«Cela me fait froid dans le dos» Pourquoi tant de drames à l’Alpstein?

blue News

3.8.2022

En l'espace de quelques semaines, quatre personnes sont mortes dans la région de randonnée de l'Alpstein dans le canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures. Alors que les experts constatent des lacunes sécuritaires sur les sentiers, les autorités restent inactives. Le ministère public a les mains liées.

Quatre personnes sont mortes récemment dans la région de randonnée de l'Alpstein.
Quatre personnes sont mortes récemment dans la région de randonnée de l'Alpstein.
KEYSTONE

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Les accidents se multiplient dans la région de l'Alpstein : il y a deux semaines, deux personnes sont mortes au même endroit entre le restaurant d’altitude de l’Aescher et le Seealpsee. Ce mardi, une mère et sa fille de cinq ans ont également été victimes d'un accident mortel entre Aescher et Altenalp. Est-ce la faute des randonneurs ou du terrain exigeant?

Dans les zones de randonnée, des chemins étroits côtoient des descentes abruptes. Pour Patricia Cornali, porte-parole de l'association Suisse Rando, la région de l'Alpstein n'est toutefois pas plus dangereuse que d'autres zones de randonnée, comme elle l'explique à blue News. «Il est toutefois compréhensible que cela soit perçu ainsi : La région est particulièrement appréciée des randonneurs et des hôtes étrangers». Ces touristes ne sont pas suffisamment préparés face aux exigences que demande la marche en montagne.

La signalisation aussi remise en cause

Mais ces accidents sont-ils uniquement imputables aux randonneurs? Spécialiste des chemins pédestres en montagne, Ruedi Spiess répond par la négative car il a analysé l'état des sentiers de la région de l’Alpstein pour le «St. Galler Tagblatt». «Si des accidents se produisent si souvent, cela ne peut pas être uniquement la faute des randonneurs. Il doit y avoir quelque chose de plus derrière», indique-t-il au journal saint-gallois.

Le spécialiste a examiné certains passages et a constaté qu'il fallait agir immédiatement afin d’éviter de nouveaux drames. Le chemin comprend de nombreux endroits où les randonneurs peuvent facilement trébucher. Ruedi Spiess ajoute que le temps a aussi endommagé les éléments de sécurité sur le sentier. «Cela me fait froid dans le dos», s’indigne-t-il.

La signalisation est également problématique. En effet, près de la célèbre auberge de montagne Aescher, qui a acquis une notoriété mondiale grâce aux médias sociaux, une panneau de signalisation jaune est présent pour indiquer un chemin de randonnée. Or, le sentier serait davantage un chemin de randonnée de montagne blanc-rouge-blanc. De ce fait, les autorités devraient prendre des mesures pour rendre le chemin moins dangereux et en faire un sentier de randonnée jaune afin de le rendre plus accessible aux personnes qui n’ont pas une grande expérience de la marche en montagne.

Pas question de bétonner ce chemin

Préfet de la région où ont eu lieu les accidents, Sepp Manser, ne voit toutefois pas la nécessité d'agir. «Bien sûr, chaque accident sur nos sentiers de randonnée est un accident de trop. Mais à mon avis, ce chemin de randonnée de montagne doit rester un chemin de randonnée de montagne. Il n'est pas question de le bétonner», déclare-t-il au quotidien saint-gallois.

Si une personne décède dans un accident de montagne, le ministère public enquête automatiquement sur les causes du décès. Si de mauvais sentiers de randonnée étaient à l'origine de l'accident, les exploitants - c'est-à-dire les communes - pourraient être poursuivis pénalement. Les éléments constitutifs de l'homicide par négligence ou des lésions corporelles graves entrent en ligne de compte.

Interrogé par blue News le procureur d'Appenzell, Roland Klinger, indique qu’il ne peut pas donner d'informations sur les investigations en cours concernant les récents décès. «Dans les enquêtes déjà classées, nous n'avons pas conclu jusqu'à présent que les accidents étaient dus à des chemins de randonnée peu sûrs», précise-t-il.

Questions sans réponse

Néanmoins, «la cause exacte des accidents dans l'Alpstein peut rarement être élucidée, d'autant plus qu'il existe très peu de preuves objectives telles que des enregistrements ou des témoins oculaires directs», ajoute Klinger. La personne est-elle tombée parce qu'elle ne se sentait pas bien physiquement, parce qu'elle ne portait pas les bonnes chaussures ou parce qu'elle a trébuché accidentellement ? «Ces questions restent généralement sans réponse».

Selon le «St. Galler Tagblatt», le conseil du district de la région de l’Alpestein va se réunir le 18 août prochain afin de discuter d’éventuelles mesures de sécurité à mettre en place dans la zone. Cette attitude hésitante énerve Ruedi Spiess qui estime qu’il est nécessaire d’agir rapidement.