«Le moment est propice» Chute du franc après le départ surprise du président de la BNS

AFP

1.3.2024

Thomas Jordan, le président de la banque centrale suisse qui a affronté de nombreuses crises durant ses douze années aux commandes, quittera son poste fin septembre, a annoncé vendredi l'institution monétaire, cette décision surprise faisant baisser le franc suisse.

Thomas Jordan, professeur d'économie de l'université de Berne, qui avait fait une partie de ses recherches post-doctorales à l'université américaine d'Harvard, est entré à la BNS en 1997.
Thomas Jordan, professeur d'économie de l'université de Berne, qui avait fait une partie de ses recherches post-doctorales à l'université américaine d'Harvard, est entré à la BNS en 1997.
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Aux commandes depuis 2007, M. Jordan, 61 ans, quittera son poste le 30 septembre, a indiqué la Banque nationale suisse (BNS) dans un communiqué sans donner d'indication à ce stade sur son successeur.

Le Conseil de banque et la Direction générale ont dit regretter «au plus haut point» son depart, le remerciant pour son «engagement exceptionnel» lors de ces douze années marquées par de "nombreux défis, précise le communiqué.

Chute de franc suisse de 0,18%

Durant son mandat, il a dû gérer aussi bien l'abandon du taux de change minimum pour le franc suisse face à l'euro que la crise du Covid-19 qui avait nécessité de lourdes interventions des banques centrales ou la crise du Credit Suisse, la deuxième plus grande banque du pays alpin, qui menaçait de s'effondrer.

«Maintenant que les différents défis rencontrés ces dernières années ont pu être maîtrisés, le moment est propice pour me retirer», a déclaré M. Jordan, cité dans le communiqué.

Cette annonce surprise a fait baisser de 0,18% la devise suisse, qui s'échangeait à 0,9577 franc contre l'euro à 8H16 GMT.

De crise en crise

Ce professeur d'économie de l'université de Berne, qui avait fait une partie de ses recherches post-doctorales à l'université américaine d'Harvard, est entré à la BNS en 1997.

Membre de la direction générale depuis 2007, il avait affronté une première crise importante en se chargant du fonds de stabilisation destiné à reprendre des actifs illiquides d'UBS lors de la crise financière.

En 2012, il s'était vu confier la direction, d'abord par intérim lorsque son prédécesseur, Philipp Hildebrand, avait démissionné suite à un scandale concernant des transactions de son épouse, dont il s'est depuis séparé.

Le discret professeur jusqu'alors décrit comme «l'homme de l'ombre» dans la presse suisse s'était alors rapidement imposé, continuant de mener une politique monétaire ultra-accommodante pour lutter contre la surévaluation du franc qui pénalisait les entreprises suisses.

En 2015, la BNS avait cependant dû changer radicalement sa politique monétaire en abandonnant le taux plancher face à l'euro pour opter pour un instrument hors normes en imposant un taux d'intérêt négatif. Cette décision avait déclenché une tempête sur le franc suisse, valant de nombreuses critiques à l'institution monétaire.

En 2020, M. Jordan avait affonté une nouvelle crise avec la pandémie de Covid-19, la banque centrale suisse se coordonnant avec d'autres institutions monétaires pour multiplier les mesures destinées face à l'effondrement de l'économie mondiale.

Comme les autres banques centrales, il avait ensuite dû se lancer en 2022 dans une lutte contre l'inflation après l'invasion de l'Ukraine en procédant à une remontée rapide des taux d'intérêts.

Au printemps 2023, M. Jordan a dû faire face à de nouvelles secousses lorsque la banque Credit Suisse s'est trouvée au bord de la faillite. Il avait alors dû se réunir dans l'urgence avec le gouvernement et l'autorité surveillance des marchés pour imposer son rachat par UBS, la plus grosse banque de Suisse.

Cette décision avait suscité de vives inquiétudes et des débats houleux au Parlement, face à la taille colossale de l'établissement qui allait émerger de cette fusion, avec les risques pour le pays alpin en cas de nouvelle crise à l'avenir. Le poids de l'établissement a également sucisté de vives inquiétudes pour la concurrence sur le marché suisse.

M. Jordan avait cependant défendu qu'il s'agissait de «la "seule solution réalisable», alors que la pression du temps était «énorme» pour éviter un effondrement de la banque.