Des échecs au sublime Le parcours bien tourmenté de l'équipe de Suisse à l’Euro

ATS, par Laurent Ducret

10.6.2024 - 09:55

La Suisse a participé à cinq reprises à la phase finale d'un Euro. A chaque fois, son parcours fut bien tourmenté pour accuser bien des désillusions avant la victoire historique de Bucarest contre la France en 2021.

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1996: le sélectionneur le plus détesté

Sans Roy Hodgson parti monnayer son talent à l'Inter Milan, la Suisse aborde sa première phase finale d'un Euro avec un entraîneur aussi renommé que controversé. Champion d'Europe avec le FC Porto en 1987, Artur Jorge avait laissé des souvenirs bien mitigés à Paris avec le Matra Racing et le PSG avant de prendre les rênes de l'équipe de Suisse. Décédé en février dernier à l'âge de 78 ans, l'un des moustachus les plus célèbres du football n'avait pas hésité à écarter Alain Sutter et Adrian Knup pour se rendre en Angleterre.

Cible de toutes les critiques, Artur Jorge a cru un instant que ses choix pour le moins déroutants pouvaient payer avec le nul 1-1 à Wembley contre l'Angleterre, grâce à un penalty de Kubilay Türkyilmaz avec une équipe articulée en ligne médiane autour d'Alain Geiger (35 ans) et de Johann Vogel (19 ans). Malheureusement, le penalty de Türkyilmaz devait être l'unique but inscrit par la Suisse, battue à deux reprises au Villa Park de Birmingham par les Pays-Bas (2-0) et l'Ecosse (1-0).

2004: un crachat qui a tout ruiné

En 2004, la Suisse se rend au Portugal avec cette fois un entraîneur adulé. Avec sa bonhomie et son don pour favoriser l'éclosion d'une nouvelle génération, Köbi Kuhn fait l'unanimité de Romanshorn à Genève. Avant que l'affaire du crachat ne vienne tout ruiner. Après un nul 0-0 contre la Croatie, la Suisse s'incline 3-0 à Coimbra devant l'Angleterre dans une rencontre marquée par le dérapage impardonnable d'Alex Frei.

Le Bâlois avait, en effet, craché sur la nuque de Steven Gerrard, l'auteur du 3-0. Révélé par les images de la télévision alémanique, ce geste avait été dans un premier temps nié par le joueur et par ses dirigeants. La gestion de cette malheureuse affaire devait révéler un amateurisme désolant au sein de l'ASF.

Un Euro 2004 ternit par le crachat d’Alex Frei sur Steven Gerrard.
Un Euro 2004 ternit par le crachat d’Alex Frei sur Steven Gerrard.
KEYSTONE

Sur le terrain, le troisième match, contre la France toujours à Coimbra, se soldait par une défaite 3-1 malgré la réussite de Johan Vonlanthen qui devenait à 18 ans et 141 jours le plus jeune buteur de l'histoire de l'Euro. La titularisation de Stéphane Henchoz comme latéral droit face à Thierry Henry et Robert Pires, ainsi que le choix d'offrir du temps de jeu à Milaim Rama en fin de match plutôt que de permettre à Stéphane Chapuisat de faire ses adieux à la sélection, soulignaient aussi que Köbi Kuhn n'avait pas connu en ce 21 juin 2004 sa meilleure journée...

2008: éliminé en quatre jours

La Suisse a signé en 2008 une performance peu enviable. Elle est devenue la première équipe éliminée en phase de poules alors qu'elle bénéficiait de l'avantage de jouer à domicile. Cette élimination fut consommée en l'espace de quatre jours au Parc St-Jacques. Le 7 juin, la Suisse perdait le match d'ouverture du tournoi. Elle s'inclinait 1-0 devant la République tchèque dans une rencontre marquée par la grave blessure au genou d'Alex Frei peu avant la pause.

La Suisse ne garde pas le meilleur des souvenirs de «son» Euro.
La Suisse ne garde pas le meilleur des souvenirs de «son» Euro.
KEYSTONE

Le 11 juin, un soir de déluge, la Suisse était battue 2-1 par la Turquie. Crucifiée par une réussite d'Arda Turan à la 93e minute, la Suisse regagnait les vestiaires avec une montagne de regrets. Elle avait, en effet, galvaudé bien des occasions de «tuer» le match après l'ouverture du score de Hakan Yakin à la 32e. En fin de match, elle avait eu aussi le tort d'oublier qu'un nul pouvait toujours la maintenir en vie avant le troisième match contre le Portugal. Un Portugal que la Suisse battait 2-0 le 15 juin sur un doublé de Hakan Yakin pour les adieux de Köbi Kuhn dans une rencontre malheureusement sans enjeu.

2016: le chef-d'œuvre de Xherdan Shaqiri

Huit ans après, le mystère demeure: comment se fait-il que l'égalisation de Xherdan Shaqiri face à la Pologne en huitième de finale ne fut pas pour l'UEFA le plus beau but du tournoi? L'instance a choisi la volée du gauche du Hongrois Zoltan Gera face au Portugal plutôt que la bicyclette magistrale du Bâlois.

Ce coup de génie du joueur de Chicago restera longtemps dans les mémoires. Il a très certainement procuré aux supporters suisses présents ce samedi 25 juin 2016 à St-Etienne un frisson qu'ils n'oublieront jamais. Après son but, Xherdan Shaqiri a continué de marcher sur l'eau pour ne cesser de déséquilibrer la défense adverse. Malheureusement, Eren Derdiyok devait laisser filer deux occasions en or avant la séance fatale des tirs au but. Une séance qui voyait Granit Xhaka, deuxième tireur de l'équipe de Suisse, armer sa frappe dans le ciel de Geoffroy-Guichard. Le rêve de descendre à Marseille défier le Portugal de Cristiano Ronaldo s'était éteint...

2021: l'arrêt d'une carrière

Impuissant face aux cinq frappeurs polonais en 2016, Yann Sommer a eu sa revanche le 28 juin 2021 à Bucarest. Le Bâlois a réalisé sans doute l'arrêt qui compte le plus dans sa magnifique carrière: cet envol sur sa droite pour détourner le penalty de Kylian Mbappé et éliminer la France, Championne du monde en titre, et pour envoyer dans le même temps la Suisse en quart de finale de l'Euro.

A St-Petersbourg le 2 juillet, la «loterie» des penalties ne souriait cette fois pas à la Suisse, sortie du tournoi avec le sentiment d'avoir fait jeu égal avec la Roja malgré l'expulsion de Remo Freuler à la 77e. Cette défaite vraiment honorable concluait un tournoi que la Suisse avait entamé du mauvais pied – un nul 1-1 décevant contre le Pays de Galles et une défaite sans appel 3-0 contre l'Italie – avant de toucher au sublime face à la France.

Affecté par un manque de reconnaissance qu'il estime aussi pérenne qu'injuste, Vladimir Petkovic décidait alors de s'en aller. Celui qui doit être considéré comme le plus grand sélectionneur suisse de tous les temps abandonnait la sélection pour rejoindre le projet bien nébuleux des Girondins de Bordeaux. Il devait s'y fourvoyer d'une manière vraiment magistrale.

ATS, par Laurent Ducret