Lucien Favre, l'entraîneur de Dortmund qui reçoit ce mardi l'Inter Milan en Ligue des champions, est violemment attaqué sur sa personnalité, dans un club qui ne s'est jamais remis du départ de Klopp.
«Le registre de Favre est limité: il lui manque les moyens verbaux et émotionnels pour titiller l'équipe, pour la pousser ou même pour la mettre en colère», assénait récemment le magazine allemand Kicker.
«Pour mettre les points sur les i et s'extérioriser, il devrait renier sa nature. Mais aucun de ses joueurs ne doit redouter le fouet de Favre. Chez lui, on analyse», estime Kicker.
«Dortmund ne gagnera un trophée que lorsque (Favre) sera enfin capable de donner lui-même à ses joueurs l'exemple de cette audace inconditionnelle nécessaire pour être champion», renchérit Bild, le grand quotidien populaire.
Une équipe manque de «caractère»
La victoire 3-0 samedi contre Wolfsburg a certes remis l'équipe dans le sens de la marche. Mais sur ses cinq sorties précédentes en championnat, le BVB avait concédé quatre nuls, dont trois en fin de match après avoir mené. En Ligue des champions, il a dominé Barcelone à domicile mais s'est montré incapable de marquer (0-0), avant de livrer un match sans âme à Milan contre l'Inter (défaite 2-0).
Ce qui fait dire à nombre d'experts que cette équipe manque de «caractère», tout comme son entraîneur manque de passion.
«Le problème s'appelle Klopp»
Derrière la cruauté des propos, nombre de commentateurs décèlent en fait un terrible malentendu, inhérent à l'histoire récente du Borussia. «Le problème du BVB s'appelle Jürgen Klopp», titrait il y a quelques jours le quotidien Tagesspiegel, résumant une opinion assez répandue.
«Lucien Favre n'a pas de problème avec le Borussia Dortmund, il a un problème avec Jürgen Klopp, et tous les successeurs de Klopp à Dortmund ont eu ce problème», confirme la journaliste de la chaîne publique ARD Anne van Eickels.
L'actuel coach de Liverpool, sur le banc du Borussia de 2008 à 2015, «avait le profil parfait pour Dortmund, dit-elle, il avait la compétence technique, mais aussi l'émotionnalité, il était l'ami de tout le monde, et c'est à cette aune que tous ses successeurs sont mesurés.»
«Echte Liebe»
A l'aune aussi de ses résultats, puisque Klopp est le dernier entraîneur à avoir remporté la Bundesliga avec un autre club que le Bayern Munich, en 2012.
Mi-octobre, le patron du Borussia Hans-Joachim Watzke lui-même a, involontairement, alimenté le débat lorsqu'il a présenté son livre de mémoires, «Echte Liebe» («Véritable Amour»).
Il n'y fait pas mystère de ses regrets d'avoir laissé partir Klopp: «Une relation comme celle-là, comme celle que j'ai eue avec Jürgen pendant plus de sept ans au BVB, ça n'avait jamais existé auparavant. Et ça n'existera probablement jamais plus», écrit-il.
Ce passage, et d'autres du même tonneau, «expliquent largement pourquoi le BVB n'a plus jamais été heureux avec un entraîneur depuis le départ de Klopp il y a quatre ans», commente le Tagesspiegel, qui reconnaît comme beaucoup que «le cérébral Favre ne s'accorde pas vraiment bien avec l'environnement si émotionnel de Dortmund».
Image plombée
Le scénario de la Bundesliga la saison dernière a également plombé l'image du technicien vaudois.
En décembre, l'équipe s'est retrouvée en tête avec neuf points d'avance sur le Bayern. Certains voyaient déjà Favre soulever le trophée du champion, pour sa première saison au club.
Mais, alors que dirigeants et joueurs munichois ont adopté un discours martial et conquérant, Dortmund a joué profil bas, insistant sur la jeunesse de l'équipe et son manque d'expérience. Au point que les responsables, et l'entraîneur le premier, ont semblé par avance excuser – «provoquer», disent certains – l'effondrement de fin de saison, qui a permis à l'ogre bavarois de rafler un septième titre consécutif.
"Nous sommes heureux d'avoir Lucien Favre"
Pour l'heure, Favre est cependant toujours bien accroché à son banc. Lorsque la presse a colporté récemment une rumeur sur une possible arrivée de José Mourinho, le directeur sportif du Borussia Michael Zorc a immédiatement démenti: «Ça n'a aucun fondement. Nous n'avons aucun débat sur l'entraîneur. Nous sommes heureux d'avoir Lucien Favre», a-t-il assuré.