Léonard Gianadda est décédé dimanche à l'âge de 88 ans. Il laisse à Martigny (VS) une fondation à la renommée internationale qui a exposé les oeuvres d'illustres artistes comme Picasso, Van Gogh ou Rodin. Le Valaisan l'avait créée en mémoire de son frère Pierre. Le mécène souffrait d’un cancer des os depuis six mois.
Carnet noir: Le mécène valaisan Léonard Gianadda s'en est allé dimanche
Léonard Gianadda est décédé dimanche à l'âge de 88 ans. Il laisse à Martigny (VS) une fondation à la renommée internationale qui a exposé les oeuvres d'illustres artistes comme Picasso, Van Gogh ou Rodin. Le Valaisan l'avait créée en mémoire de son frère Pierre.
03.12.2023
La Fondation Pierre Gianadda dédiée à l'art a été naugurée en 1978. Elle accueille des centaines de milliers de visiteurs chaque année.
En 2018, Léonard Gianadda annonçait publiquement se battre contre un cancer. Même atteint dans sa santé, il est resté très actif, continuant notamment à concrétiser des expositions. Fin octobre 2023, il avait été hospitalisé à la suite d'un accident de voiture dans lequel il avait été gravement blessé à la jambe.
Petit-fils d'immigrés
Petit-fils d'immigré italien, Léonard Gianadda est né le 23 août 1935 à Martigny (VS). Son père Robert et sa mère, une Valaisanne prénommée Liline, le poussent à faire des études et l'inscrivent au collège de St-Maurice (VS), où il entre en internat à l'âge de 11 ans.Il y passera quatre ans. Un souvenir plutôt douloureux: «Moi qui étais à peine sorti des jupes de ma mère, je ne pouvais retourner chez moi qu'une fois par trimestre. Je m'ennuyais et pleurais beaucoup», avait-il confié en 2021 à Keystone-ATS.
Il empoche sa maturité classique en 1955. Lui qui hésitait entre devenir ingénieur, géologue, dentiste ou même curé, opte pour la première voie et décroche un diplôme d'ingénieur civil à l'Ecole politique fédérale de Lausanne (EPFL) en 1960.
Parallèlement à ses études, Léonard Gianadda travaille comme journaliste. A la fin des années cinquante, il est notamment engagé par la Télévision suisse romande (TSR devenue RTS) et devient le premier correspondant pour le Valais.En 2020, la presse suisse salue son engagement d'alors en le faisant membre d'honneur de l'Association de la presse valaisanne et d'Impressum. «Je suis vraiment touché. Le journalisme et le reportage photographique ont été une étape incroyable dans ma vie», avait alors déclaré Léonard Gianadda.
Amoureux de la culture
L'homme aime aussi voyager. En 1950 déjà, à l'âge de quinze ans, lors d'un séjour en Italie avec sa mère et ses deux frères, il découvre Michel-Ange, la chapelle Sixtine, les musées, les églises, Naples. «J'ignorais que ces choses puissent exister. Tout cela m'a beaucoup marqué, j'imagine», confiait-il dans l'émission Les grands entretiens de la RTS diffusée en 2000.
Au début des années 60, il ouvre un bureau d'ingénieur avec un camarade d'études et se met à construire. Dans la même émission, il dit: «(...) j'ai perdu, je crois, beaucoup de temps à gagner de l'argent, à construire (...). J'aurais pu faire des choses plus intéressantes, lire, ne serait que ça, voir des spectacles (...)». L'homme se rattrapera ensuite.
Succès jamais démenti
En 1976, il envisage de construire un immeuble locatif sur un terrain dont il est propriétaire. Mais il y découvre des vestiges d'un temple gallo-romain. C'est alors que son frère Pierre, 38 ans, meurt des suites d'un accident d'avion.Léonard décide alors de créer une Fondation qui porterait le nom de ce frère en lieu et place de la construction de l'immeuble projeté. La Fondation Pierre Gianadda est inaugurée le 19 juillet 1978, jour où Pierre aurait fêté ses 40 ans. Depuis, son succès ne se dément pas.
Klee, Picasso, Hodler, Rodin, Giacometti, Modigliani, Chagall, Gauguin, Van Gogh et bien d'autres ont fait honneur aux cimaises de la fondation. Des concerts de musique classique y sont également donnés.
Soutien social
En 2010, Léonard Giandda avait aussi inauguré avec sa femme la Fondation Annette et Léonard Gianadda à but social. Il avait notamment offert à sa Ville un immeuble avec logements, jardin d'enfants et appartements protégés pour les personnes âgées, dont l'argent généré par les loyers est investi dans le social à Martigny.
En 2015, il s'était engagé en faveur de réfugiés syriens, mettant à disposition cinq appartements pour cinq familles durant cinq ans. Une action évidente pour le mécène, dont le grand-père avait, lui aussi, été accueilli en Suisse.
Nombreuses distinctions
Le travail et les prouesses de Léonard Gianadda ont été moult fois récompensés. Il a notamment reçu les titres de chevalier de l'Ordre national du Mérite de la République française, de chevalier puis d'officier de la Légion d'honneur, d'officier des arts et des lettres, et obtenu en 1996 le prix de l'Etat du Valais puis en 2019 le Prix Europa Nostra. En 2001, il devient membre de l'Académie des beaux-arts.
Début novembre, le conseil municipal de la Ville de Sion avait encore organisé une soirée en l'honneur de Léonard Gianadda «en signe de gratitude pour l'indéfectible soutien apporté aux institutions culturelles et sociales sédunoises». L'événement s'était alors déroulé dans l'aula de l'Hôpital de Sion, où le mécène était soigné.
Ce lion ascendant lion, père de deux fils, était aussi membre, entre autres, du conseil d'administration du Musée Rodin, du Musée Toulouse-Lautrec à Albi, du conseil de la Fondation Balthus et du premier conseil d'orientation de la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris. Son empreinte est partout dans la ville de Martigny, qui ne compte aucun feu de signalisation, mais des giratoires que le mécène n'a jamais cessé d'habiller.
«C'est fini»
De son vivant, le mécène n'a pas annoncé de successeur. Il a en revanche créée en 2019, la Fondation «Léonard Gianadda» qui gère et distribue ses biens. En octobre 2023, interrogé sur sa succession dans une émission de la RTS, le Valaisan commence par rappeler que le musée archéologique, la saison musicale, le musée de l'automobile et le parc de sculptures resteront.
Pour ce qui est de «l'animation, des expositions, c'est un peu plus compliqué». Relevant le caractère «unique» de ce qu'il a accompli à Martigny, il pense que la Fondation Gianadda et «les millions de visiteurs, c'est fini», même si tout ne va peut-être pas s'arrêter.