Le Servette-Chênois féminin affrontera l'Atletico Madrid en Ligue des champions mercredi. Une ascension folle pour un club qui végétait en LNB il y a moins de quatre ans.
C'est une histoire qui a commencé dans les limbes de la Ligue nationale B, fin 2016. Le Chênois Féminin, fer de lance en la matière sur le canton de Genève, devait lutter contre la relégation. Quatre ans plus tard, tout a changé ou presque. Chênois est devenu Servette-Chênois, parade en tête de la Super League après sa victoire 2-0 contre Zurich samedi, et s'apprête à affronter l'Atletico Madrid en 16es de finale de la Ligue des champions, avec le match aller mercredi au Stade de Genève.
Maeva Sarrasin a tout connu. Buteuse redoutable, notamment en LNA avec Yverdon, elle était revenue à Chênois, dans son club. Là où elle avait commencé à s'illustrer dans les années 2000. Pour Sarrasin, le football était devenu moins sérieux, une simple passion qu'elle pouvait continuer à assouvir. Jusqu'à ce que Servette décide de s'engager sur le football féminin.
En moins de quatre ans, Maëva Sarrasin, 33 ans aujourd'hui, a balayé ses illusions refrénées pour participer à cette folle aventure: «Jouer la Ligue des champions, c'est le Graal pour moi, un rêve d'enfant qui se réalise. Nous sommes arrivées très vite au sommet, donc il y a quelque chose de miraculeux. Mais c'est tout un projet qui se concrétise. La structure amenée par Servette a bien sûr fait beaucoup pour ça, nous sommes plus prises au sérieux. L'âme de Chênois est encore là, parce qu'il y a des filles qui l'ont connu, mais elle va tranquillement s'évaporer.»
Temps de passage explosés
Retour donc en fin d'année 2016. Au Servette FC, alors présidé par Didier Fischer, naît l'intérêt de mettre en place une structure féminine. «Très vite, il a été considéré que c'était une mission en tant que club d'y intégrer les filles», explique Richard Feuz, aujourd'hui directeur administratif du SFC et co-instigateur du projet à l'époque, avec Loïc Luscher. «Il y a tout de suite eu des atomes crochus avec Chênois», ajoute-t-il. On ne parle pas de fusion, plutôt une réunion. «Nous ne sommes pas arrivés sur nos gros sabots, Chênois avait une histoire importante qu'il fallait préserver. L'objectif premier a été de les aider à se sauver en LNB, avant de formellement lancer la structure en juin 2017.» La fusée a ensuite décollé.
Servette-Chênois s'était fixé des temps de passage. Il n'a cessé de les exploser. «Nous ne voulions pas brûler les étapes, précise pourtant Feuz. Nous nous étions donnés deux à trois ans pour remonter en LNA, et cinq ou six pour jouer le haut du tableau.» Dans les faits, en un an, la promotion était décrochée. Et après une première saison pour apprendre (4e), les Genevoises étaient en tête du championnat 2019-20. Pas de titre, mais une qualification en Ligue des champions acquise.
La recette du succès? Il y en a plusieurs. «Une question d'hommes et de femmes», mentionne Feuz, toujours directeur sportif de l'équipe féminine. Le meneur, c'est Eric Séverac, entraîneur depuis le début. «Les joueuses se sont aussi améliorées en travaillant assidûment, se félicite-t-il. Le club a mis en place des infrastructures, un staff étoffé aussi. Cela permet une progression constante.» Et puis, Servette met les moyens. Le budget croit chaque année. «Environ un demi-million de francs en 2020», divulgue Richard Feuz.
Recrutement précis
C'est aussi ce qui permet au club d'avoir un recrutement très actif. En visant juste. Les joueuses du cru ont été rapatriées: l'internationale Sandy Maendly d'abord, rejointe par son ancienne capitaine en sélection Caroline Abbé en 2019. La gardienne de l'équipe de Suisse, la Bulloise Gaëlle Thalmann, aussi. Ainsi que quelques joueuses étrangères (les Françaises Léonie Fleury et Amandine Soulard, la Canadienne Alyssa Lagonia, les Espagnoles Paula Serrano et Marta Peiro Gimenez...), et des Suissesses prometteuses (Thaïs Hurni, Amira Arfaoui, Nathalia Spälti). «Notre vocation est de devenir l'équipe référence en Suisse pour les prochaines années, lance Richard Feuz. Un talent doit vouloir passer par chez nous avant d'aller à l'étranger.»
La formation est aussi un point central, pour que le projet ne soit pas qu'éphémère. Mais il y a des freins. «Nous avons connu une énorme progression, très rapide, rappelle Eric Séverac. Mais aujourd'hui, nous abordons la Ligue des champions avec des joueuses qui ne sont pas professionnelles. C'est le plus gros handicap à ce développement. Plein de choses doivent encore être faites pour améliorer le confort des joueuses, afin qu'elles soient performantes. S'entraîner et récupérer, cela demande beaucoup d'investissement, car ces filles étudient ou travaillent. Si on veut pouvoir rivaliser sur le plan européen, il faut s'améliorer dans ce domaine.»
La professionnalisation, c'est un objectif à terme. Dans trois ans, cinq ans ou peut-être dix ans. Pour permettre à ces filles de vivre de leur passion. Car pour une Maëva Sarrasin «récupérée» en route, combien ont dû renoncer?
Retour à la page d'accueilRetour au sport