Algérie Poursuite des manifestations en Algérie

ATS

5.4.2019 - 15:34

Pour les manifestants, «le départ de Bouteflika ne veut rien dire si ses hommes continuent à gérer le pays».
Pour les manifestants, «le départ de Bouteflika ne veut rien dire si ses hommes continuent à gérer le pays».
Source: KEYSTONE/EPA/MOHAMED MESSARA

Des milliers de personnes ont manifesté vendredi à Alger pour dire leur refus de toute implication des anciens fidèles d'Abdelaziz Bouteflika dans la transition politique. Il s'agissait du premier grand rassemblement depuis l'annonce mardi du départ du chef de l'Etat.

Déterminés à se débarrasser du «système», les Algériens sont descendus dans la rue à Alger pour le septième vendredi consécutif, principalement sur la place de la Grande Poste. Epicentre des grands rassemblements hebdomadaires, cette place résonnait de chants et de slogans, comme «On ne pardonnera pas!«, référence à la lettre d'adieu du président dans laquelle il a demandé pardon aux Algériens.

«Le départ de Bouteflika ne veut rien dire si ses hommes continuent à gérer le pays», a déclaré Said Wafi, 42 ans, employé d'une banque publique venu de Boumerdès. «Bouteflika était très malade, il ne gouvernait pas en réalité et rien ne changera s'il part seul et laisse ses hommes», renchérit Samir Ouzine, un étudiant de 19 ans.

Contre les «3B»

Dans une vidéo postée sur internet, l'avocat Mustapha Bouchachi, une des voix de la contestation, a appelé les Algériens à faire de ce vendredi «un grand jour». «La démission du président ne signifie pas qu'on a eu réellement gain de cause».

Les protestataires appellent au départ des «3B», Abdelkader Bensalah, Tayeb Belaiz et Noureddine Bedoui, trois hommes-clés de l'appareil mis en place par M. Bouteflika et à qui la Constitution confie les rênes du processus d'intérim.

Président depuis plus de seize ans du Conseil de la Nation (chambre haute), M. Bensalah est chargé par la Constitution de le remplacer pour trois mois à la tête de l'Etat, le temps d'élire un nouveau président. Tayeb Belaiz, qui fut ministre durant ces seize ans, préside lui le Conseil constitutionnel, chargé de contrôler la régularité du scrutin.

Quant au Premier ministre Noureddine Bedoui, il était jusqu'à sa nomination le 11 mars le très zélé ministre de l'Intérieur. Aux yeux des manifestants, il est l'«ingénieur en chef de la fraude électorale et (un) ennemi des libertés», comme l'a qualifié le quotidien El Watan.

Volonté de réformes

«S'en tenir à la Constitution» et confier l'intérim et l'organisation des élections à des hommes incarnant le système, «va probablement susciter pas mal de protestations, les contestataires doutant que les élections soient équitables (...) et libres», estime Isabelle Werenfels, chercheuse associée à l'Institut allemand pour les Affaires internationales et de Sécurité.

A la place, les manifestants appellent à la mise sur pied d'institutions de transition à même d'engager des réformes et d'organiser des élections libres.

«L'après Bouteflika n'est pas clair». La rue et l'opposition «appellent à une nouvelle Constitution, une nouvelle loi électorale», souligne Hamza Meddeb, chercheur sur le Moyen-Orient à l'Institut universitaire européen de Florence. Selon lui, le pays entre dans «la phase la plus délicate».

«L'armée et le peuple sont frères»

Grand vainqueur de son bras de fer avec l'entourage de M. Bouteflika, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée, apparaît comme l'homme fort du pays actuellement.

Mais, souligne Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM) à Genève, «la rue est devenue le nouvel acteur dans la vie politique algérienne» et «on ne connaît pas grand-chose des intentions de l'armée concernant la gestion de l'après-Bouteflika».

D'autant que le général Gaïd Salah est lui aussi largement perçu par les manifestants comme un homme du «système» Bouteflika qu'il avait fidèlement servi depuis sa nomination à la tête de l'armée en 2004.

«L'armée et le peuple sont frères», ont scandé les manifestants vendredi à Alger. «Nous voulons recouvrer notre liberté, notre souveraineté. (...) J'espère vivre assez longtemps pour vivre la démocratie dans mon pays», confie Saïd Zeroual, 75 ans, les larmes aux yeux.

Retour à la page d'accueil