Des nouvelles de l'espace Claude Nicollier: «Marco Sieber sera le premier Suisse à marcher sur la Lune»

Valérie Passello

22.11.2024

Claude Nicollier était de passage à Saint-Maurice, en Valais, le 21 novembre pour nous donner les «dernières nouvelles de l'espace» et évoquer les grands moments de sa carrière. Pour lui, participer à quatre missions spatiales a été un «immense privilège». Et s'il est convaincu de l'utilité de l'exploration de l'espace, il ne croit pas à sa colonisation. 

Valérie Passello

Invité par l'association Astrochablais, Claude Nicollier a emmené son public sur orbite pendant près de deux heures le 21 novembre à Saint Maurice. Au menu notamment: des souvenirs des quatre missions spatiales auxquelles il a pris part entre 1992 et 1999.

«Marco Sieber sera le premier Suisse à marcher sur la Lune, j'en suis convaincu»

Claude Nicollier

Premier astronaute suisse

Mais c'est tourné vers l'avenir qu'il a débuté sa conférence: «Désormais, je ne serai plus le seul», affirme-t-il, en présentant le nouvel astronaute suisse nommé par l'Agence spatiale européenne (ASE).

«Marco Sieber sera le premier Suisse à marcher sur la Lune, j'en suis convaincu», affirme Claude Nicollier. Les deux hommes ont eu l'occasion de se rencontrer et le courant est manifestement passé entre eux. «J'ai pu assister à son entraînement et lui donner quelques conseils, même s'il n'en avait pas besoin», sourit l'astronaute de 80 ans.

Toutefois, celui qui sera le deuxième Helvète à visiter l'espace devra peut-être patienter encore six ans avant d'embarquer vers les étoiles. Une bagatelle pour Claude Nicollier: lui qui a été recruté par l'ASE en 1978 a effectué sa première mission spatiale 14 ans plus tard!

Réparer les toilettes d'abord... 

On ne s'improvise pas astronaute, il faut beaucoup s'entraîner, souligne Claude Nicollier. À l'ASE, les candidats à l'espace font leurs armes dans une piscine, où les conditions de leur futur travail sont reproduites de manière précise. Des pannes sont aussi simulées pour que les astronautes puissent s'exercer à les résoudre. Si quelque chose ne va pas, on doit le réparer soi-même. «On devient un spécialiste dans des tas de domaines et il y a une quantité de procédures à suivre», détaille Claude Nicollier.

L'astrophysicien en a d'ailleurs fait l'expérience lors de sa première mission dans l'espace: il s'est porté volontaire pour réparer les toilettes de la navette spatiale Atlantis, dont le clapet supérieur ne fonctionnait pas correctement. «Il faut croire que la NASA a été assez contente de mon travail, puisqu'elle m'a confié trois autres missions après celle-ci», ironise-t-il.

... puis le télescope Hubble!

Mais pour Claude Nicollier, ses deux voyages dans l'espace les plus poignants resteront ceux où il a été en charge du télescope Hubble. «Le télescope avait été mis en orbite, mais les images étaient floues car le miroir principal avait été mal taillé», explique-t-il.

En 1993, lui et ses camarades embarquent donc à bord de la navette Endeavour pour réparer le miroir et obtenir de meilleures images d'Hubble. Claude Nicollier est alors responsable de diriger le bras articulé qui saisira le télescope pour le poser dans la soute de la navette, afin que ses coéquipiers puissent s'y affairer.

«On était obsédés par l'idée de réussir»

En 1999, cette fois, Claude Nicollier sortira lui-même dans l'espace pour réparer le télescope, lors d'une mission de 8 heures. «De toutes mes missions, mon plus beau souvenir est le moment où mes mains se sont posées contre le télescope Hubble», se remémore-t-il, joignant le geste à la parole. Lors de sa sortie dans l'espace, il a fait environ cinq fois le tour de la Terre.

Et comme en orbite, la nuit dure 30 minutes et le jour 1h30, sa visière était équipée de lampes afin qu'il puisse continuer à travailler pendant la nuit. Un moment suspendu dans tous les sens du terme: «On était obsédés par l'idée de réussir», ajoute l'astronaute.

«Coloniser l'espace, ce n'est ni réaliste, ni raisonnable»

Pour Claude Nicollier, observer la Terre depuis l'espace a été un «immense privilège». À tel point que «lorsque l'on revient, on devient écolo. On a envie de protéger notre magnifique planète», raconte-t-il. Mais même si on le lui proposait, il n'y retournerait pas, assure-t-il: «Oui j'en aurais envie, mais j'ai déjà été comblé. Et si j'y retournais, j'ôterais cette opportunité à quelqu'un d'autre».

À l'heure où la station spatiale internationale (ISS) va être démantelée pour laisser la place à d'autres stations spatiales privées, à l'heure où l'on parle de créer une station sur la Lune et où Musk rêve de coloniser Mars, Claude Nicollier reste persuadé que l'exploration de l'espace est «une formidable source d'inspiration et de connaissances». Il ajoute qu'elle nous permet de «prendre conscience de notre place dans le cosmos» et qu'elle entraîne, «par choix et par nécessité, un bel effort de coopération entre de nombreuses nations et agences spatiales».

«Je ne crois pas du tout en l'idée d'une ‹planète B›»

Questionné sur les velléités d'Elon Musk de coloniser l'espace, Claude Nicollier se montre néanmoins très tranché: «Ce n'est ni réaliste, ni raisonnable. La vie sur Mars serait extrêmement difficile, avec une basse qualité de vie. Pour des explorateurs, c'est acceptable, mais pas pour une colonie. Je ne crois pas du tout en l'idée d'une 'planète B'.»

Il reconnaît néanmoins que Space X fait «un travail remarquable», notamment dans la récupération et le recyclage des modules de lancement des fusées.