Serie A Pour le Sud, un scudetto synonyme de «fierté»

ATS

27.4.2023 - 10:21

Avec le sacre attendu de Naples, possible dès dimanche, le «Mezzogiorno» se réjouit de voir revenir dans le sud pauvre de l'Italie un titre de champion qui a rarement échappé aux puissantes équipes du nord.

Le «Mezzogiorno» se réjouit de voir revenir dans le sud pauvre de l'Italie un titre de champion.
Le «Mezzogiorno» se réjouit de voir revenir dans le sud pauvre de l'Italie un titre de champion.
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Depuis vingt ans, le scudetto a été monopolisé par trois clubs, les plus riches du pays: la Juventus Turin, l'Inter Milan et l'AC Milan (74 titres cumulés). Dans l'histoire plus que centenaire du Championnat d'Italie, les seuls titres ayant échappé au nord sont ceux arrivés dans la capitale (trois pour l'AS Rome, deux pour la Lazio), celui du Cagliari de Gigi Riva en 1970 et les deux du Napoli de Diego Maradona en 1987 et 1990.

C'est donc un authentique événement auquel se préparent Naples, la Campanie et par capillarité le Sud. Même si certains Napolitains nostalgiques soulignent que leur club, passé en 2004 dans les mains du producteur de cinéma Aurelio De Laurentiis, n'est plus si différent des grosses cylindrées du nord au niveau de l'organisation et des moyens.

Le titre sera en poche ce week-end, à six journées de la fin, si Naples bat la Salernitana samedi dans le derby de la Campanie et si la Lazio, deuxième, ne l'imite pas dimanche contre l'Inter Milan.

La fête s'annonce aussi volcanique que l'attente a été longue pour les tifosi napolitains, habitués aux frustrations de fin de saison et aux injures à base de «terroni» ("bouseux") qui les accompagnent régulièrement en déplacement – ces insultes «de nature territoriale» comme les qualifie la Ligue quand elle les sanctionne, comme dimanche à Turin.

«Gagner est difficile»

«Pour nous, gagner est difficile, pour des raisons économiques, sociales, politiques, culturelles...», soulignait un supporter croisé en janvier à Naples, Pasquale Esposito, 68 ans, enseignant en retraite, résumant un sentiment partagé.

Le clivage nord-sud reste fort en Italie, perceptible dans la quasi-totalité des indicateurs socio-économiques officiels: revenus, emploi, accès à la santé, à l'éducation ou à la culture. Le PIB par habitant est environ le double en Lombardie ou en Emilie-Romagne par rapport à la Calabre, la Campanie ou les Pouilles.

«Il y a le sentiment très fort chez les habitants du sud d'être nés d'un Dieu moins important. Et certains éléments symboliques comme un scudetto peuvent être, pour le peuple, pas pour les décideurs, des signes de revanche», explique Lucio Lamberti, professeur à l'école Polytechnique de Milan.

Même si, selon cet expert en stratégie économique, ce scudetto reste «un cas isolé de succès, largement mérité de la part de Naples, mais qui ne changera rien au clivage existant», sinon en dopant peut-être le tourisme dans la ville célèbre pour ses fresques de Maradona.

Au-delà de Naples, le Sud et le centre ont cultivé leur fierté également dans les divisions inférieures cette saison. En Serie B, Frosinone, équipe du Lazio, pourrait valider lundi son retour dans l'élite et Bari (Pouilles), club appartenant aussi à Aurelio De Laurentiis, reste en lice pour monter.

Pas de fête à Salerne

En Serie C, la troisième division, également professionnelle, un club de Calabre, Catanzaro, a été la sensation avec une accession en poche dès mars.

«Le football dans les divisions inférieures est une activité difficilement viable actuellement, à plus forte raison dans le sud et en Calabre, qui ne compte pas beaucoup d'entreprises pouvant investir dans le sponsoring», explique son propriétaire, Floriano Noto, par ailleurs patron d'une chaîne de supermarchés dans la région.

«Mais je suis un peu favorisé par rapport à d'autres présidents parce que j'ai une activité qui me met en relation avec beaucoup d'entreprises du nord», précise-t-il au sujet de la réussite de Catanzaro, repris en 2017.

«Nous sommes une région pauvre, le sport a ainsi pour nous une dimension sociale importante, une sorte de formation au vivre ensemble», ajoute-t-il, ravi de contribuer modestement à la belle saison du «Mezzogiorno» en saluant le titre annoncé de Naples: «ce scudetto est pour nous aussi, Calabrais, un motif de fierté».

Alors, tout le sud avec Naples? Pas tout-à-fait. Les ultras de la Salernitana ont invité les éventuels fans napolitains vivant à Salerne à ne pas célébrer le futur titre dans cette ville située à une cinquantaine de kilomètres au sud de Naples: «Le football italien va très probablement voir une équipe remettre en question la puissance des clubs du nord (...) mais cela ne nous appartient pas», ont-ils écrit fin mars sur Facebook, les invitant à ne pas mettre de drapeaux sur les balcons.