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Interview Maya Lauqué: «On ne verra pas de photos du visage de mes enfants»
Samuel Bartholin/AllTheContent
4.12.2018 - 11:36
Tous les midis, Maya Lauqué reçoit, en compagnie de Thomas Isle, dans le grand loft lumineux de «La Quotidienne», sur France 5, pour évoquer consommation et solidarité avec ses chroniqueurs.
Derrière le sourire lumineux de l’animatrice se cache une travailleuse acharnée, qui s’est imposée successivement des locales de «Sud-Ouest» au Pays baque aux commentaires des matches de Premier League anglaise, en passant par les plateaux d’infos de I-Télé. Retour pour «Bluewin» sur le parcours d’une journaliste passionnée et touche-à-tout.
Au départ, l’émission «La Quotidienne» a pris la suite d’une émission de jeunesse...
Oui, les «Zouzous»! (sourire) C’était un changement de philosophie: les «Zouzous», ça parlait plutôt à mes enfants, et on s’est mis davantage à parler aux parents et aux grand-parents. Il y avait un public à aller chercher, c’était un défi, mais heureusement, ça a pris assez vite: la courbe d’audience depuis 5 ans et demi n’a cessé de monter. Les gens qui nous ont rejoints ne ont pas lâchés ensuite, il y a eu un attachement au concept, à notre bande de chroniqueurs avec des âges, des parcours, des personnalités différentes, ce qui fait que tout le monde est parvenu à s’y identifier.
A quel cahier des charges obéit l’émission?
L’idée, c’était de parler des nouvelles formes de consommation: c’est quelque chose dont on parle énormément aujourd’hui, mais il y a cinq ans, il y avait seulement quelques initiatives qui commençaient à émerger. Une consommation différente, verte, citoyenne, c’était quelque chose de novateur. Mettre en lumière la solidarité, le travail des associations au quotidien tout en sollicitant les téléspectateurs: faire en fait une vraie émission de service public, ancrée dans le quotidien des gens, où on va parler pouvoir d’achat, immobilier, alimentation… Et qui met en avant les initiatives nombreuses dans les régions: ce n’est pas du tout une émission de bobos parisiens, comme on pourrait nous le reprocher, au contraire, c’est souvent des régions que viennent les impulsions des projets que l’on relaie.
«C’est une émission axée sur l’horizontalité, celle du citoyen qui se prend en charge»
Ce sont en effet des notions dans l’air du temps…
Oui, dans les JT, à la radio, il y a de plus en plus de sujets et d’émissions consacrés à cela. Mais c’était au départ un pari d’en parler tous les jours et de sentir que c’était en train prendre dans la société. C’est une émission axée sur l’horizontalité, celle du citoyen qui se prend en charge, sollicite son entourage, lance un mouvement autour de lui sans forcément tout attendre des institutions. Ce sont des initiatives, pas forcément destinées à se généraliser, mais au moins à se multiplier au plan local.
C’est cela qui explique les bons scores d’audience (près de 300'000 spectateurs en moyenne)?
Oui, car, de plus, c’est une émission positive mais pas naïve: c’est ce que les gens apprécient, on ne fait pas les «ravis de la crèche», à dire que tout est formidable partout. Les gens connaissent bien sûr toutes sortes de difficultés au quotidien, mais on essaie de voir concrètement comment les contourner
Comment êtes vous arrivée à la présentation de l’émission?
Je n’étais pas là lors de la construction du projet. Mais le producteur, Christophe Koszarek et Thomas (Isle, le coanimateur, ndlr), qui en sont à l’origine, voulaient un duo à la tête de l’émission, et ils ont pensé à moi. Je sais que d’autres aussi ont été testées… Finalement, j’ai été prise, et à partir de là, j’ai été associée au pilote de l’émission.
«Sinon, on arrive très tôt le matin, on fait pas mal de répétitions avant de tourner…»
Qu’est-ce qui vous attirait plus particulièrement dans le projet?
J’étais disponible, je sortais tout juste de huit ans d’infos… Ça me passionnait, mais j’avais à ce moment envie de sortir de ce tourbillon de l’actualité, je saturais. La proposition de «La Quotidienne» est arrivée, avec des sujets sur lesquels j’avais envie de travailler, comme l’économie: j’y ai vu l’occasion d’aller voir davantage du coté des réalités quotidiennes, des préoccupations des téléspectateurs. Et puis, c’était l’opportunité de faire de l’animation, soit quelque chose de plus rond, d’accueillant, où peut-être ma personnalité pourrait davantage ressortir, le fait de se retrouver en bande, aussi, me plaisait bien…
Cinq émissions par semaine, c’est un rythme assez dense
On a un peu changé de formule cette année: on concentre les tournages sur deux jours, mais on tourne dans les conditions du direct, sans aucun montage. On essaie de garder un maximum d’interactivité avec les téléspectateurs, en s’appuyant toujours sur les questions qu’ils nous envoient mais en les encourageant à nous les envoyer en amont, et puis, on échange sur les réseaux sociaux. Sinon, on arrive très tôt le matin, on fait pas mal de répétitions avant de tourner… Pour les grands dossiers, on fonctionne beaucoup par télétravail, on a une boîte mail interne où chacun peut proposer des idées, et on essaie de prendre pas mal d’avance. On essaie de se garder une petite marge en tout début d’émission pour traiter de l’actualité. Maintenant, les journaux télévisés le font déjà, donc on ne cherche pas non plus trop à en rajouter: on va plutôt chercher, deux semaines, un mois plus tard, à faire un suivi des dossiers, voir si les promesses ont été tenues.
«On est parents de jeunes enfants, on rit des même bêtises…»
Comment se passe la présentation quand on doit l’assurer à deux?
Ce n’est pas évident comme exercice, la coprésentation, je l’ai fait souvent en actualités, et ça ne s’est pas toujours bien passé (rire). Mais là, avec Thomas, on a des personnalités qui se complètent bien, on s’entend bien, ça a facilité tout de suite les choses. Nous ne sommes pas des sanguins, adeptes des déclarations tonitruantes… On est presque de la même génération, on est parents de jeunes enfants, on rit des même bêtises… Et puis, surtout, on se fait confiance, on est à l’écoute l’un de l’autre, on écrit beaucoup. Même si parfois on improvise, quand on est deux, c’est nécessaire de préparer et beaucoup écrire. Chacun travaille plus particulièrement l’émission un jour, ce qui permet à l’autre du coup d’être plus spontané ce jour-là. C’est très codifié, afin qu’il y ait une parfaite égalité de temps de parole. Les «egos» de la télé sont très particuliers, alors, si c’est toujours le ou la même qui dit «bonjour»… (rire) Ça ressemble à des trucs de cour d’école, mais, même si rares sont ceux qui vont le dire aussi ouvertement, c’est souvent comme ça!
Au départ, vous vous orientiez vers une carrière de danseuse
Très tôt, mes parents m’ont mis à la danse. A la maternelle, je n’avais pas d’amis, je dansais seule devant un miroir, du coup la directrice a suggéré à mes parents de m’inscrire à un cours pour me faire des copains. C’est devenu ainsi ma vie, j’ai passé des concours, j’avais un rythme de type sport-études, j’ai fait un stage à l’opéra de Paris, puis je suis entrée au Conservatoire supérieur. Mais, lors de mon entrée à l’opéra, le journal «Sud-Ouest» a voulu faire un article – c’était un petit événement local, dans ma ville, à Bayonne. Je me suis rendue à la rédaction, où j’ai été saisie par le cliquetis des machines à écrire, l’atmosphère enfumée.. Quand je suis revenue à la maison, j’ai déclaré: «Le jour où j’arrêterai la danse, je deviendrai journaliste.»
«Mon rêve, c’était de faire de l’actu, les chaînes infos me faisaient très envie depuis longtemps.»
Vous avez ensuite débuté à «Sud-Ouest»...
Oui, j’y suis entrée d’abord en stage, ils m’ont fait confiance, ils publiaient mes papiers comme les titulaires, donc j’étais extrêmement fière. J’y ai appris énormément: dans les locales, il y a des journalistes qui ont des personnalités incroyables! Ensuite, pour rassurer mes parents, je me suis inscrite en fac à Paris, j’y ai trouvé des stages, et je suis entrée comme ça à la télévision, j’ai débutée à Infosport. Je ne voulais pas spécialement devenir journaliste sportif à la base, mais j’avais trois mois de stage, je me suis dit: profites-en pour faire des sujets, faire du montage, poser ta voix… J’y passais mes soirées et tous mes week-ends, cachée dans un bureau. Un jour, un rédacteur en chef est passé derrière moi, m’a dit: «fais-moi écouter», puis il m’a fait passer à l’antenne.
Puis ça a été la présentation des matches de foot...
Ah, ça, les matches de foot, ce sont mes premiers directs: un souvenir merveilleux, mais qui s’est fait au départ un peu dans la douleur… C’était à TPS Star, un des responsables m’avait dit avant: «Tu ne vas pas le faire, tu n’es pas bonne...». Ça m’avait piqué, je m’étais dit, perdue pour perdue, autant se bagarrer, et il m’avait laissé finalement y aller. C’était un match amical avant une Coupe du monde, je n’avais jamais fait de direct, et là, attention, je me retrouvais pour deux heures à l’antenne pour commenter aux cotés de Bernard Lama. A la fin, il m’a simplement dit: «Tu étais un peu trop maquillée, mais tu continues dimanche prochain...» Là aussi, ça a été très formateur: parfois, nous étions en communication entre l’Angleterre et Paris, les faisceaux ne marchaient plus, et il fallait meubler… Quand vous devez commenter un match soporifique entre Fulham et Aston Villa, qu’il y a 0-0 à la mi-temps et qu’il ne se passe rien, en comparaison, le moindre «Breaking News» d’actualité vous semble ensuite extrêmement facile!
Puis votre arrivée à I-télé...
Mon rêve, c’était de faire de l’actu, les chaînes infos me faisaient très envie depuis longtemps. Mais je n’avais pas le parcours classique: je n’ai qu’un Deug de lettres modernes, pas de Sciences Po, ni de diplôme d’école de journalisme. Donc ça n’était pas évident de taper à la porte des chaînes! C’est Bernard Zekri, qui dirigeait I-télé, qui m’a fait le cadeau de me faire confiance, et m’embaucher. J’ai fait alors un peu tous les horaires: les matinales du week-end, le 18-20 aux cotés de Thomas Hugues, qui a été d’une aide précieuse… C’est la personne auprès de laquelle j’ai le plus appris, sur l’analyse de l’image, sur la gestion d’un «Breaking News», sur la manière d’être à la fois plongé dans l’événement, dans ce qui se passe, et réussir à s’en extraire, à garder la tête froide...
Vous n’en éprouvez pas de nostalgie?
Peut-être que j’y reviendrai un jour! J’ai encore tendance à garder mon téléphone allumé la nuit comme si on allait m’appeler pour faire de l’actualité en direct, je consomme encore beaucoup d’actualités, d’infos… Pourquoi pas par la radio? C’est un média que je ne connais pas et que j’aimerais beaucoup découvrir. D’autre part, «La Quotidienne», c’est aussi une autre manière de traiter de l’actu, différente du rythme effréné de la chaîne info! De fait, quand on commence à ramener les infos les plus dures avec soi, le soir - ce qui finissait par être mon cas - on se dit que c’est mieux de faire une petite pause! Quand j’ai quitté I-Télé, c’était aussi à partir du constat que ma vie professionnelle était bien remplie, mais pas ma vie personnelle: j’avais 35 ans, j’étais seule, j’avais envie de construire une famille…
«L'accueil que j’ai reçu sur Instagram m’a encouragé à poster des messages»
Vous avez communiqué avec le public, surtout auprès de vos followers sur Instagram, sur la naissance de vos deux enfants. Pourquoi cette envie?
En fait, je suis une personne assez secrète, l’exposition personnelle ne va pas de soi chez moi, je suis même plutôt timide dans la vie. Mais je l’ai fait en effet sur Instagram car j’y ai découvert une communauté plutôt bienveillante, davantage que sur Twitter, par exemple, où c’est assez violent. Il s’y trouve une forme de soutien, d’entraide, notamment entre femmes, une sorte de «sororité». Ça m’a incité du coup à une forme de confidence, et à une petite exposition personnelle, même si j’y pose des limites: on ne verra pas de photos du visage de mes enfants, par exemple. Mais l’accueil que j’ai reçu sur Instagram m’a encouragé à poster des messages, je peux ainsi aussi donner de mes nouvelles à des amis au Pays basque, que je n’ai pas le temps de voir. Cela m’a permis aussi d’échanger avec des mamans au moment de l’accouchement, alors que je me posais la question d’accoucher sans péridurale: il y a eu beaucoup de conseils, de réactions, de femmes qui étaient contentes de pouvoir échanger ainsi et être aidées à faire leur choix. J’aime beaucoup ce qui se passe autour de tout ça, cela me donne aussi des idées de choses à faire: c’est une manière personnelle de communiquer, qui peut aussi venir nourrir mon travail.
«La Quotidienne»: du lundi au vendredi, 11h45, sur France 5. Avec Swisscom TV Air, vous profitez gratuitement de Swisscom TV sur votre ordinateur, votre tablette et votre Smartphone. Ainsi, vous pouvez regarder Swisscom TV, vos enregistrements inclus, où que vous soyez.
«The Big Bang Theory» en images
Samuel Bartholin/AllTheContent