Auteur d'un excellent début de saison, Lara Gut-Behrami aborde les courses de Crans-Montana en pleine confiance. Cela n'a pas empêché la Tessinoise de pousser un coup de gueule en conférence de presse contre les conditions présentes sur le Haut-Plateau. Interview.
Lara Gut-Behrami, dans quel état d'esprit abordez-vous les courses de Crans-Montana ?
"Je vais bien. Et, au vu des résultats de Kranjska Gora, je suis aussi en train de retrouver mes repères en géant. C'est forcément positif, mais c'est surtout le reflet du travail – notamment technique – effectué durant tout l'été. Crans-Montana ? J'ai certes eu un super week-end ici l'année passée, mais ce n'est pas une des pistes que l'on connaît le mieux car on n'a pas toujours pu courir ici. Les conditions ne sont toutefois pas trop différentes par rapport à l'hiver dernier, à l'exception de la neige. Il a en effet beaucoup neigé dernièrement. Les conditions n’étaient donc pas idéales aujourd’hui (ndlr : mercredi) lors du premier entraînement. J'espère qu'avec un bon travail des organisateurs ces prochains jours on pourra avoir de bonnes courses."
Vous aviez d'ailleurs l'air frustrée au terme du premier entraînement mercredi matin... Etait-ce justement à cause des conditions ?
"Franchement, c'était un désastre. Il n'y a rien d'autre à dire. J’espère donc que les organisateurs vont réussir à améliorer la piste car c'était un désastre."
Les courses sont d'ailleurs en janvier plutôt qu'en février cette année. Est-ce que cela change quelque chose ?
"Normalement, cela change car il s'agit d'une piste qui prend beaucoup le soleil. L'année dernière, c'était compliqué pour les dossards élevés car c'était de la soupe dans le dernier mur. Cette année, on aura un autre problème. Ce sera normalement de la neige. Si on avait eu les mêmes conditions que l'hiver dernier, les températures auraient joué un autre rôle."
Plus globalement, quelles sont vos attentes pour les trois courses du week-end ?
"Skier vite. Peu importe si je suis bien ou moins bien sur mes skis, je fais de mon mieux dès le départ. Je fais de mon mieux et j'essaie de skier vite. C'est toujours cela l'objectif."
Vous aviez d'ailleurs fêté deux succès ici l'hiver dernier. Cette expérience est-elle bénéfique à l'heure d'aborder ce week-end ?
"Je n'y pense pas du tout. Cela ne me rend d'ailleurs pas plus optimiste. Ce n'est pas parce que tu as gagné une fois que tu vas gagner une deuxième fois. On ne t'offre rien du tout. Si tu gagnes une fois, c'est parce que tu as vraiment bien skié ce jour. J'ai la chance d'avoir gagné sur différentes pistes. J'essaie d'ailleurs de m'approcher de la victoire sur les pistes où je n'ai pas encore gagné."
Plus globalement, vous sortez d'un excellent week-end en géant à Kranjska Gora. Comment expliquez-vous ce retour au premier plan dans cette discipline ?
"Ce n’est pas simplement une histoire de retrouver mon niveau. J'ai gagné pour la première fois dans cette discipline en 2008. Réussir depuis treize ans à se maintenir à ce niveau n'est pas simple. C'est donc plutôt le travail quotidien qui paie, celui effectué même dans les bons moments. Lorsque cela se passe moins bien, c'est simple de toujours critiquer et de penser mieux savoir que l'athlète. Tout cela fait partie des phases de la carrière d'une athlète. Depuis le début de la saison, je suis toujours dans le Top 10, même en géant, où j’ai d'ailleurs un très bon niveau. J'utilise toutefois chaque course pour continuer à m'améliorer. Je n'aurais d'ailleurs pas imaginé m'élancer dans le premier groupe (ndlr : les sept premières) après le week-end de Kranjska Gora. C'est quelque chose dont je suis fière. La clé est de continuer à travailler, il n'y a pas de secret."
Ce sont donc uniquement des détails qui font la différence ?
"Ce sont des milliers de détails physiques, des milliers de détails au niveau du mental et du matériel. Il faut également bénéficier de chance car on fait un sport d’extérieur. On passe parfois des semaines sans trouver de bonnes conditions. Il faut donc savoir s'adapter. Quand tu as la chance, que tu as le set-up parfait, alors tu retrouves la confiance et le plaisir. A l'inverse, parfois tu tournes en rond pendant des mois. Il y a également désormais les changements climatiques à gérer. Par exemple, il n'y a désormais plus besoin d'injecter les pistes. On se retrouve ainsi avec plein de choses à gérer. Tout ceci complique donc encore la chose."
Ce d'autant plus que les conditions lors des trois derniers rendez-vous changeaient complètement...
"Effectivement. A Sankt Anton, à Kranjska Gora et ici à Crans-Montana, il y a aussi trois disciplines et trois set-up différents. Les skis, les fixations et les chaussures changent donc aussi. Tu as parfois un ski de géant qui fonctionne super bien, alors qu'en descente cela ne fonctionne pas du tout. Ce n'est pas parce que cela fonctionne dans une discipline que tu as forcément trouvé le bon set-up pour les autres disciplines."
Quid de votre polyvalence ?
"J'ai toujours fait cela durant ma carrière. Je suis donc habituée à cela. Si tu skies qu'une discipline, cela ne te fait que huit courses par année. Skier seulement en géant est quelque chose de répétitif que je ne connais pas. Quand tout va bien, c'est bien plus simple à gérer, que ce soit au niveau de la fatigue ou de l'adaptation d'une discipline à l'autre. Si tu as des problèmes techniques ou de set-up dans une discipline, c'est compliqué car il manque des jours d'entraînement durant l'hiver. Il faut alors peut-être faire le choix de ne pas faire de courses pendant deux semaines et aller t'entraîner sur une piste injectée pour améliorer le set-up. Ou alors tu cours après. Mais ce sont deux chemins complètement différents."
Mentalement et physiquement, est-ce toutefois compliqué de devoir s'aligner partout week-end après week-end ?
"Je ne dois pas être présente partout, c'est simplement un choix. Personne ne m'oblige et j'ai cette liberté. C'est quelque chose que je fais depuis le début de ma carrière. Je ne me suis donc jamais posé la question. J'ai réfléchi cet été (ndlr : à abandonner le géant), mais j'étais consciente d'avoir encore une chance d'être encore prête physiquement, d'avoir la possibilité de skier sans gêne et ne pas avoir à faire des choix. Je me rappelle de filles comme Anna Veith qui a choisi de renoncer au géant car elle avait de la peine physiquement. Je n'en suis pas là et j'en suis heureuse. Je vais donc continuer dans cette direction."