«Le grand mal de l'humanité» Au Brésil, Lula encaisse une défaite cuisante face aux infox

ATS

18.1.2025 - 07:56

Lula se pose volontiers en chantre de la lutte contre les infox, au Brésil et ailleurs. Mais une déferlante de désinformation, exploitée par l'opposition, autour d'une mesure économique de son gouvernement vient de le contraindre à une retraite piteuse.

Lula se pose volontiers en chantre de la lutte contre les infox, au Brésil et ailleurs. Mais une déferlante de désinformation, exploitée par l'opposition, autour d'une mesure économique de son gouvernement vient de le contraindre à une retraite piteuse.
Lula se pose volontiers en chantre de la lutte contre les infox, au Brésil et ailleurs. Mais une déferlante de désinformation, exploitée par l'opposition, autour d'une mesure économique de son gouvernement vient de le contraindre à une retraite piteuse.
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Keystone-SDA

La désinformation est devenue «le grand mal de l'humanité» et «peut causer des dommages profonds», alertait mardi le nouveau ministre de la Communication, Sidonio Palmeira.

L'une de ses priorités est justement de renforcer les positions de l'exécutif sur les réseaux sociaux, où il a subi une série de revers depuis le retour du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva au pouvoir en 2023. Vaste chantier, à en juger par l'échec subi cette semaine. La crise s'est nouée autour de PIX, une application de paiement instantané très populaire dans le pays.

Tout a commencé au début de l'année avec la mise en place de nouvelles règles par le fisc. PIX allait compter parmi les établissements financiers qui, comme c'est déjà le cas pour les banques traditionnelles, verraient leurs transactions contrôlées. Objectif: combattre l'évasion fiscale.

En quelques jours, l'annonce a engendré confusion, inquiétudes et infox prétendant que les transactions via PIX seraient taxées. Face à la lame de fond, le gouvernement a dû reculer cette semaine et a annulé purement et simplement la mesure.

300 millions de vues

L'opposition de droite, et notamment la famille de l'ex-président Jair Bolsonaro, a attisé l'émoi dans l'opinion, affirmant que les pauvres seraient les premières victimes. Mais c'est Nikolas Ferreira, 28 ans, un député fédéral de son camp, qui a eu l'impact le plus retentissant.

Dans une vidéo vue plus de 300 millions de fois, cette star des réseaux sociaux brésiliens admet que «PIX ne sera pas taxé», ajoutant aussitôt: «Mais je ne doute pas qu'il puisse l'être».

Les autorités ont tenté de riposter, à coup de démentis du fisc et du ministre de l'Economie Fernando Haddad. Lula a même publié une vidéo dans laquelle il fait un paiement via PIX pour son club de foot favori, Corinthians, équipe de Sao Paulo. Mais cela n'a pas suffi.

Le gouvernement a non seulement enterré la mesure prévue, mais a carrément interdit jeudi toute taxation de PIX. «Si c'était fake, alors pourquoi la révoquer?», a cinglé Nikolas Ferreira.

Selon un sondage de l'institut Quaest, publié vendredi, 67% des personnes interrogées pensent que ce système de paiement va bel et bien être taxé.

«Avidité»

Pour André Eler, directeur technique du cabinet de consultant Bites, le gouvernement a dû reconnaître «qu'il n'était pas possible d'inverser l'étendue des dégâts causée par cette communication mal faite».

Il «est peu informé à propos de ce qu'il se passe sur les réseaux et a trop tardé à répondre», analyse-t-il. Cela a permis à l'opposition d'exploiter la «crainte de la population» qu'elle a affaire à un «gouvernement qui aime taxer».

Les infox ont en effet prospéré sur un terrain propice: l'équipe au pouvoir peine à maîtriser la dette publique et les inquiétudes sur les dépenses ont nourri une forte dépréciation de la monnaie nationale, le real, face au dollar.

«Le gouvernement Lula a soutenu une partie de l'augmentation de la dépense publique avec une rare avidité à collecter des taxes», pointe un éditorial du quotidien O Globo.

«Dans un pays où la pression fiscale est l'une des plus élevées au monde, la fausse nouvelle d'un impôt supplémentaire gagne vite en crédibilité», souligne-t-il. L'épisode donne en tout cas du grain à moudre aux autorités.

Sous Lula, le Brésil compte parmi les gouvernements en pointe pour pousser à imposer des règles aux géants de la tech. Le chef de l'Etat avait porté ce thème l'an dernier, durant la présidence brésilienne du G20.

Brasilia est actuellement engagé dans un bras de fer avec Meta, depuis que la maison-mère de Facebook, WhatsApp et Instagram a annoncé un relâchement de sa politique de lutte contre la désinformation et de modération des contenus.

Quant à la plateforme X (ex-Twitter) possédée par Elon Musk, elle a été suspendue l'an dernier pendant quarante jours au Brésil sur ordre de la Cour suprême, pour non-respect d'ordres judiciaires liés à la lutte contre la désinformation.