Après la claque des législativesMacron se réveille bien seul en ce lundi matin
ATS
20.6.2022 - 01:25
Le président français Emmanuel Macron apparaissait isolé lundi matin au lendemain des législatives, au centre d'un paysage politique chamboulé. Son camp, en recul au profit de la gauche et de l'extrême droite, n'obtient pas la majorité absolue à l'Assemblée nationale.
20.06.2022, 01:25
20.06.2022, 08:01
ATS
A l'issue du second tour des élections législatives, l'alliance Ensemble! du président remporte 245 sièges, devant la coalition de la gauche Nupes et ses alliés, 137 sièges, et le RN, qui réalise une percée historique avec 89 sièges. Le nouvel hémicycle comptera 37,3% de femmes, en recul par rapport à 2017 (39%).
Le chef de l'Etat a perdu dans les grandes largeurs la majorité absolue (établie à 289 sièges sur 577) qui, pendant cinq ans, avait voté tous ses projets pratiquement sans discuter. Il hérite à la place d'une Assemblée nationale, où, à défaut de majorité, vont siéger deux oppositions puissantes et résolument hostiles.
Une gifle
Conséquence: deux mois après sa reconduction à l'Elysée, le mandat du président vacille déjà, ses projets de réforme, dont les retraites, aussi. Et la France avance politiquement en terre inconnue.
Symboles de la gifle reçue, les défaites des chefs de file de la «macronie» à l'Assemblée nationale, deux intimes de M. Macron: le président Richard Ferrand battu dans son fief du Finistère et le patron des députés LREM Christophe Castaner dans les Alpes-de-Haute-Provence. Trois ministres, Amélie de Montchalin (transition écologique), Brigitte Bourguignon (santé) et Justine Benin (mer), ont également mordu la poussière.
«Il faudra faire preuve de beaucoup d'imagination» pour gouverner, a admis le ministre de l'économie Bruno Le Maire. Sur un ton plus volontaire, la première ministre Elisabeth Borne a promis de «travailler dès demain [lundi] à construire une majorité d'action. Il n'y a pas d'alternative». Celle qui a été élue de peu dans le Calvados a souligné que «cette situation inédite constitue un risque pour notre pays».
Borne menacée
La cheffe du gouvernement, si elle se voit reconduite, va affronter immédiatement de fortes turbulences, alors que l'exécutif entend pousser avant les vacances d'été un projet de loi sur le pouvoir d'achat en pleine inflation.
Dès dimanche soir, le député LFI Eric Coquerel a estimé que Mme Borne ne pouvait plus «continuer à être première ministre». Il a annoncé que l'opposition déposerait «une motion de censure» contre son gouvernement le 5 juillet.
Pour Emmanuel Macron aussi, les prochains jours s'annoncent agités. Il va devoir manoeuvrer sur le front intérieur, avec un remaniement de son gouvernement, au moment même où il sera happé dans un tunnel d'obligations internationales (Conseil européen, G7, sommet de l'OTAN).
Jean-Luc Mélenchon, qui doit renoncer à son espoir d'être «élu premier ministre», mais gagne la direction de la gauche, s'est félicité d'une «déroute totale» du parti présidentiel. Il a annoncé que la Nupes allait «mettre le meilleur» d'elle-même «dans le combat» parlementaire.
Sans surprise, ce scrutin, le 4e en deux mois après la présidentielle, a été boudé par les Français. Le taux d'abstention atteint près de 53,79%, en hausse d'un point par rapport au premier tour (52,49%), mais inférieur au record de 2017 (57,36%).
LR survit
Ensemble! devra aussi composer avec un Rassemblement national nettement renforcé qui, avec 89 sièges, constitue la grande surprise de ce deuxième tour, après une campagne en retrait, effacée par le duel entre le camp Macron et la gauche. Le RN, qui ne comptait que huit députés élus en 2017, pourra former un groupe parlementaire pour la première fois depuis 1986, avec sans doute Marine Le Pen à sa tête.
«Nous incarnerons une opposition ferme, sans connivence, responsable», a annoncé l'ex-finaliste de la présidentielle, réélue dans le Pas-de-Calais.
Les Républicains (LR), qui représentaient la deuxième force dans l'Assemblée nationale sortante, conservent quelque 70 députés avec leurs alliés de l'UDI et des centristes, un chiffre quasi inespéré vu leur chute à la présidentielle. Leur position sera centrale dans l'Assemblée nationale, puisque le camp Macron aura besoin de voix pour atteindre la majorité absolue.
Le chef du parti Christian Jabob a affirmé que LR resterait «dans l'opposition», mais le maire LR de Meaux Jean-François Copé a appelé dimanche à un «pacte de gouvernement» avec Emmanuel Macron, estimant qu'"il appartient à la droite républicaine de sauver le pays».
Pour Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l'université Panthéon-Sorbonne, le second mandat d'Emmanuel Macron sera en tous cas «un quinquennat de négociations, de compromis parlementaires. Ce n'est plus Jupiter qui gouvernera, mais un président aux prises avec une absence de majorité».