Quatre candidats en lice Présidentielle iranienne : une issue très indécise

ATS

28.6.2024 - 06:58

Les Iraniens votent vendredi pour une présidentielle dont l'issue s'annonce incertaine. Un candidat réformateur a réalisé une percée face à un camp conservateur divisé.

L'issue de la présidentielle s'annonce incertaine en Iran en raison de la percée du réformateur Massoud Pezeshkian face à des rivaux conservateurs divisés (archives).
L'issue de la présidentielle s'annonce incertaine en Iran en raison de la percée du réformateur Massoud Pezeshkian face à des rivaux conservateurs divisés (archives).
ATS

28.6.2024 - 06:58

Les 61 millions d'électeurs étaient appelés à se rendre dans les 58'640 bureaux de vote disséminés dans l'immense pays, de la mer Caspienne au nord au Golfe dans le sud. Les médias d'Etat montraient des files séparées d'hommes et de femmes patientant, un document d'identité à la main, avant de déposer leur bulletin dans l'urne dans des mosquées ou des écoles pavoisées aux couleurs nationales.

Comme le veut la tradition, c'est le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a lancé les opérations en votant dès 08h00 (06h30 suisses) à Téhéran. «Le jour des élections est un jour de joie et de bonheur pour nous, Iraniens», a-t-il dit. «Nous recommandons à notre cher peuple de prendre le vote au sérieux et d'y participer. Je ne vois aucune raison d'hésiter», a-t-il ajouté.

Quatre candidats

Cette élection a été organisée après la mort du président Ebrahim Raïssi dans un accident d'hélicoptère le 19 mai. Elle est suivie avec attention à l'étranger alors que l'Iran, poids-lourd du Moyen-Orient, est au coeur de plusieurs crises géopolitiques, de la guerre à Gaza au dossier nucléaire, dans lesquelles il s'oppose aux pays occidentaux.

Quatre candidats, des hommes quinquagénaires ou sexagénaires, sont en lice. Si aucun d'entre eux ne rassemble plus de la moitié des suffrages, un second tour se tiendra le 5 juillet, ce qui n'a été le cas que lors d'une seule présidentielle, en 2005, depuis l'avènement de la République islamique il y a 45 ans.

«Honnête et attentionné»

Les résultats officiels sont attendus au plus tard dimanche, mais des estimations devraient être publiées samedi. La surprise pourrait venir du seul candidat réformateur, Massoud Pezeshkian, un député de 69 ans qui était quasi-inconnu quand il a été autorisé à concourir par le Conseil des Gardiens, chargé de superviser le vote.

D'apparence discrète mais s'exprimant sans détour, ce médecin d'origine azérie, une minorité du nord-ouest de l'Iran, a redonné espoir aux camps réformateur et modéré, totalement marginalisés ces dernières années par les conservateurs et ultraconservateurs.

Face à lui, les partisans du pouvoir actuel se divisent entre Mohammad-Bagher Ghalibaf, président conservateur du Parlement, et Saïd Jalili, ancien négociateur ultraconservateur du dossier nucléaire et hostile à un rapprochement avec l'Occident.

Pour espérer l'emporter, Massoud Pezeshkian doit compter sur une forte augmentation de la participation par rapport aux dernières élections, boudées par environ la moitié des électeurs. Seuls 49% d'entre eux avaient voté à la présidentielle de 2021, pour laquelle aucun candidat réformateur ou modéré d'envergure n'avait été autorisé à concourir.

Des opposants, notamment ceux de la diaspora, ont appelé au boycott du scrutin. Mais pour Mohammad Reza Hadi, un électeur de 37 ans interrogé à Téhéran, il est important de voter «afin de choisir nous-mêmes le sort politique de notre pays». «C'est une façon d'exprimer nos revendications», a ajouté Ehsan Ajdi, un employé.

«Ne pas se couper du monde»

Quel que soit le résultat, l'élection devrait avoir des répercussions limitées car le président a des pouvoirs restreints: il est chargé d'appliquer les grandes lignes politiques fixées par le guide suprême, qui est le chef de l'Etat.

Pour l'ayatollah Ali Khamenei, «le candidat le plus qualifié» pour être président devait être «celui qui croit vraiment aux principes de la Révolution islamique» et permet à l'Iran «d'avancer sans être dépendant» des pays étrangers. Il a cependant précisé que le pays ne devait pas «couper ses relations avec le monde».

Au cours des débats, Saïd Jalili a critiqué les modérés pour avoir signé en 2015 l'accord sur le nucléaire iranien avec les grandes puissances, qui «n'a pas du tout profité à l'Iran».

«Sommes-nous censés être éternellement hostiles à l'Amérique ou aspirons-nous à résoudre nos problèmes avec ce pays?», s'est interrogé M. Pezeshkian, en appelant lui à une relance de l'accord nucléaire afin d'entraîner une levée des sévères sanctions qui affectent l'économie iranienne.

Le voile en débat

Par ailleurs, la question très sensible du port du voile obligatoire pour les femmes s'est imposée dans la campagne, près de deux ans après le vaste mouvement de contestation qui avait secoué le pays fin 2022 à la suite du décès de Mahsa Amini, arrêtée pour non-respect du code vestimentaire.

Dans les débats télévisés, les candidats ont pris leurs distances avec les interpellations policières, parfois musclées, des femmes refusant de porter le hijab dans les lieux publics. «Nous ne devrions en aucun cas traiter les femmes iraniennes avec une telle cruauté», a dit Mustafa Pourmohammadi, le seul candidat religieux.

ATS