Mondial dames «C’est exaspérant» - Le foot féminin à la croisée des chemins

ATS

17.7.2023 - 17:38

Malgré des dotations historiquement élevées pour la compétition en Océanie, le Mondial féminin est à la croisée des revendications qui bouleversent la discipline entre frondes de joueuses et inégalités de traitement. Cette situation laisse craindre un agrandissement du fossé séparant les grandes nations des autres.

Le Mondial féminin est à la croisée des revendications (ici la star des Etats-Unis, Megan Rapinoe).
Le Mondial féminin est à la croisée des revendications (ici la star des Etats-Unis, Megan Rapinoe).
KEYSTONE

Il y a le côté doré de la médaille, celui des mastodontes européens et nord-américains, leurs staffs longs comme le bras, leurs technologies dernier cri et leurs riches fédérations. Mais en Australie et en Nouvelle-Zélande (20 juillet-20 août) atterrissent aussi ces derniers jours des sélections à qui rien n'est offert, qui se battent pour être considérées et vont parfois même jusqu'à lancer des appels aux dons pour financer leur compétition...

C'est tout le paradoxe de ce tournoi, censé faire basculer le football féminin dans une autre dimension. Dans la vitrine brillent les annonces de la FIFA, qui a triplé les dotations du Mondial par rapport à l'édition 2019 en France, portant le prize money à un total historique de 152 millions de dollars soit dix fois plus que pour le Mondial 2015 au Canada.

Le projet va même plus loin puisque chaque joueuse sélectionnée pour l'épreuve se verra offrir une dotation individuelle incompressible prélevée de cette manne, un minimum de 30'000 dollars par joueuse, pouvant aller jusqu'à 270'000 dollars pour chacune des 23 championnes du monde.

Cagnotte jamaïcaine

«Je suis tellement fière de faire partie de ce changement. J'ai vu le foot féminin aller de zéro à cent», s'est émue jeudi la défenseure australienne Ellie Carpenter, interrogée sur cette évolution inédite. «Mais je pense que ce n'est que le premier pas, la route est encore longue comparée aux hommes. J'espère que l'on pourra construire à partir de cela».

Malgré ce message d'espoir, le vent de révolte au sein des sélections féminines pour plus de droits, de considération et d'équité ne s'est sans doute jamais autant fait ressentir qu'à l'aube de ce Mondial 2023.

Le simple exemple de la Jamaïque est parlant. Les «Reggae Girlz» disputent leur deuxième Coupe du monde d'affilée, mais à quelques jours seulement du coup d'envoi, les joueuses se sont fendues d'un communiqué offensif pour dénoncer «l'extrême désorganisation» de leur sélection, demandant «un changement immédiat» après avoir dû renoncer à plusieurs matches ces derniers mois pour raisons logistiques.

La mère d'Havana Solaun, milieu de terrain jamaïcaine, a même lancé une cagnotte en ligne pour couvrir les frais du camp de base de l'équipe, regroupant près de 50'000 dollars à la mi-juillet.

La sélection nigériane semble elle aussi au bord de la crise: le sélectionneur Randy Waldrum a largement critiqué les conditions de préparation du tournoi dans le podcast Sounding Off on Soccer, se désolant notamment face à l'annulation par la Fédération d'un camp d'entraînement. Il a notamment rappelé que ses joueuses avaient dû boycotter des entraînements en pleine Coupe d'Afrique en 2022 pour obtenir le paiement de leurs primes.

Exaspérant

Quant à l'équipe d'Afrique du Sud, elle a tout simplement décidé de boycotter son match de préparation contre le Botswana le 2 juillet, après avoir reçu des contrats qui selon les joueuses n'incluaient pas la dotation individuelle de 30'000 dollars promise par la FIFA.

Elles s'alarmaient également sur l'état du terrain désigné pour la rencontre. Inflexible, la Fédération avait monté à la dernière minute une sélection de joueuses des ligues inférieures, finalement étrillée 5-0, un score indigne d'une équipe championne d'Afrique.

«La Fédération peut penser qu'elle fait assez, mais j'ai une autre opinion», s'était indignée l'attaquante Jermaine Seoposenwe sur les antennes publique de SABC.

«C'est exaspérant», s'est alarmée récemment la joueuse symbole de cette lutte pour l'égalité, l'Américaine Megan Rapinoe, interrogée sur ces différents cas. «Ca ne devrait pas être comme ça. Mais je pense que cela va de mieux en mieux. Je pense qu'il y a de plus en plus de moyens sur lesquels ces équipes peuvent s'appuyer».

La star de la discipline pourra toutefois mesurer, en Océanie, que les combats dépassent les petites nations du globe. En l'espace de quelques mois seulement, les Canadiennes ont menacé de faire grève pour obtenir plus de moyens et plusieurs Françaises se sont retirées de la sélection jusqu'à obtenir le limogeage de leur sélectionneuse Corinne Diace dont elles dénonçaient le management.

Et l'Espagne se présente au Mondial sans une douzaine de «rebelles» qui critiquent de longue date les méthodes du sélectionneur Jorge Vilda. Elles, en revanche, n'ont pas été entendues...

ATS