Peur du «protectionnisme» Les sociétés suisses suspendues à l'élection présidentielle aux USA

ck

21.10.2024 - 10:23

Peu importe le vainqueur de la prochaine élection présidentielle américaine, les entreprises helvétiques faisant affaires aux Etats-Unis, deuxième partenaire commercial de la Suisse, auront à batailler avec un protectionnisme accru. Mais en cas de victoire, Kamala Harris devrait mener une politique plus prévisible que son adversaire Donald Trump.

Si Trump passe la rampe, le protectionnisme devrait être encore plus marqué, estiment les experts. (image d'illustration)
Si Trump passe la rampe, le protectionnisme devrait être encore plus marqué, estiment les experts. (image d'illustration)
KEYSTONE

SDA / Keystone-ATS

A l'approche de l'élection du 5 novembre outre-Atlantique, «je pense que dans les deux administrations, il y aura un côté protectionniste, mais beaucoup plus marqué chez Donald Trump», a souligné auprès de l'agence AWP Cédric Tille, professeur d'économie internationale à l'Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève.

Pour la Chambre de commerce Suisse-Etats-Unis aussi «l'approche de Trump est plus directe avec son projet d'imposer une taxe générale à l'importation de 10%. Pour les entreprises suisses, cela pourrait augmenter les coûts et rendre les produits moins compétitifs sur le marché américain», a appuyé son directeur général Rahul Sahgal. Elles pourraient absorber ces coûts, les répercuter aux clients ou «transférer la production aux Etats-Unis pour éviter les droits de douane».

Les élections américaines de 2024

L'Amérique élit un nouveau président le 5 novembre. Mais il n'y a pas que le président qui sera élu, il y aura aussi 35 sièges au Sénat, la totalité de la Chambre des représentants ainsi que onze gouverneurs. blue News accompagne la phase chaude du duel pour la Maison Blanche non seulement avec un regard depuis la Suisse, mais aussi avec des reportages en direct des Etats-Unis.

Patrick Semansky/AP/dpa

La démocrate Kamala Harris, elle, «se concentre davantage sur les augmentations d'impôts et la réglementation», a complété M. Sahgal. L'actuelle vice-présidente prévoit en effet d'assouplir la réglementation en matière de construction de logements neufs ou encore d'augmenter l'impôt sur les sociétés.

Pour les entreprises helvétiques, «les deux approches posent des problèmes», a appuyé la Chambre de commerce Suisse-Etats-Unis. Mais Cédric Tille ajoute que «pour les filiales d'entreprises suisses sur place, tant qu'elles sont taxées au même prorata que les sociétés américaines, il n'y aura pas de distorsion.»

Économie forte

Si l'Inflation Reduction Act (IRA), lancé en 2022 par le président Joe Biden, «n'a pas changé la donne pour les entreprises suisses», ce financement «soutient certainement leur activité aux Etats-Unis», avec 369 milliards de dollars alloués aux infrastructures, au développement durable ou à la réindustrialisation, a souligné Rahul Sahgal. «L'économie américaine devrait rester forte, indépendamment de la victoire de Harris ou Trump, et les entreprises suisses devraient continuer à profiter de ces initiatives et de la dynamique du marché dans son ensemble».

Interrogé par AWP, Holcim, géant zougois des matériaux de construction semble confiant, peu importe les résultats des urnes, s'appuyant sur les nombreuses entreprises acquises ces dernières années outre-Atlantique. «Pour les deux partis – républicains et démocrates – la construction d'infrastructures et la réindustrialisation des Etats-Unis sont une priorité absolue», a fait savoir un porte-parole.

«Holcim a déjà décroché des commandes pour plus de 100 projets d'infrastructures majeurs et les fournira au cours des prochaines années». Le groupe, qui revendique 450 implantations dans 43 Etats, se dit sur la bonne voie pour coter ses activités nord-américaines au premier semestre 2025.

Deux modes de fonctionnements

Le professeur Cédric Tille note toutefois une différence fondamentale entre les deux candidats. «Dans le camp démocrate, on défend les intérêts des Etats-Unis, mais de manière assez prévisible et professionnelle. Alors que dans le camp Trump, les propositions arrivent sans donner l'impression d'une vue d'ensemble et tiennent plus du slogan».

Un propos appuyé par le bulletin du Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l'EPFZ pour qui le milliardaire «est connu pour gouverner de manière disruptive», tandis que l'ancienne procureure «évolue plutôt dans les voies que nous connaissons de Barack Obama et Joe Biden».

Pour M. Tille, «un tel environnement d'incertitude est très délicat pour une entreprise qui envisage d'investir et qui a besoin de se projeter sur 20 ans». Switzerland Global Entreprise, en charge de la promotion des exportations et de la place économique, constate de son côté qu'il existe «chez les entreprises suisses une certaine incertitude et une attitude attentiste en ce qui concerne l'élection», avec potentiellement des projets décalés du dernier trimestre 2024 au premier trimestre 2025, afin de gagner en visibilité.

Le professeur de l'IHEID conclut en insistant sur «le gros enjeu qui est de savoir si on va rester dans un pays régi par un Etat de droit, avec une administration qui défend les intérêts américains dans les règles, ou si tout est à l'humeur du gouvernement qui ne se sent pas lié à l'Etat de droit. C'est fondamental et cela va bien au-delà des aspects économiques».

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