Relations à «redessiner» avec Poutine Prigojine exilé au Bélarus, quid de l'avenir de Wagner?

ATS

26.6.2023 - 08:14

Depuis des années, le groupe paramilitaire Wagner est considéré comme le bras armé de Moscou à l'étranger, notamment en Syrie et dans plusieurs pays africains. Un statut aujourd'hui remis en question par la fronde menée par son chef.

Evguéni Prigojine doit en principe s'exiler au Bélarus, allié de Moscou, et redessiner de nouvelles relations avec le président Vladimir Poutine. (archives)
Evguéni Prigojine doit en principe s'exiler au Bélarus, allié de Moscou, et redessiner de nouvelles relations avec le président Vladimir Poutine. (archives)
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Au terme d'une spectaculaire mutinerie qui l'a amené à moins de 400 kilomètres de Moscou avant de renoncer, Evguéni Prigojine doit en principe s'exiler au Bélarus, allié de Moscou, et redessiner de nouvelles relations avec le président Vladimir Poutine.

Qu'en est-il de ses opérations dans les théâtres extérieurs, où la milice privée excelle dans l'exploitation des richesses locales, la protection des gouvernements, la guerre informationnelle et les opérations militaires brutales?

«Les plus grands effets de cet événement pourraient se faire sentir au Moyen-Orient et en Afrique», estime sur Twitter Rob Lee, du Foreign Policy research Institute, soulignant qu'un «compromis à court terme» est différent d'une «solution à long terme». Mais «Wagner a une forte présence à travers l'Afrique (...). Est-ce que le Kremlin autorisera la même dynamique si Prigojine et Wagner sont basés au Bélarus?», s'interroge-t-il.

Une question à laquelle aucun analyste ne répond avec certitude. «C'est un mystère. Cela dépend de comment (les autorités russes) veulent compartimenter ce qui se passe en Afrique et ce qui se passe ailleurs», résume pour l'AFP l'expert américain Michael Shurkin, directeur des programmes pour la société de conseil 14North Strategies.

Interdépendance

Au final, «la Russie pourrait considérer que ce que (Wagner) fait en Afrique vaut le coup d'être poursuivi parce que cela sert les intérêts russes», conclut-il.

Une chose est claire: Prigojine et Poutine ont dû évoquer le sujet avant de se mettre d'accord. Car Wagner dépend lourdement du ministère de la Défense russe, qui lui livre troupes, matériels et armes sur ses théâtres d'activité. Et Moscou a besoin de Wagner pour garder une emprise dans ces zones troublées, où elle s'applique à dénigrer l'influence occidentale.

En Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), les mercenaires de Wagner – Russes, de l'ex-URSS et Syriens – ont agi comme des «forces spéciales» sur le terrain aux côtés de l'armée du Kremlin à partir de 2015. Ils sont aujourd'hui présents, en plus petits nombres, près des puits de pétrole ainsi que dans les provinces de Hama et Lattaquié (centre-ouest).

En Afrique, ils ont été identifiés notamment en Libye, au Soudan, au Mozambique. Et sont en première ligne au Mali, quoique la junte s'en défende et évoque des «instructeurs russes», ainsi qu'en République centrafricaine, où un cadre de Wagner gère la sécurité du président Faustin-Archange Touadera. Le groupe ramène «or et minerais du Soudan, de Centrafrique et du Mali, dont Poutine a besoin pour tenir son économie sous perfusion», fait valoir une source militaire européenne.

L'expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits humains en Centrafrique avait accusé en février l'armée et ses alliés russes d'exactions. L'Union européenne avait ensuite annoncé de nouvelles sanctions contre Wagner, visant plusieurs de ses hauts responsables dans le pays.

Et vendredi, le président français a accusé la Russie d'être «une puissance de déstabilisation de l'Afrique, à travers des milices privées qui viennent faire de la prédation, des exactions sur les populations civiles».

«Flottement et attentisme»

La suite dépendra des négociations entre Poutine et Prigojine, via le président bélarusse Alexandre Loukachenko. «Visiblement, à Bangui et Bamako, il y a une forme de flottement et d'attentisme par rapport à ce qui se passe», constate Maxime Audinet, de l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire (IRSEM) à Paris, relevant que des sites liés à la galaxie Prigojine avaient été bloqués, mais uniquement en Russie.

«La délégation de pans entiers du pouvoir régalien à Wagner, pour agir là où l'Etat russe ne souhaitait pas s'impliquer, a donné à cet acteur des marges de manoeuvre beaucoup plus importantes qu'escompté», souligne-t-il à l'AFP.

«J'imagine que dans les discussions, la question de l'avenir de toutes ses activités extérieures a été mise sur la table. Le réseau Prigojine est devenu l'acteur dominant de la présence russe en Afrique subsaharienne ces dernières années. L'équilibre fragile entre acteurs étatiques et non-étatiques russes sur le continent devrait connaître d'importants bouleversements». Il faudra cependant du temps pour que le brouillard se dissipe.

«Wagner avait une certaine liberté dans ses projets en Afrique. Sans coopération avec le ministère de la Défense, je ne vois pas comment le groupe pourrait continuer à y travailler», relève Pauline Bax, directrice adjointe du programme Afrique à l'International Crisis Group. Mais Poutine «ne peut pas envoyer des soldats russes à la place de Wagner. Je n'imagine pas son retrait immédiat du continent».