Faux témoignage L'ex-chancelier Kurz en procès deux ans après sa chute

ATS

16.10.2023 - 07:53

C'est le procès de l'année en Autriche: l'ex-chancelier conservateur Sebastian Kurz comparaît à partir de mercredi devant le tribunal de Vienne pour faux témoignage.

Le prévenu de 37 ans est accusé avec deux autres personnes, selon un communiqué du parquet, d'avoir menti au Parlement, des faits passibles de trois ans d'emprisonnement.
Le prévenu de 37 ans est accusé avec deux autres personnes, selon un communiqué du parquet, d'avoir menti au Parlement, des faits passibles de trois ans d'emprisonnement.
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L'intérêt du public est à la hauteur du personnage: devenu à 31 ans en 2017 le plus jeune dirigeant élu de la planète, il a quitté la politique avec fracas il y a tout juste deux ans, emporté par les affaires.

C'est la première fois en plus de 30 ans dans le pays alpin qu'un ancien chef de gouvernement doit rendre compte de ses actes devant la justice. Ce procès ne concerne qu'une partie des faits reprochés à Sebastian Kurz. Et ce sont les moins graves comparé au volet corruption, pour lequel l'enquête est toujours en cours.

Le prévenu de 37 ans est accusé avec deux autres personnes, selon un communiqué du parquet, d'avoir menti au Parlement, des faits passibles de trois ans d'emprisonnement. Le jugement n'est pas attendu avant novembre au plus tôt. Dans les trois-quarts des cas, ce type de délit se traduit par une condamnation, d'après des statistiques du ministère de la Justice.

Emojis

Mais que reproche-t-on à Sebastian Kurz? En 2020, il a nié sous serment être intervenu dans la nomination d'un proche, Thomas Schmid, à la tête d'une holding publique brassant des milliards d'euros.

Problème: un an plus tard, les enquêteurs ont mis la main sur des SMS qu'il avait échangés en amont avec l'intéressé. Selon l'acte d'accusation de 108 pages, le dialogue ne laisse guère place au doute. Dans un message accompagné d'emojis affectueux, M. Kurz avait ainsi écrit: «tu as tout ce que tu veux». Auquel son protégé avait répond: «je suis si heureux, j'adore mon chancelier».

En Autriche, intervenir dans un processus de nomination ne constitue pas un délit en soi. C'est mentir sous serment devant une commission parlementaire qui l'est. Selon des éléments du dossier rapportés par la presse, M. Kurz a dissimulé la vérité car il avait promis aux électeurs de rompre avec des pratiques légales mais décriées.

Il le crie sur tous les toits: il est innocent et entend le prouver lors des audiences. Contactés par l'AFP, ni lui ni son avocat n'ont voulu s'exprimer en amont du procès. Hélas pour l'ex-chancelier, son ancien ami a retourné sa veste. Dans l'espoir d'une remise de peine, Thomas Schmid coopère désormais avec la justice et entend témoigner à charge. Pour y voir clair, la justice va convoquer au moins 18 témoins, dont plusieurs personnalités politiques.

Reconverti consultant

Parmi eux, l'ancien vice-chancelier d'extrême droite Heinz-Christian Strache, celui-là même qui est au coeur du retentissant scandale dit de l'Ibizagate d'où découlent les multiples affaires secouant l'Autriche.

En 2019, une vidéo tournée en caméra cachée sur l'île espagnole d'Ibiza à l'occasion de ses vacances a révélé des pratiques potentiellement frauduleuses dans la classe politique. M. Strache, contraint à la démission dans la foulée, a depuis été relaxé dans plusieurs dossiers.

Outre ce procès, Sebastian Kurz est soupçonné d'avoir détourné des fonds publics pour commander des enquêtes d'opinions truquées. Il aurait également fait passer entre 2016 et 2018 des encarts publicitaires dans des tabloïds, payés là encore par de l'argent public, pour s'assurer de leur couverture élogieuse.

Toutes ces allégations ne cessent de déstabiliser le pays de 9 millions d'habitants, où règne un sentiment du «tous pourris». De quoi nourrir le vote protestataire pour l'extrême droite, redevenue la première force dans les sondages, en vue des législatives de l'automne 2024.

Sebastian Kurz, retiré de la vie politique, jure qu'il n'a aucune envie de rempiler. Il multiplie les lucratives collaborations internationales dans le secteur privé, notamment dans les cercles proches de Donald Trump. En Israël, il a lancé une société de cybersécurité avec l'ancien dirigeant du groupe NSO, à l'origine du logiciel espion controversé Pegasus.