus âgés. J'amène du sang neuf. Je suis un peu le guerrier de l'équipe, je me bats jusqu'au bout. Je ne suis pas quelqu'un qui a l'habitude de prendre de gros trous, c'est-à-dire beaucoup de touches d'un coup. Je suis plutôt solide. Dans cette équipe, il y a deux défenseurs, Steffen et Niggeler, alors qu'Heinzer est plutôt orienté vers l'attaque. Moi je le complète, je sais mettre des touches vers l'avant s'il le faut."
Pour votre retour à la compétition il y a trois semaines après une année de pause forcée, vous avez validé à Kazan votre ticket pour les Jeux olympiques de Tokyo. Sur quoi s'est jouée votre qualification ?
"Elle s'est jouée sur deux ans au total. C'était épuisant, surtout avec une année de pause entre-deux. Il y a vraiment eu des périodes difficiles. C'est une qualification olympique, donc forcément que c'est dur, que ça prend de l'énergie. L'année passée nous n'étions pas encore qualifiés. La qualification se joue sur huit tournois, au terme desquels ils gardent les sept meilleurs, et au moment de l'arrêt des compétitions, il n'y en avait eu que sept. On était très bien partis et on a donc confirmé notre qualification lors de la dernière manche de Coupe du monde à Kazan."
Comment est-ce que vous vivez cette qualification ?
"Si je mets le contexte de côté, c'est une rêve de gamin d'aller aux Jeux olympiques. Le fait d'être devenu champion du monde par équipe en 2018, c'était déjà magnifique. Mais aller aux Jeux olympiques et pouvoir titiller ces médailles, car on en a le potentiel, c'est un rêve."
Comme vous le dites, vous rêviez de prendre part aux JO, mais une participation dans ces conditions n’est-elle pas un peu frustrante ?
"Il faut se dire qu'au moins ils ont lieu. Mais c'est vrai que faire juste des allers-retours entre la chambre d'hôtel et la salle de compétition, ça ne va pas être très drôle. Le fait que la famille ne puisse pas venir, c'est vraiment dommage, car j'aurais voulu partager ça avec elle. Les Jeux olympiques, pour nous escrimeurs, c'est l'événement où on peut espérer briller, c'est le graal. Malheureusement, ce sera une édition un peu spéciale, mais j'essaie de ne pas trop y penser et de garder ma motivation. Ça reste des Jeux olympiques et les médailles restent des médailles."
Avec trois places à disposition de l’entraîneur national, vous pouvez toujours espérer concourir en individuel. De quels facteurs dépendra votre participation ?
"Ils vont juger sur toutes les manches de Coupe du monde qu'on a eues jusqu'à présent, donc les huit. Pour moi, j'ai ma place car je ne fais que progresser. J'espère qu'ils prendront les personnes les plus fraîches du moment. Si je ne me trompe pas, ils ont jusqu'à début juillet pour se décider. Ce n'est pas écrit sur le papier, mais la sélection pour les quatre de l'équipe est faite, ce sera Heinzer, Steffen, Niggeler et moi."
Préparer une telle échéance avec un calendrier quasiment vide ne doit pas être évident... Quel est votre programme pour cette dernière ligne droite ?
"Pour le moment, les championnats d'Europe à Plovdiv en Bulgarie fin juin ne sont pas encore annulés. J'espère qu'ils auront lieu car ce serait une bonne préparation pour les Jeux, ça nous permettrait d'essayer l'équipe-type. Sinon ces prochaines semaines c'est entraînement à fond, avec des camps chaque trois semaines où on se retrouve avec toute l'équipe. On invite aussi des étrangers qui n'ont pas été retenus par leurs fédérations nationales à venir tirer avec nous. C'est bien parce qu'à Kazan j'ai trouvé que ça nous avait manqué de tirer avec d'autres rythmes, d'autres styles, d'autres escrimeurs."