Une révolution sexuelle 20 ans du Viagra: le gros succès de la petite pilule bleue

Kerry Sheridan, AFP

27.6.2018

Elle est bleue et à peine plus grosse qu’un ongle – cela ne l’a pas empêchée de déclencher une véritable révolution sexuelle. Depuis que la pilule de Viagra a été approuvée aux Etats-Unis il y a 20 ans comme médicament contre les troubles de l’érection, elle a permis à des millions d’hommes, pour la plupart âgés, de retrouver une vie sexuelle active.

Ce remède, dont l’utilisation à des fins sexuelles a été découverte par hasard, a rapidement trouvé sa place dans les foyers comme médicament de confort. Le 27 mars 1998, la Food and Drug Administration (FDA) donnait le feu vert au groupe pharmaceutique américain Pfizer pour commercialiser le Viagra, qui est arrivé un peu plus tard sur le marché suisse.

A l’origine, le citrate de sildénafil a été développé pour traiter l’hypertension artérielle et l’angine de poitrine. Lors des essais cliniques, les testeurs ont constaté qu’ils pouvaient de nouveau obtenir une érection fiable grâce à l’agent actif. Première pilule à soigner la dysfonction érectile, le Viagra a été prescrit environ 65 millions de fois dans le monde entier depuis son homologation.

Un tabou levé

Du jour au lendemain, l’impuissance et le sexe chez les hommes vieillissants n’a plus été un tabou et les médias se sont emparés du sujet. Dans sa publicité pour le Viagra, le fabricant Pfizer a remplacé le terme peu flatteur d’«impuissance» par «dysfonction érectile» ou tout simplement par son abréviation «DE».

Le sénateur républicain Bob Dole, ancien combattant et ex-candidat à la présidence des Etats-Unis, est devenu le premier ambassadeur du Viagra à la télévision. «C’est un peu gênant pour moi de parler de dysfonction érectile mais c’est tellement important pour des millions d’hommes et leurs partenaires », expliquait-il alors.

Ainsi, le Viagra a joué «un grand rôle» dans la façon d’aborder la sexualité chez les personnes âgées, explique l’urologue Elizabeth Kavaler du Lenox-Hill-Spital à New York. Aujourd’hui, avoir une vie sexuelle active est devenu une évidence au crépuscule de la vie.

«Ce n’est pas un aphrodisiaque»

Cependant, les hommes ne doivent pas trop attendre du Viagra, déclare Louis Kavoussi, qui dirige le département d’urologie du réseau hospitalier Northwell Health à New York. «Ce n’est pas un aphrodisiaque», précise-t-il. Beaucoup d’hommes se plaignaient que leurs femmes ne s’intéressaient pas au sexe. «A ceux-là, je dis que «'le Viagra ne changera pas ça'.»

Le fait que le Viagra ne soit pas nécessairement une bénédiction pour les femmes a déjà fait l’objet d’un sketch dans l’émission humoristique «Saturday Night Live» en 2000. Une femme, les yeux gros comme des billes, gémit sarcastiquement en criant «Merci Viagra », tandis qu’un homme visiblement excité sexuellement s'affaire en arrière-plan.

Certes, le Viagra assouplit la façon d’aborder la sexualité dans une Amérique puritaine, explique le chef du département d’urologie et de médecine de la fertilité à l’hôpital universitaire de Staten Island, Nachum Katlowitz. « Mais la plupart des femmes ont été exclues de la révolution concernant l’amélioration de la vie sexuelle.»

Les femmes devront encore attendre

Ce n’est qu’en 2015 que la FDA a homologué Addyi, un médicament présenté comme le «Viagra féminin». Mais la petite pilule rose dopant la libido à base de flibansérine est plus controversée et ne connaît pas le même succès que son homologue masculin. Parmi les effets secondaires, on peut mentionner les nausées, les vomissements ou encore les idées suicidaires. Par ailleurs, il ne faut surtout pas l’associer à l’alcool.

Par ailleurs, une boîte d’Addyi coûte plusieurs centaines de dollars, bien plus cher donc que le Viagra, dont les produits d’imitation bon marché sont désormais disponibles. D’autres thérapies comme les traitements au laser ou les injections d’hormones continuent d’être très coûteuses. L’urologue Elizabeth Kavaler pose un diagnostic bien réel: on attend toujours une avancée semblable à celle du Viagra pour les femmes souffrant de troubles sexuels d’origine physique. Et sur ce point, «on a au moins 20 ans de retard sur les hommes.»

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