Marre du tintamarreLe bruit est-il en train de nous tuer à petit feu?
Valérie Passello
9.1.2022
Une surdose de décibels n'est pas sans effets néfastes sur la santé. Troubles du sommeil, mais aussi diabète ou maladies cardiovasculaires peuvent être favorisés par une exposition prolongée au bruit. Si des normes existent pour protéger la population des nuisances sonores, elles ne sont pourtant pas toujours respectées.
Valérie Passello
09.01.2022, 15:17
Valérie Passello
Environ 2,6 milliards de francs. C'est l'estimation des coûts externes de la santé dus au bruit du trafic routier, ferroviaire et aérien dans notre pays chaque année. D'après l'étude SiRENE, lancée en 2013 avec le soutien de la Commission fédérale de lutte contre le bruit, les conséquences d'un environnement bruyant sur notre santé sont bien réelles.
En extrapolant les résultats de cette étude à l’ensemble de la Suisse, il apparaît que le bruit routier, ferroviaire et aérien est responsable chaque année d’environ 2500 cas de diabète et de quelque 500 décès cardiovasculaires. Sans compter les différentes atteintes à la qualité du sommeil, les états dépressifs ou les troubles cognitifs induits, eux aussi, par les nuisances sonores.
En Suisse, il existe bien sûr des normes légales en matière de bruit, inscrites dans la Loi sur la protection de l'environnement (LPE) et détaillées dans l'ordonnance sur la protection contre le bruit, qui fixe trois valeurs limites: de planification, d'immission (ndlr: valeurs limites d'exposition) et d'alarme.
Des assainissements oui, mais «fictifs»
En principe, des mesures d'assainissement doivent être prises si une installation, comme une route par exemple, dépasse les normes fixées dans la loi. Mais ce n'est, dans les faits, pas toujours le cas, explique l'avocate Sophie Ribaut, membre du Comité de la Ligue suisse contre le bruit : «Exceptionnellement, les autorités peuvent accorder des allégements lorsque l'assainissement -et donc le respect des valeurs limites d'immission- ne serait pas proportionnel. Les autorités ont utilisé cette exception à tort et à travers dans l'application de la loi.»
Pour elle, cette situation est grave car, d'une part, une norme qui constitue une exception a été appliquée de manière routinière et, d'autre part, une fois qu'un allègement a été accordé, l'installation est considérée comme «assainie» et son détenteur, canton ou commune, est libéré de ses obligations d'assainir. «Les personnes concernées sont ainsi exposées à du bruit excessif de manière continue et ad aeternam! Et c'est cette exposition continue qui est dangereuse pour la santé», s'insurge-t-elle.
Et Sophie Ribaut d'ajouter: «Les allégements doivent être octroyés par une décision formelle. Cette décision peut faire l'objet d'un recours mais nous constatons souvent que les propriétaires ne comprennent pas l'impact d'un tel allégement et ne sont pas au courant de leurs droits».
Il est possible d'agir
S'engager dans des procédures qui peuvent s'avérer très longues est l'une des options. Encore faut-il s'en sentir le courage et faire preuve de ténacité.
Toutefois, toujours d'après les conclusions de l'étude SiRENE, «toute mesure contribuant à une réduction de la nuisance sonore, aussi petite ou insignifiante qu’elle puisse paraître, est susceptible d’améliorer l’état de santé de la population». Aussi, il est intéressant de se pencher sur les solutions permettant d'améliorer le quotidien de nos oreilles et de celles de nos congénères.
Le site de l'Office fédéral de l'Environnement (OFEV) recense les mesures qui peuvent être mises en oeuvre pour réduire le bruit routier. Il y est précisé qu'«en Suisse, environ 14% de la population est exposée à un bruit routier excessif».
L'OFEV note, pour ce qui est des revêtements, que «l'écart entre la capacité de réduction sonore des revêtements traditionnels et celle des revêtements les plus performants (état neuf) peut atteindre 9 décibels, ce qui correspond à un trafic routier réduit à un huitième de son niveau actuel».
Il ajoute que la gêne perçue est aussi fortement diminuée lorsque la vitesse de la circulation est réduite. La ville de Lausanne semble avoir compris le message, puisqu'elle est la première de Suisse à avoir introduit à la fin septembre l'obligation de circuler à 30 km/h dans 120 de ses rues entre 22h et 6h du matin.
Les usagers peuvent aussi y mettre du leur en équipant leurs véhicules de pneus silencieux: l'étiquette du fabricant donne des indications sur le sujet. Adapter sa conduite en évitant par exemple les fortes accélérations en zones d'habitation contribue également à réduire son impact sonore.
Enfin, l'OFEV relève encore: «L'assainissement des routes principales et des autres routes, qui aurait dû être achevé jusqu'e fin mars 2018, relève de la compétence des cantons. (...) Les routes nationales, qui aurait dû être assainies jusqu’à fin mars 2015 selon l'ordonnance, sont sous la responsabilité de l'Office fédéral des routes».
On s'équipe chez soi
Pour les personnes exposées à un bruit constant, vivant par exemple à proximité d'une autoroute, d'une voie ferrée ou d'un aéroport, il existe également des astuces et des équipements afin de ne pas laisser les décibels arriver jusque chez soi.
Il existe aujourd'hui des vitrages efficaces contre le le bruit. Faire remplacer ses vieilles fenêtres peut sembler coûteux de prime abord, mais le bénéfice devrait en valoir la chandelle. Les différents fabricants évoquent une réduction de bruit de 36 à 45 décibels environ.
La pose de faux plafonds peut contribuer à limiter le bruit émis par les voisins du dessus, mais également empêcher la réverbération des nuisances sonores à l'intérieur d'une habitation. Une foule de revêtements phonoabsorbants existe en outre pour les intérieurs, de la moquette à l'isolation en laine de verre, en passant par des enduits spéciaux qui permettent, eux aussi, de limiter la réverbération dans les pièces.
Enfin, pour les plus petits budgets, calfeutrer les fenêtres ou les portes peut être une solution, de même qu'installer d'épais rideaux, conçus spécialement pour stopper les nuisances sonores.