«Guanziroli au tribunal» Un gang fait chanter un prêtre catholique avec des photos érotiques

Silvana Guanziroli

3.12.2018

Le prêtre catholique donnait des sommes d'argent toujours plus importantes à son maître-chanteur. En tout, ce dernier lui a extorqué 41'000 francs (image symbolique).
Le prêtre catholique donnait des sommes d'argent toujours plus importantes à son maître-chanteur. En tout, ce dernier lui a extorqué 41'000 francs (image symbolique).
Keystone

Cette bande choisissait ses victimes de façon ciblée, notamment des prêtres catholiques aux tendances homosexuelles. Un ecclésiastique du canton de Zurich ayant porté plainte, une partie du groupe doit désormais comparaître devant la justice.

Il ne voulait plus rien payer – et n'a pas hésité à risquer sa réputation et son poste. Aujourd'hui, le prêtre catholique originaire d'une commune du canton de Zurich n'officie plus en tant que curé du village. L'histoire qui nous intéresse aujourd'hui lui a coûté son emploi, mais au moins, il est débarrassé de ses maîtres-chanteurs.

L'affaire a atteint son paroxysme le 16 mai 2017. Par cette douce soirée de printemps, le prêtre était assis dans son salon lorsque vers 21 heures, quelqu'un a sonné à sa porte. Il a ouvert et s'est retrouvé face à l'homme qui lui extorquait de l'argent depuis plusieurs mois.

Mais ce soir-là, Dejan P.* n'était pas venu seul. Pour intimider sa victime, il avait embarqué deux complices avec lui. Il a alors exigé le paiement immédiat de 1400 francs. Et l'homme originaire de Slovaquie disposait d'un moyen de pression. «Si tu n'obéis pas, nous publierons des photos de toi.» Des images très compromettantes, comme il l'a fait remarquer à sa victime avec insistance: sur ces photos, on pouvait le voir lui, le prêtre, en pleins ébats avec d'autres hommes.

Dejan avait déjà extorqué plus de 41'000 francs à sa victime jusque-là, mais ce soir-là, le prêtre a refusé de payer. Il a réussi à chasser les trois hommes de son appartement et à les faire patienter jusqu'au lendemain, prétextant qu'il devait d'abord aller chercher l'argent à la banque. Le lendemain matin, la bande de malfrats était de retour. L'ecclésiastique a alors alerté la police et les hommes ont été arrêtés.

Mardi, Dejan P. sera jugé devant le tribunal de district d'Andelfingen. Ne disposant pas d'un domicile fixe en Suisse, l'inculpé est en détention provisoire depuis son arrestation, le 17 mai 2017. Le ministère public de Winterthour/Unterland l'a inculpé pour extorsion, coercition et escroquerie par métier. Et pas que dans l'affaire de ce prêtre.

L'affaire sera jugée mardi et mercredi au sein du tribunal de district d'Andelfingen, dans le Weinland zurichois.
L'affaire sera jugée mardi et mercredi au sein du tribunal de district d'Andelfingen, dans le Weinland zurichois.
Municipalité de Flaach

La bande de malfrats n'en est pas à son coup d'essai

En réalité, Dejan P. est membre d'une organisation de criminels originaire de la ville slovaque de Sabinov. L'inculpé s'est volontairement attaqué à des prêtres et à des personnes âgées, agissant parfois avec des complices, mais également seul. Il choisissait de préférence des victimes présentant des signes de démence ou ayant des tendances homosexuelles.

L'organisation de criminels est originaire de l'est de la Slovaquie. Dejan P. vit sur place en compagnie de sa femme, de ses enfants et de ses parents.
L'organisation de criminels est originaire de l'est de la Slovaquie. Dejan P. vit sur place en compagnie de sa femme, de ses enfants et de ses parents.
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D'après le réquisitoire, l'inculpé a escroqué plusieurs personnes en Suisse entre 2008 et 2017. Sa combine: gagner la confiance de ses victimes, leur parler de ses difficultés financières et leur promettre de leur rembourser l'argent emprunté. Dans le cas du prêtre, il y aurait également eu relation sexuelle, ce qu'il a également utilisé comme moyen de pression. Dans une seconde affaire, la bande a extorqué quelque 20'000 francs à un retraité très croyant originaire d'Appenzell en en appelant à son amour de son prochain.

Pour le ministère public, il est prouvé que l'organisation de criminels n'a jamais eu l'intention de rembourser l'argent. Au contraire. L'inculpé s'en est servi pour subvenir à ses besoins, à ceux de sa famille et à ceux de ses parents. Pour l'organisation de criminels, il s'agit d'une affaire particulièrement lucrative: en Slovaquie, le revenu annuel moyen tourne autour des 17'000 francs. Avec l'argent extorqué en Suisse, la famille sur place a de quoi vivre plus que confortablement.

Des complices également arrêtés

Les investigations policières ont révélé que Dejan P. avait déjà été condamné plusieurs fois en Suisse. En témoignent deux ordonnances pénales, l'une en provenance de Saint-Gall (2008) et l'autre en provenance du canton de Soleure (2010).

Dans le cas présent, le ministère public demande une peine de prison de 30 mois. L'inculpé devrait purger 15 mois de prison et être expulsé du pays pour une durée de cinq ans à compter de sa libération. Les juges statueront sur ces demandes mardi et mercredi, à Andelfingen. Outre le principal auteur des faits, un des deux complices doit également répondre de ses actes devant le tribunal. Quant au troisième homme à avoir menacé le prêtre en mai 2017, il reste pour l'instant introuvable.

* Les noms ont été modifiés par la rédaction


Extorsion et chantage, art. 156, Code pénal suisse

1. Celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura déterminé une personne à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, en usant de violence ou en la menaçant d'un dommage sérieux, sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

2. Si l'auteur fait métier de l'extorsion ou s'il a poursuivi à réitérées reprises ses agissements contre la victime, la peine sera une peine privative de liberté de un à dix ans.

La rédactrice «Bluewin» Silvana Guanziroli est chroniqueuse judiciaire accréditée aux tribunaux zurichois. Dans sa série «Guanziroli au tribunal», elle écrit sur les procès les plus palpitants, se penche sur des affaires criminelles peu ordinaires et s'interroge sur le rôle de la justice en compagnie d'experts. Silvana Guanziroli travaille en tant que journaliste depuis plus de 20 ans et a étudié à l'école de police de la police cantonale de Zurich. silvana.guanziroli@swisscom.com
La rédactrice «Bluewin» Silvana Guanziroli est chroniqueuse judiciaire accréditée aux tribunaux zurichois. Dans sa série «Guanziroli au tribunal», elle écrit sur les procès les plus palpitants, se penche sur des affaires criminelles peu ordinaires et s'interroge sur le rôle de la justice en compagnie d'experts. Silvana Guanziroli travaille en tant que journaliste depuis plus de 20 ans et a étudié à l'école de police de la police cantonale de Zurich. silvana.guanziroli@swisscom.com
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