Criminalité En Italie, jadis terre de violence, le crime ne plaît plus

ATS

16.2.2024 - 07:38

Terre de mafia et de violence politique dont l'Histoire s'est longtemps écrite en lettres de sang, l'Italie est aujourd'hui l'un des pays les plus sûrs d'Europe. Les homicides y sont peu élevés en regard de ses grands voisins. Seules la Suisse et la Norvège présentent un taux d'homicide égal ou inférieur.

Une voiture de police devant la cathédrale (Duomo di Milano) à Milan, le 12 août 2020. - Terre de violence mafieuse et politique, l'Italie est aujourd'hui l'un des pays les plus sûrs d'Europe, où les taux d'homicides sont faibles par rapport à ses principaux voisins, à commencer par la France. (Photo Miguel MEDINA / AFP)
Une voiture de police devant la cathédrale (Duomo di Milano) à Milan, le 12 août 2020. - Terre de violence mafieuse et politique, l'Italie est aujourd'hui l'un des pays les plus sûrs d'Europe, où les taux d'homicides sont faibles par rapport à ses principaux voisins, à commencer par la France. (Photo Miguel MEDINA / AFP)
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Du milieu du XIXème siècle aux années 1990, la mafia a fait des milliers de morts, petits poissons et gros bonnets coulés dans le ciment ou donnés aux porcs, mais aussi policiers, juges, prêtres, témoins, commerçants refusant de se soumettre au racket.

S'ajoutent à ce macabre décompte celui des «années de plomb»: de la fin des années 1960 au début des années 1980, les groupes armés d'extrême gauche et d'extrême droite font régner la terreur pour fomenter le chaos, affaiblir l'Etat et, in fine, faire advenir un nouveau régime.

Si l'assassinat en 1978 par les Brigades rouges de l'ex-chef du gouvernement Aldo Moro demeure dans la mémoire collective comme le crime emblématique de cette période, c'est le «terrorisme noir» de la nébuleuse néo-fasciste qui fait le plus grand nombre de ses quelque 400 victimes (civils, policiers, magistrats). Mais avec la fin du terrorisme politique et la conversion des mafias à la délinquance «en col blanc», le nombre d'homicides volontaires s'est effondré.

Moins de victimes hommes

En 2023, l'Italie en a enregistré trois fois moins (330) que la France (1010), selon les chiffres officiels des deux pays récemment parus. «Les homicides ont drastiquement diminué ces 25 dernières années, en particulier ceux touchant les hommes» alors qu'ils étaient les principales victimes des mafias, note la sociologue Raffaella Sette, de l'université de Bologne.

En 1990, on dénombrait 34 homicides pour un million d'habitants, contre 24 en France, selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). En 2023, ils étaient six fois moins nombreux – divisés par 1,6 seulement sur la même période en France.

«Les groupes mafieux ont radicalement changé leur façon d'opérer (...). Aujourd'hui, ils investissent dans l'immobilier, des activités commerciales» pour blanchir l'argent sale de la drogue sans verser le sang qui pourrait nuire à leurs affaires, analyse Gianluca Arrighi, avocat pénaliste et auteur de romans policiers.

Lettonie, lanterne rouge

Seuls 10% des homicides commis chaque année sont aujourd'hui attribués aux mafias. Et l'Italie compte parmi les pays d'Europe où l'on recense le plus faible nombre d'homicides rapporté au nombre d'habitants selon les statistiques moyennes de l'ONUDC en 2021/2022: 5,5/millions, contre 7 en Espagne, 8 en Allemagne, 10 au Royaume-Uni et 11 en France.

Tous pays confondus, seules la Suisse et la Norvège présentent un taux d'homicide égal ou inférieur au sien, tandis que la Lettonie, lanterne rouge, affiche un taux 6,5 fois supérieur. L'écart avec la France se vérifie pour les coups et blessures volontaires (65'000 contre 384'000), et les tentatives d'homicides (1018 contre 4055), selon leurs ministères de l'Intérieur respectifs.

Société de «bienveillance»

L'analyse des expressions de violence d'un pays à l'autre est toujours hasardeuse. Gianluca Arrighi avance une multiplicité de facteurs.

Bien que l'Italie affiche un taux de pauvreté bien plus élevé que ceux de ses voisins comparables de l'Union européenne (UE), il ne joue pas de façon déterminante sur le sentiment de bien-être social, différent de la notion, plus objective, de bien-être économique. La «bienveillance» entre les personnes peut contribuer à compenser les difficultés de l'existence, résume Gianluca Arrighi.

«Plus la conflictualité est forte dans un groupe humain, plus les homicides ont tendance à augmenter, commis par des personnes exprimant des réactions de colère à l'adversité», détaille-t-il à l'AFP. «Notre société est moins violente», abonde Stefano Delfini, directeur des analyses criminelles du département de la sécurité publique. «Le tissu social est plus résistant, sans doute du fait de valeurs familiales très présentes qui font que les difficultés sont ressenties de façon moins brutales».

La carte des homicides colle néanmoins globalement à celle de la sociologie, plus nombreux dans les régions sud de l'Italie, les plus pauvres de la péninsule. Par ailleurs, alors que le lien entre alcoolisation (et/ou usage de stupéfiants) et homicides est mis en évidence en France et au Royaume-Uni notamment, l'Italie ne dispose pas d'outil pour le mesurer.

Mais selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la consommation d'alcool y est la plus faible de l'UE, un tiers de moins qu'en France. S'agissant des féminicides (inclus dans le total des homicides), l'Italie en a recensé 97 en 2023. Compte tenu du fort recul du nombre de victimes hommes, les féminicides – même s'ils diminuent – ont un poids mécaniquement important, représentant un homicide sur trois, contre environ un sur dix en France.

ATS