Retour aux sourcesTroubles psychiques: le grand retour des psychédéliques
jh,ats
8.1.2025 - 13:44
Confrontée à de cuisants échecs à répétition, la recherche pharmaceutique dans le domaine des troubles psychiques s'oriente depuis quelques temps vers des substances connues de longue date et volontiers labellisées sous l'étiquette de drogues, explorant leurs capacités influer sur le fonctionnement de notre système nerveux.
jh,ats
08.01.2025, 13:44
ATS
Acide lysergique diéthylamide (LSD), méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA ou extasy) ou encore psilocybine (champignons hallucinogènes) se fraient un chemin dans une panoplie de traitements largement considérée comme lacunaire, en option de dernier recours.
«Les médicaments actuellement disponibles sont pour la plupart des variantes les uns des autres et il est communément admis qu'il n'existe que peu de différences entre eux,» résume pour AWP Felix Müller, à la tête d'un groupe de recherche académique sur les thérapies assistées par substances.
Cet organe de la faculté de médecine de l'Université de Bâle mène depuis 2014 des programmes de recherche évaluant les effets du LSD principalement, mais aussi de la MDMA, de la psilocybine (champignons hallucinogènes) ou encore de la mescaline.
Vieilles recettes prohibées
Pour le LSD, il s'agit d'un retour aux sources, près de 80 ans après sa découverte par Albert Hofmann. «Il est rapidement apparu que la prise de LSD offrait un aperçu du fonctionnement de sa propre psyché, en plus de ses propriétés psychédéliques,» rappelle M. Müller. Sandoz, qui employait alors Albert Hofmann, en avait d'ailleurs fait un médicament dénommé Delysid, qui fut un temps employé dans la recherche en psychiatrie, avant de voir son usage prohibé dans les années '60 face à une popularisation problématique de son usage hors cadre thérapeutique.
L'établissement dans les années 1970 de nouveaux standards pour les recherches cliniques contribua aussi à l'abandon des programmes. Mener une étude contrôlée par placebo dans la psychopharmacologie relève de fait du défi en raison des effets secondaires des substances. «Dans le cas de substances psychédéliques, les patients réalisent rapidement s'ils sont dans le groupe de contrôle ou non,» observe l'académicien rhénan.
L'actuel regain d'intérêt scientifique pour ces substances nécessite toutefois des adaptations réglementaires particulières. «L'Office fédéral de la santé publique peut délivrer des autorisations exceptionnelles pour l'usage de MDMA, psilocybine ou LSD, dont jouissent notamment plusieurs cliniques psychiatriques universitaires,» explique le professeur Golo Kronenberg, médecin responsable du Centre pour la dépression, les angoisses pathologiques et la psychothérapie à l'Université de Zurich.
Recherche en plein renouveau
«Le ratio de succès pour le développement de traitements contre des maladies psychiques tels que les troubles bipolaires, la schizophrénie ou encore la dépression est bien plus bas que dans d'autres franchises,» explique un spécialiste de la branche. Le phénomène a d'ailleurs contribué au retrait des grands noms du secteur de la recherche en psychopharmacie, poursuit l'expert, citant les géants américains Eli Lilly ou Pfizer.
«Il est arrivé dans des études que près d'un tiers des patients ne prennent pas leurs traitements, taisant cette information au moment de leur enrôlement et biaisant ainsi les comparaisons avec les cohortes sous placébo,» ajoute de son côté Ravi Anand, responsable médical du laboratoire Newron, qui concentre ses efforts dans le domaine de la schizophrénie. Il n'existe en outre pas de biomarqueur exploitable pour des affections psychiques telles la dépression, compliquant ainsi la tâche des évaluateurs.
La dédiabolisation des substances psychédéliques vient insuffler un vent de renouveau sur une franchise certes désertée par les géants pharmaceutiques, mais réinvestie depuis par une multitude d'acteurs de plus modeste envergure, en plus du monde académique.
Le développeur californien de thérapies assistées par psychédéliques Lykos Therapeutics a ainsi failli décrocher l'été dernier un feu vert sur l'incontournable marché américain pour un traitement des troubles du stress post-traumatique (TSPT) impliquant l'absorption de MDMA. Réclamant des résultats d'étude additionnels, le gendarme sanitaire américain (FDA) n'avait ainsi pas suivi son homologue australien qui avait autorisé un an auparavant l'administration de MDMA dans cette même indication, ainsi que de psilocybine contre la dépression résistante au traitement.