Il y a 60 ansLe Traité sur l’Antarctique était autrefois en avance sur son temps
dpa/phi
29.11.2019
Le 1er décembre 1959, au cœur de la guerre froide, les Etats-Unis et l’Union soviétique ont convenu avec dix autres Etats de protéger l’Antarctique. Aujourd’hui, les experts déplorent la politique de blocus des nations.
L’Antarctique est le plus grand désert de glace du monde, plus grand que toute l’Europe, sans population indigène, mais avec de nombreuses espèces animales. Le continent le plus austral a été repéré par des marins au début du XIXe siècle. Au début du XXe siècle, des hommes ont atteint le pôle Sud pour la première fois. Pendant longtemps, l’Antarctique a été considéré comme une «tache blanche sur le globe».
Au fur et à mesure que les explorations ont montré ce que le continent avait encore à offrir, l’intérêt scientifique a grandi – au même titre que les convoitises d’ordre géostratégique et économique. Un groupe de scientifiques réunis dans le cadre de l’Année géophysique internationale entre 1957 et 1958 a proposé la création d’un comité chargé de coordonner la recherche polaire – et a obtenu bien plus.
Le 1er décembre 1959, il y a 60 ans, douze Etats ont signé le Traité sur l’Antarctique. Outre l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Australie, la Belgique, le Chili, la France, la Grande-Bretagne, le Japon, la Norvège et la Nouvelle-Zélande, le traité a également réuni l’Union soviétique et les Etats-Unis. Au cœur de la guerre froide, ces pays ont conclu le premier accord international de protection environnementale post-Seconde Guerre mondiale.
La Suisse au rendez-vous depuis 1990
Les Etats parties se sont accordés sur une exploitation pacifique de l’Antarctique, une interdiction des activités militaires dans la région et une libre coopération internationale en matière de recherche. Les revendications territoriales ont été gelées. Au fil des ans, de nombreux accords ultérieurs et 42 nouveaux participants se sont ajoutés: la Suisse a ratifié le document en 1990.
Cependant, de nombreux experts estiment que le «traité de paix» est en danger – et sont frustrés par l’absence de progrès. Le changement climatique provoque de profondes évolutions dans les régions polaires: la glace fond, de nouvelles routes maritimes apparaissent et de plus en plus de ressources minérales, végétales et animales sont à portée de main.
En Arctique, dont les pays voisins votent au Conseil de l’Arctique depuis 1996, elles sont exploitées commercialement depuis longtemps malgré les critiques des défenseurs de l’environnement. Jusqu’à présent, le Traité sur l’Antarctique protège en grande partie le continent le plus austral. Mais les convoitises vont croissant.
Protection de l’environnement: une politique de blocus
Mais surtout, les revendications territoriales sur les terres de glace couvent toujours, comme l’expose l’édition de cette année du «World Ocean Review», qui traite de la protection des océans. L’empressement de la Chine irrite en particulier les autres Etats parties. Selon les experts, il s’agit d’une des raisons pour lesquelles il n’y a pratiquement pas eu de progrès en matière de protection de l’Antarctique.
Depuis huit ans, les Etats parties au Traité sur l’Antarctique ne sont par exemple pas parvenus à s’accorder sur la création d’une grande zone marine protégée dans l’est du continent – en partie en raison d’intérêts liés à la pêche. Récemment, la Russie et la Chine ont de nouveau bloqué les efforts déployés en ce sens. Et ce n’était pas la première fois.
De même, selon le chercheur polaire russe Valery Lukin, le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat aura probablement des «effets considérables» sur les agissements futurs des Etats parties au Traité sur l’Antarctique. Bien que sa protection, scellée en 1959, soit valable pour une durée indéterminée, le protocole additionnel de protection de l’environnement adopté en 1991 expire en 2048.
La Mecque des chercheurs
Selon l’Office fédéral allemand de l’environnement, ces règles sont les plus strictes et les plus complètes jamais élaborées pour une région du monde. Elles interdisent par exemple l’exploitation de matières premières. Dans le même temps, les zones terrestres et maritimes autour du pôle Sud sont devenues depuis longtemps indispensables à la recherche.
Les scientifiques y recueillent une grande quantité de données – par exemple sur la météo, la qualité de l’air, le trou dans la couche d’ozone et le champ magnétique. Il existe aujourd’hui des dizaines de stations de recherche, comme la base antarctique Neumayer III de l’Institut allemand Alfred Wegener, où des scientifiques vivent et travaillent toute l’année.
L’institut y décrit des conditions «pénibles». Le soleil ne se couche pas entre la mi-novembre et fin janvier et n’apparaît pas entre la mi-mai et la mi-juin. Le record de froid depuis la création de la base a été établi à -50,2 °C en juillet 2010.
L'Antarctique, laboratoire du changement climatique
L'Antarctique, laboratoire du changement climatique
Le glacier Collins dont la masse a fondu depuis dix ans, le 2 février 2018 sur l'île du Roi-George, en Antarctique
Photo: AFP
Des blocs de glace au large du glacier Collins, le 2 février 2018 sur l'île du Roi-George, en Antarctique
Photo: AFP
Fonte des glaces en Antarctique
Photo: AFP
Des scientifiques sur une plage recouverte de mousses, le 1er février 2018 sur l'île du Roi-George, en Antarctique
Photo: AFP
Marisol Pizarro, docteure en biotechnologie de l'Université de Santiago du Chili, étudie les réactions des plantes aux variations de températures, le 2 février 2018 sur l'île du Roi-George, en Antarctique
Photo: AFP
Des pingouins Chinstrap près d'une station scientifique, le 2 février 2018 sur l'île du Roi-George, en Antarctique