Les chalets ne sont pas rares en ville de Lausanne. Il en reste encore environ une soixantaine sur le territoire communal, y compris dans ses zones foraines. Comment sont-ils arrivés en milieu urbain, quelle est leur histoire? Réponses avec l'archiviste communale Charline Dekens qui s'est penchée sur le sujet.
A Lausanne, il reste encore environ une soixantaine de chalets sur le territoire communal, y compris dans ses zones foraines. Ici, à Sauvabelin, au bord du petit lac.
Dès 1910, l'attrait du chalet ne cesse de grandir chez de nombreux Lausannois, comme bien d'autres citadins ailleurs. Ici un chalet au chemin des Sauges.
Un des chalets les plus emblématiques à Lausanne, sur l'avenue d'Ouchy, entre la gare et le lac.
Le chalet de la route du Signal, sur les hauts de la ville, était à l'époque un chalet-pension.
A Lausanne, la passionnante histoire des chalets en milieu urbain - Gallery
A Lausanne, il reste encore environ une soixantaine de chalets sur le territoire communal, y compris dans ses zones foraines. Ici, à Sauvabelin, au bord du petit lac.
Dès 1910, l'attrait du chalet ne cesse de grandir chez de nombreux Lausannois, comme bien d'autres citadins ailleurs. Ici un chalet au chemin des Sauges.
Un des chalets les plus emblématiques à Lausanne, sur l'avenue d'Ouchy, entre la gare et le lac.
Le chalet de la route du Signal, sur les hauts de la ville, était à l'époque un chalet-pension.
«C'est sur une initiative personnelle que j'ai voulu savoir pourquoi on trouvait des chalets à Lausanne et essayer de comprendre comment on était passé du chalet d'alpage au chalet de ville», explique à Keystone-ATS Charline Dekens. «Ça va le chalet?» est d'ailleurs devenu une animation culturelle pour des élèves du secondaire en janvier dernier.
Si leurs histoires sont différentes et variées, il y a bien eu à un moment donné, vers la fin du 19e siècle, un phénomène de «chalétisation», un «effet de mode». Mme Dekens évoque «un trait d'union entre villes et montagnes, témoin d'un goût pour le chalet, le bois, le feu de bois, le confort, le côté 'refuge' et le rapport à la nature».
Avec aussi cette possibilité de «s'offrir sa villa à un prix abordable, grâce à des entreprises locales commercialisant des chalets en partie préfabriqués», ajoute-t-elle.
Un roman propulse la mode
Petit retour en arrière. Chalet? Le mot est originaire de Suisse romande, attesté dès le 14e siècle et désignant des constructions en bois et/ou en pierre, dans les Alpes et les Préalpes pour abriter ceux qui s'occupent du bétail et fabriquent le fromage à la belle saison. «Rien à voir donc avec la maison traditionnelle suisse par excellence comme on pourrait le croire à l'étranger», souligne l'archiviste communale.
«Les tout premiers chalets préexistants en milieu périurbain, qui n'existent plus aujourd'hui, étaient des dépendances que l'on trouvait dans certains jardins de propriétés cossues», raconte Mme Dekens. Principales caractéristiques du chalet à la manière suisse: un socle en pierre au-dessus duquel s'élève un étage en madriers, une toiture à deux pans largement débordants et des éléments de décor en bois découpé.
C'est un livre qui a propulsé une image idéalisée du chalet auprès des premiers touristes lettrés et fortunés d'Europe, ceux-ci projetant sur la Suisse et la beauté de ses paysages une société en harmonie avec la nature, libre et démocratique, poursuit-elle. Il s'agit du roman «Julie ou la Nouvelle Héloïse – Lettres de deux amants habitants d'une petite ville au pied des Alpes» de Jean-Jacques Rousseau, paru en 1761.
L'effet de mode est lancé et se répand à partir du 19e siècle, notamment auprès des touristes britanniques et américains, fascinés par les maisons paysannes de l'Oberland bernois, région la plus courue à l'époque des Lumières et du Romantisme. De retour chez eux, ils se mettent à construire des chalets dans leurs propriétés.
Le mini-village de Sauvabelin
Le «style chalet» est né. Il s'en construit de plus en plus en dehors de la Suisse et des régions de montagnes, à la campagne ou au bord de la mer. Par un retour de boomerang, la Suisse s'empare de l'image stéréotypée du chalet pour en faire «le symbole d'une architecture nationale authentique». Elle sera popularisée par les représentations des «villages suisses» à l'Exposition nationale de Genève en 1896 et à l'Exposition universelle de Paris en 1900.
Directement inspiré de ces expositions, Lausanne voit se construire son propre village à la lisière du bois de Sauvabelin, au nord de la ville, en 1898-99. Cette idée vient d'un certain Charles Pflüger (1848-1927), propriétaire du magasin le «Bazar vaudois» et qui fait partie du comité de la Société de développement de Lausanne, selon les archives. C'est lui qui a fait aménager le lac artificiel de Sauvabelin en 1889, ainsi qu'un restaurant à son abord en 1891.
Il a aussi décidé de faire installer sur sa propriété «Le Feuillage» une dizaine de chalets de différents types, auxquels il adjoint dix ans plus tard un chalet-pension, qui subsiste encore aujourd'hui, route du Signal 27, explique Charline Dekens.
Une mode qui s'essouffle
Les Lausannois semblent séduits par cette ambiance alpestre aux portes de la cité: le village devient un lieu de promenade apprécié, rendu facilement accessible grâce au funiculaire du Signal inauguré en 1899. Une affiche publicitaire de l'époque vante d'ailleurs Sauvabelin comme étant une «station climatérique», sorte de «montagne-refuge».
Dès 1910, l'attrait du chalet ne cesse de grandir chez de nombreux Lausannois, comme bien d'autres citadins ailleurs. Seule cautèle des autorités communales à l'époque: bien respecter les règles de protection contre les incendies. Mais sinon, rien ne s'oppose à leur construction en ville. Les chalets préfabriqués ont la cote, confortables et financièrement accessibles.
Ainsi, du chalet ornant le jardin d'une maison de maître au bord du lac au 19e siècle, on est passé au «chalet-villa» qu'on habite à l'année et plutôt autour du centre-ville. Puis, la mode du chalet va peu à peu retomber. On verra encore de modestes «chalets-week-end» se construire dans les zones foraines, conclut Mme Dekens.