Raphael Wicky «Je mentirais si je disais que cela ne m'a pas préoccupé»

ATS

31.3.2023 - 11:00

Il faudrait un sacré concours de circonstances pour que Young Boys ne décroche pas son 16e titre national, qui serait le quatrième en cinq ans. «Il s'agit de toujours rester affamés», lâche l'entraîneur Raphael Wicky, qui a repris le flambeau après la décevante 3e place de la saison dernière, dans un entretien avec Keystone-ATS.

Raphael Wicky touche du bout des doigts le titre national avec YB.
Raphael Wicky touche du bout des doigts le titre national avec YB.
Keystone

31.3.2023 - 11:00

Raphael Wicky, votre équipe est en tête du classement après 25 journées avec 18 points d'avance. A quoi attribuez-vous cette domination ?

«Nous avons été très constants jusqu'à présent, c'est le point le plus important pour expliquer une si grande avance. Même dans les matches où nous n'étions pas dans notre meilleur jour, nous avons réussi à ne pas perdre ou même à gagner».

Qu'est-ce que vous faites de mieux que les autres équipes ?

«Je ne peux pas l'expliquer, je ne sais pas ce que font les autres. Ce n'est pas à moi de juger. Un point décisif chez nous est certainement le fait que nous témoignons d'une grande unité dès le premier jour, sur et en dehors du terrain, que chaque joueur se met au service de l'équipe, même si parfois il n'entre pas en jeu dès le début. Chacun essaie d'amener ses qualités».

Avec une avance aussi importante, est-il difficile de maintenir une certaine tension en permanence ?

«En tant que staff, nous essayons de ne jamais entrer dans une zone de confort, nous ne voulons pas donner l'impression d'être satisfaits. Bien sûr que nous sommes satisfaits lorsque nous gagnons un match, je dis toujours à l'équipe de profiter de ces moments. La victoire ne doit jamais être une évidence. Mais il s'agit de toujours rester affamés, de vouloir toujours plus, de faire encore plus. Meilleurs nous sommes, plus les autres veulent nous vaincre. C'est un point que nous ne cessons d'aborder. Le fait que nous ayons une grande concurrence au sein de l'équipe est certainement un atout. Je trouve cela très, très important pour pouvoir maintenir la tension. Cela aide quand on ne doit pas seulement créer une pression artificielle».

Le club a connu une longue période de disette sans remporter de titre, l'expression «Veryoungboysen» a même été créée. Aujourd'hui, YB est devant le club modèle par excellence en Suisse. Quelles en sont les raisons selon vous ?

«Ce que j'avais observé de loin se confirme. On peut travailler sereinement à YB, c'est un club avec beaucoup de continuité, qui est très bien structuré et qui fonctionne bien. Des gens comme Spycher, Chapuisat, Castella ou Graf travaillent ensemble depuis très longtemps, le directeur sportif Steve von Bergen connaît lui aussi le club depuis longtemps, il y a une bonne compréhension mutuelle. Il y a des objectifs clairs, des valeurs claires, des idées claires, tout le monde a les pieds sur terre, mais est quand même ambitieux. C'est certainement une force d'YB».

S'arrêter, c'est reculer. Dans quels domaines avez-vous évolué depuis vos premiers jours en tant qu'entraîneur ?

«Je pense que j'ai évolué dans tous les domaines. Je trouve que c'est nécessaire dans mon travail. Entraîneur de football est un métier dans lequel on grandit fortement grâce à l'expérience acquise. Pour moi, il était important d'analyser après chaque étape dans quelles composantes je voulais m'améliorer. Il s'agit d'une part de la gestion des personnes, de la manière dont je veux agir et communiquer avec le staff et l'équipe. Ce sont des points très importants dans lesquels j'espère me développer encore davantage. D'autre part, j'essaie de rester à jour sur le plan tactique. Le football évolue, il devient de plus en plus athlétique».

Autrefois, les entraîneurs étaient souvent des «durs». Dans la génération actuelle, où les joueurs sont plus curieux, faut-il presque être plus psychologue que technicien ?

«Je reste convaincu qu'en tant qu'entraîneur, tu dois convaincre un joueur sur le plan technique, lui montrer que tu peux le rendre meilleur. Mais bien sûr, la gestion des personnes est aujourd'hui extrêmement importante dans une fonction de leader – dans chaque business. En tant qu'entraîneur, je dirige 25 à 30 joueurs, plus 15 à 20 membres du staff. Je suis donc en quelque sorte coresponsable d'une petite entreprise. Les rôles doivent être clairement répartis, il faut bien communiquer. C'est encore plus important aujourd'hui qu'à l'époque où je jouais moi-même».

A Bâle, vous avez été licencié après un an. A Chicago, la collaboration n'a pas été poursuivie après deux saisons. Pouvez-vous surmonter rapidement de tels coups bas ?

«Je mentirais si je disais que cela ne m'a pas préoccupé. Être licencié, ça fait mal et c'est normal. Après tout, je ne suis pas une machine. J'ai dû le digérer, la première fois est toujours la plus douloureuse, je crois. Mais après, on sait définitivement que ce côté fait aussi partie du métier d'entraîneur. Je dois pouvoir gérer cela».

Après avoir quitté Chicago à l'automne 2021, vous avez décidé de prendre un congé sabbatique. S'agissait-il de recharger les batteries ?

«Je vivais alors une situation difficile sur le plan privé avec la maladie de mon père, c'est pourquoi il était clair pour moi de revenir en Suisse lorsque Chicago m'a annoncé que le contrat ne serait pas prolongé. Je voulais être avec ma famille et attendre jusqu'à l'été pour voir comment les choses allaient évoluer. Mais bien sûr, je voulais aussi laisser tout cela se calmer et me reposer mentalement, car être entraîneur est un travail stressant».

En parlant de stress. Est-il facile pour vous de déconnecter ?

«J'essaie de me détendre avec ma famille et en faisant du sport, de mener une vie privée normale. Il est extrêmement important pour moi, justement en raison du temps de travail élevé, de trouver un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée, de varier les plaisirs et de ne pas toujours penser au football. Mais c'est difficile. Il m'arrive d'être à la maison et de m'égarer dans mes pensées footballistiques».

Pour terminer, revenons à YB. Samedi, vous rencontrerez votre premier poursuivant Servette à Genève, et trois jours plus tard, Bâle vous accueillera en demi-finale de Coupe de Suisse. Comment envisagez-vous ces matches ?

«J'essaie toujours de prendre match par match, c'est pourquoi je ne pense pas encore vraiment à la Coupe. Contre Servette, ce n'est pas un match facile pour deux raisons: d'une part, ils n'ont perdu qu'une seule partie à domicile et, d'autre part, ce n'est jamais facile pour une équipe avec autant d'internationaux que la nôtre après une pause de l'équipe nationale. Je n'avais que sept ou huit joueurs à l'entraînement. Cela rend les choses encore plus compliquées, mais je ne veux pas me plaindre, je suis fier que les joueurs puissent représenter leur nation. Mais il est certain que nous n'avons pas pu profiter de la pause pour travailler la tactique d'équipe. Même si tout ne sera certainement pas parfait à Genève, je suis sûr que nous sommes suffisamment solides pour livrer un bon match.»

ATS