Dérapages en sérieLa campagne du RN a viré au cauchemar - Les 4 raisons d'un échec
Barman Nicolas
8.7.2024
Front républicain, impréparation des candidats et dérapages en série: malgré un gain d'une cinquantaine de députés, le Rassemblement national apparaît comme le grand perdant des législatives, plombé par une campagne d'entre-deux-tours qui a viré au cauchemar.
Barman Nicolas
08.07.2024, 15:07
08.07.2024, 16:10
Barman Nicolas
Seuls contre tous
Auréolés de leur triomphe aux européennes puis au premier tour des législatives, les lepénistes entendaient s'appuyer sur leur dynamique d'une part, sur la désorganisation et les divergences stratégiques de leurs adversaires d'autre part, pour s'imposer au second.
Le RN pariait sur un scénario comparable à celui des précédentes législatives de 2022, lorsque la majorité macroniste s'était embourbée dans des (non-)consignes de vote illisibles entre les deux tours - 89 candidats RN avaient finalement été élus.
C'était sans compter sur la très forte participation, qui a permis la mise en place au second tour de centaines de triangulaires.
Paradoxalement, c'est cette configuration réputée favorable au RN - arrivé en tête dans une immense majorité de circonscriptions - qui a accéléré la constitution de «fronts républicains», dans une mouvement sans bavure - ou presque - de la part de l'ensemble des forces politiques opposées à Jordan Bardella.
Face à l'hypothèse d'une majorité absolue des lepénistes à l'Assemblée, des dizaines de candidats de gauche (130) et macronistes (80) se sont désistés et ont permis d'ostraciser le parti à la flamme.
Et, sondage après sondage, c'est vers le camp du tout-sauf-RN que la dynamique a basculé, coupant net l'élan de l'extrême droite, jusqu'au résultat de dimanche soir.
Le RN avait compté lors du premier tour ses bastions: une quarantaine de ses candidats avaient été élus dès le premier tour, dont Marine Le Pen, une première dans l'histoire du parti qui voulait y voir un présage heureux.
Las: les lepénistes ont à nouveau été confrontés à un plafond de verre, d'autant plus solide que sur 158 triangulaires, 149 ont été converties en duel. Et le parti d'extrême droite n'est parvenu à convaincre plus d'une moitié d'électeurs que dans 39 d'entre elles.
La contre-performance est d'autant plus amère pour le RN que la participation au second tour a été historiquement forte: le signe d'une mobilisation contre l'extrême droite, quand Jordan Bardella pariait au contraire sur le fait que les «fronts populaires» jugés «contre nature» nourriraient l'abstention.
Brebis galeuses
Dès le dépôt des candidatures, des dizaines de candidats RN ont été épinglés pour des propos litigieux publiés sur les réseaux sociaux, souvent à caractère raciste.
Devant l'ampleur du phénomène, Jordan Bardella avait été obligé de reconnaître des «brebis galeuses» parmi ses prétendants députés, pas plus de cinq selon lui.
Anecdotique ou pas, l'affaire a remis en lumière les obsessions du parti d'extrême droite et de ses militants, à rebours de la stratégie de dédiabolisation chère à Marine Le Pen.
De même, les débats locaux d'entre-deux-tours ont jeté une lumière crue sur l'amateurisme de nombre de candidats et renvoyé les lepénistes à leur historique procès en incompétence.
Binationaux
Les troupes de Jordan Bardella ont trébuché sur la question de la binationalité, qu'elles ont pourtant elles-mêmes mis au cœur du débat public.
Le député sortant Sébastien Chenu - réélu au premier tour - avait mis le feu au poudre en expliquant que les Français disposant d'une autres nationalité seraient exclus d'une liste d'emplois jugés sensibles.
Interrogé dans la foulée, Jordan Bardella n'avait pas voulu déjuger M. Chenu, par ailleurs vice-président de l'Assemblée lors de la précédente législature.
Mais en voulant minimiser la portée de la mesure - «à peine quinze personnes» - ou en donnant des exemples - «un directeur de centrale nucléaire franco-russe» -, il a tout de même contribué à ce que le sujet s'impose au centre de la campagne. Pire: son ambiguïté a laissé penser que le RN opérait une distinction entre Français.
Jusqu'aux propos d'un haut cadre du parti, Roger Chudeau, sur la nomination de l'ancienne ministre socialiste de l'Education, Najat Vallaud-Belkacem, une «Franco-marocaine» dont la nomination fut une «erreur», estimait-il, en évoquant plus largement un risque de «double loyauté» des binationaux.
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