Phénomène méconnu «On a un peu de brioche, moins de libido, des éjaculations moins franches...»

AFP

28.3.2024

Au début, des suées nocturnes. Puis une petite déprime, une perte totale de libido et des problèmes d'érection. Comme Rémy Burkel, de nombreux hommes sont confrontés après 60 ans à un phénomène appelé «andropause», courant et pourtant peu connu.

De nombreux hommes sont confrontés après 60 ans à un phénomène appelé «andropause» (image d’illustration).
De nombreux hommes sont confrontés après 60 ans à un phénomène appelé «andropause» (image d’illustration).
IMAGO/Pond5 Images

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28.3.2024

«A 55 ans, j'ai commencé à avoir des bouffées de chaleur la nuit. Ma femme, qui était en pleine ménopause, subissait exactement la même chose», raconte ce réalisateur, aujourd'hui âgé de 62 ans.

Quand il a ensuite ressenti de la fatigue, de la déprime et surtout une absence totale de désir sexuel, l'angoisse a grimpé. «Mais comme beaucoup d'hommes, c'est le fait de ne plus pouvoir +bander+ qui m'a fait prendre conscience qu'il y avait un problème».

Il effectue alors des recherches, découvre le terme «andropause» et consulte son généraliste qui lui prescrit des pilules, pour que ça «reparte comme en 40».

Intrigué par le phénomène, Rémy Burkel se lance dans la réalisation d'un documentaire ("Andropause, la grande débandade ?", bientôt sur France TV). Il découvre que de nombreux hommes, touchés par les mêmes symptômes, préfèrent les taire. «J'ai eu le sentiment qu'il y avait une sorte de honte», décrit-il à l'AFP.

«On parle communément d'andropause pour faire le parallèle avec la ménopause mais ce n'est pas le même tableau clinique», précise le Dr Pierre Desvaux, andrologue, directeur d'enseignement de sexologie à la faculté Paris Centre.

«Coup de vieux»

Si la ménopause se caractérise, chez les femmes autour de 50 ans, par l'arrêt de la production d'hormones ovariennes (oestrogènes et progestérone), les hommes connaissent, eux, une diminution progressive de la testostérone. Mais même amoindries, les fonctions reproductives subsistent.

«Plutôt que d'andropause, il est plus juste de parler d'une diminution des androgènes liés à l'âge (dala) ou bien d'un déficit en testostérone», souligne le Dr Desvaux.

«On considère que passé 60 ans, environ 20% d'hommes manquent de testostérone mais la production ne s'arrête jamais totalement sauf s'il y a eu castration chimique dans le cadre d'un cancer de la prostate par exemple», poursuit-il.

Tous les hommes n’en pâtissent pas. Les manifestations cliniques de cette diminution d'hormones, variables, sont communément regroupées sous l'expression du fameux «coup de vieux»: «on se sent plus fatigable, on a un peu de brioche, moins de libido, des éjaculations moins franches...», énumère le docteur.

Daniel Gauliard, 68 ans retraité en Drôme provençale, y voit une «péripétie de la vie». «J'ai mis du temps à réaliser le phénomène. La perte d'appétit sexuel, on peut mettre ça sur le compte du vieillissement du bonhomme comme du couple», analyse-t-il.

«Tabou»

Mais il en est certain: le sujet reste «tabou». «Quand je prononce le nom d'andropause, on me regarde bizarrement», sourit-il. «Les hommes à qui j'en parle me répondent plutôt par des blagues grivoises», constate aussi Valentin Husser, 75 ans, qui a «mis longtemps à admettre ce qui se passait».

«Quand j'ai retrouvé une relation, vers 60-65 ans, après une vie plutôt ascétique, je me suis rendu compte que ce qui faisait la fougue de ma jeunesse ne se manifestait plus», raconte-t-il. Alors il partage «autre chose» avec sa dernière compagne: tendresse, humour...

Pour réduire les symptômes, des solutions existent. Afin de poser le diagnostic de déficit en testostérone lié à l'âge, le médecin, après avoir interrogé le patient et réalisé un examen clinique, peut prescrire un dosage de substitution de cette hormone. Il pourra y associer des médicaments pour traiter la dysfonction érectile.

«La prise en charge doit être globale, si dans la tête ça ne va pas, ça n'ira pas dans le corps non plus», prévient Marc Galiano, andrologue à Paris, qui milite pour l'éducation des garçons à la santé sexuelle dès le plus jeune âge.

«Dès la vingtaine, le taux de testostérone diminue chaque année naturellement, 40% des hommes de plus de 40 ans ont des difficultés érectiles... un homme qui sait comment ça fonctionne va faire attention à lui», assure-t-il.