Murat Yakin «Ce qui nous attend au Qatar n'aura rien de comparable»

ATS

15.11.2022 - 14:42

L'heure de vérité sonnera le jeudi 24 novembre pour l'équipe de Suisse. Face au Cameroun pour son entrée en lice dans la Coupe du monde au Qatar, la formation de Murat Yakin n'aura aucun droit à l'erreur. La victoire semble, avant les deux autres rencontres contre le Brésil et la Serbie, impérative.

Murat Yakin n’a pas peur d’affirmer ses ambitions.
Murat Yakin n’a pas peur d’affirmer ses ambitions.
Keystone

Conscient du poids des attentes, Murat Yakin s'est longuement confié à Keystone-ATS avant l'envol pour Doha. «Je ne briderai aucun de mes joueurs qui rêve d'une victoire en Coupe du monde», dit-il avec force. Cette même détermination se retrouve dans sa volonté de se concentrer uniquement sur le volet sportif d'une Coupe du monde qui suscite tant de débats. «J'ai mes convictions, avoue-t-il. Mais je préfère les garder pour moi pour rester uniquement dans le cadre du sport durant le tournoi.» Interview.


Murat Yakin, à quel seuil pourra-t-on qualifier cette Coupe du monde au Qatar comme un succès pour l'équipe de Suisse?

«Notre groupe est très relevé. Mais on ne doit pas oublier que nos adversaires nous considèrent désormais aussi comme une équipe capable de poser bien des problèmes. Je suis sûr que les Brésiliens nous étudient sans relâche. Je suis heureux de voir que nous avons placé la barre très haut. Je ne briderai aucun de mes joueurs qui rêve d'une victoire en Coupe du monde. J'assume de telles ambitions. Je crois mon équipe assez forte battre un adversaire comme le Brésil.»

La Suisse reste sur trois victoires en Ligues des Nations contre l'Espagne, le Portugal et la République tchèque. On a le sentiment qu'elle aborde cette Coupe du monde dans les meilleures dispositions...

«L'équipe a bien sûr surfé sur l'euphorie suscitée par son quart de finale à l'Euro 2021. Je devais tout faire pour la maintenir avec le souci d'apporter ma pierre à l'édifice pour qu'elle soit plus forte, qu'elle soit à nouveau capable de forcer la décision dans les grands matches. Avoir éliminé la France l'an dernier n'a pas de prix. Aujourd'hui, les joueurs savent qu'ils peuvent battre des équipes aussi fortes, qu'ils peuvent, surtout, se fier pleinement à leurs coéquipiers. Mais je sais aussi que la Coupe du monde a ses propres règles. Ce qui nous attend au Qatar n'aura rien de comparable à ce que nous avons pu connaître ces derniers mois.»

Quatre ans après la victoire 2-1 à Kaliningrad, la Suisse retrouvera la Serbie. Quelle sera votre approche pour ce match qui ne sera pas un match comme les autres pour Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri, les buteurs de 2018?

«Nous le préparerons comme il se doit. Ce match doit se limiter uniquement à son aspect sportif. Je souhaite que toutes les personnes concernées abondent dans ce sens. Si les émotions prennent le dessus, tout devient plus compliqué. Je ne ferai pas l'erreur de trop évoquer le contexte particulier de ce match auprès de certains joueurs avec le risque qu'ils soient trop sur la retenue. Je veux que l'équipe se concentre uniquement sur ce qu'elle doit faire sur le terrain pour gagner. Qu'elle l'aborde comme les deux premiers contre le Cameroun et le Brésil.»

Pour négocier les grands matches, le poids de l'expérience est, bien sûr, prépondérant. Mais quels sont les autres facteurs qui entrent en ligne de compte?

«Les joueurs recherchent en permanence ce degré d'intensité qu'il convient d'atteindre pour gagner de telles rencontres. Nous devons nous inspirer des grandes équipes pour trouver la clé. Par ailleurs, nos joueurs qui parviennent à signer et à s'imposer dans un grand club font un immense pas en avant profitable à tous les autres. Un Manuel Akanji peut apporter encore davantage depuis son transfert à Manchester City. Au même titre qu'un Granit Xhaka en passe de réussir une saison fantastique avec Arsenal, qu'un Breel Embolo qui s'est affirmé à Monaco et qu'un Djibril Sow qui a tout de même gagné ce printemps l'Europa League avec Francfort. Ces joueurs débordent de confiance à l'heure de rejoindre la sélection. Leur réussite nous conduit à revoir nos ambitions à la hausse.»

L'équipe a souffert par le passé du «Röstigraben» et des questions d'identité suscitées par l'affirmation des «secundos». Aujourd'hui, ces débats semblent loin...

«J'ai vécu comme joueur la problématique du Röstigraben et celle des ‹secundos›. En 2022, je sens un immense respect entre les joueurs et cette volonté commune de réussir quelque chose de grand. L'actuelle génération est désormais très loin de ces questions qui ont provoqué tant de discussions.»

La Coupe du monde se déroule dans un pays qui peine à épouser nos valeurs. Quelle est votre position sur toutes les critiques autour de cette Coupe du monde?

«Pour les personnes qui sont concentrées uniquement sur le volet sportif, il est extrêmement compliqué de s'exprimer sur les questions de politique. Je rappelle que nous n'avons pas choisi le lieu de cette Coupe du monde et que nourrir tout ce débat ne peut que m'éloigner de la réalité du terrain. L'Association Suisse de Football a adopté une position très claire sur la question des droits humains au Qatar. Elle a su se montrer très proactive depuis deux ans. Nous soutenons pleinement ces efforts qui ont vraiment porté des fruits. Les joueurs et l'entraîneur sont libres de s'impliquer directement dans ce débat ou de rester uniquement concentrés sur le sport. En raison de la tâche qui est la mienne, j'ai choisi la seconde voie.»

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