TransportsMalgré l'incendie de ses bus, Belfort persévère dans l'hydrogène
ATS
18.1.2025 - 08:26
L'année a mal commencé pour le réseau de bus du Grand Belfort, qui a vu ses sept bus innovants à hydrogène détruits par un incendie. Ce coup dur ne remet toutefois pas en cause la stratégie de diversification du territoire, même si la filière est en plein doute.
Keystone-SDA
18.01.2025, 08:26
18.01.2025, 08:48
ATS
«L'incendie n'est pas lié à l'hydrogène ni à son utilisation», souligne le Syndicat mixte des transports en commun (SMTC) du Territoire de Belfort, qui gère le réseau de bus départemental. Le sinistre du 2 janvier est «probablement» d'origine électrique, poursuit Bruno Jamet, directeur innovation et projet du pôle de compétitivité Pôle Véhicule du Futur, implanté à Étupes (Doubs), non loin de Belfort, et organisateur du forum international Hydrogen business for climate.
Après s'être déclenché dans un bus, l'incendie s'est propagé aux six autres stationnés à côté. Cet investissement s'élevait à 4,8 millions d'euros, les bus hydrogène étant plus de deux fois plus chers que les diesels.
Les systèmes de sécurité pour prévenir les explosions ont parfaitement fonctionné, notamment le système de vidange du réservoir hydrogène, qui se déclenche à partir d'une certaine température et d'une certaine pression. «Il n'y avait plus aucun risque lié à l'hydrogène car le réservoir était vide», explique Bruno Jamet.
Poursuite de la stratégie hydrogène
Aucune pollution de l'air ou de l'eau n'a été constatée, indique également Damien Meslot, président (LR) de l'agglomération du Grand Belfort.
«Cet incident permet à Belfort de gagner en expérience opérationnelle et de se positionner encore plus comme un écosystème hydrogène de référence», estime Mikaa Blugeon-Mered, spécialiste de la géopolitique de l'hydrogène et enseignant.
Le pôle Véhicule du futur veut créer un groupe de travail réunissant différents experts pour «capitaliser sur cette expérience». «C'est regrettable, mais cela ne remet pas du tout en cause la stratégie hydrogène», insiste Damien Meslot.
Inaugurée au printemps dernier, la station de ravitaillement «n'est pas touchée», note Marie-Guite Dufay, présidente socialiste du Conseil régional Bourgogne-Franche-Comté, labellisé territoire hydrogène depuis 2016.
«Le projet mobilité d'Optymo reste inchangé», confirme aussi Franck Mesclier, directeur du SMTC. La moitié de la flotte de bus Optymo fonctionnera à l'hydrogène, normalement à l'horizon 2026.
D'autres bus déjà commandés
En effet, l'hydrogène qui est utilisé dans ces bus pour alimenter une pile à combustible afin de produire de l'électricité, répond toujours à ses besoins, notamment celui de l'autonomie puisque sur certaines lignes du réseau les véhicules roulent jusqu'à 400 kilomètres, une distance trop importante pour des bus électriques 100% batterie, par exemple.
Le réseau réceptionnera ainsi en octobre huit bus articulés hydrogène, de la marque Solaris. Avant l'été, une commande de douze bus hydrogène «classiques» doit être confirmée, qui pourrait être augmentée pour remplacer les bus brûlés.
Cependant, si l'accident ne remet pas en cause la stratégie locale, les tâtonnements de la filière inquiètent, à l'image du fabricant d'électrolyseurs McPhy, dont la «gigafactory» est installée à Foussemagne, juste à côté de Belfort, et qui a revu drastiquement à la baisse son chiffre d'affaires 2024.
Soutenir la filière au démarrage
«Nous sommes en attente de la stratégie hydrogène de l'État», pique Marie-Guite Dufay. «Cette illisibilité n'est pas favorable aux investissements», regrette-t-elle. «Nous sommes dans une phase où le soutien public est important.»
Selon elle, «heureusement» qu'il y a des collectivités comme la Région Bourgogne-Franche-Comté ou le Grand Belfort, des «pionniers». «Si on laisse le train passer sous prétexte que ce n'est pas encore mature, on va se faire envahir par la technologie chinoise», prévient-elle.
«La bataille pour la décarbonation de l'industrie et de la mobilité nécessite de la constance et de ne pas tout abandonner à la première difficulté», acquiesce l'expert Mikaa Blugeon-Mered.
«On a beaucoup agi sur l'offre, mais il faut agir sur la demande», estime quant à lui Christophe Grudler, député européen Renew, originaire de Belfort et coordinateur de la commission de l'industrie et de l'énergie. «Le problème, c'est le démarrage du marché», ajoute-t-il.
M. Grudler rappelle l'objectif de 2050: 500 milliards d'euros d'investissement public et privé et un million de nouveaux emplois dans la filière. On attend «ces prochaines semaines» un document de la Commission européenne qui soutiendra ces investissements. «Le marché de l'hydrogène n'est pas remis en cause. On en a absolument besoin pour l'industrie et les mobilités lourdes».