Transport routier Taxe poids lourds: l'Alsace accélère, les routiers freinent

ATS

6.10.2024 - 11:44

Le projet de taxe poids lourds que l'Alsace souhaite instaurer en 2027 pour alléger ses routes inquiète les acteurs économiques, à commencer par le secteur des transports, qui appelle à manifester.

L'Alsace envisage elle aussi d'introduire une taxe poids lourd (Photo d'illustration).
L'Alsace envisage elle aussi d'introduire une taxe poids lourd (Photo d'illustration).
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Mieux vaudra éviter les autoroutes alsaciennes lundi matin: une opération escargot des transporteurs routiers est annoncée entre Mulhouse et Strasbourg.

Dans le viseur, la taxe poids lourds sur laquelle la Collectivité européenne d'Alsace (CEA) – issue de la fusion en 2021 des conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin -, doit se prononcer le 21 octobre: un péage que devront payer les camions en fonction de la distance parcourue sur certains axes.

En réaction à ce projet, un «Collectif pour la compétitivité de l'économie alsacienne» s'est adressé au ministre délégué aux Transports, François Durovray, qui, jeudi à Strasbourg, a apporté son soutien à la collectivité alsacienne.

«Il est important de clarifier que ce ne sont pas seulement les transporteurs qui s'opposent fermement à cette mesure, mais bien l'ensemble des filières économiques d'Alsace, qui sont vent debout face à cette taxe», affirme l'association économique. «Tous les secteurs, quels qu'ils soient, seront gravement impactés par cette taxe, et ce, bien au-delà du secteur du transport, jusqu'au pouvoir d'achat des consommateurs.»

Le Collectif met en cause «la méconnaissance du dossier, des réalités économiques et de l'impact réel de cette mesure» de M. Durovray.

«Aspirateur à camions»

La CEA prévoit d'instaurer cette taxe sur les poids lourds de plus de 3,5 tonnes à partir de début 2027 sur l'autoroute A35 qui traverse la région du nord au sud.

En raison d'une fiscalité onéreuse sur les autoroutes allemandes, un flux important de camions effectue le détour par l'Alsace. Avec cette taxe, Frédéric Bierry, président de la CEA, entend «rééquilibrer le trafic de transit des poids lourds», comme il l'a expliqué vendredi devant la presse.

L'Alsace a enregistré une augmentation de 18% du nombre de poids lourds depuis l'augmentation de la redevance du côté allemand fin 2023, avec même un pic à +30% au mois d'août.

«Ne pas faire R-Pass (le nom du projet de taxe, ndlr) ce serait subventionner le trafic de poids lourds en transit et continuer à faire de l'axe nord-sud un aspirateur à camions», a averti M. Bierry (divers droite), pointant l'augmentation de la pollution, des bouchons, des accidents, et la détérioration de la chaussée.

«Les inquiétudes des milieux économiques alsaciens sont prises en compte», a-t-il souligné.

«La concertation va se poursuivre dès lundi, et nous tirons parti à chaque fois des remarques pour améliorer le dispositif», a poursuivi M. Bierry, rappelant avoir déjà réduit la portion de route qui sera taxée, passant des 500 km prévus initialement à 200 km.

Bonnets rouges

La CEA met aussi en avant sa volonté de minimiser l'impact sur les entreprises alsaciennes, d'exonérer différentes branches grâce à des dérogations, et elle entend compenser la taxe en réinjectant une partie des recettes pour soutenir l'économie.

Appliquée principalement sur l'A35, la taxe rapporterait 64 millions d'euros par an, dont la moitié proviendrait du trafic de transit, selon une étude.

«La proposition de la Collectivité d'Alsace aujourd'hui, si j'ai bien compris, ils sont à 15 centimes du kilomètre, là où en Allemagne, on est à trois ou quatre fois plus», a souligné jeudi François Durovray.

«On n'a pas encore été capable de montrer le bénéfice que nos concitoyens pouvaient en tirer. Je ne dis pas qu'on va trouver la solution, là, comme ça, mais il faut qu'on y travaille», a plaidé le ministre délégué.

Interrogé sur les oppositions fortes suscitées en 2013 par un précédent projet d'écotaxe national, avec le mouvement des «bonnets rouges» en Bretagne, M. Bierry évoque «un contexte complètement différent».

«Plus de 50% de la taxe va être payée (en Alsace) par le trafic de transit. En Bretagne ce n'était pas le cas. L'impact pour les acteurs économiques sera faible, et avec les exonérations sur lesquelles on travaille, ça me laisse à penser qu'on doit arriver à avancer avec le monde économique», espère-t-il.

ATS