Star à Manchester United, champion du monde en 1966 avec l'équipe d'Angleterre et gentleman des terrains, Sir Bobby Charlton, mort samedi à l'âge de 86 ans, restera dans l'histoire comme l'incarnation de l'ère dorée du football anglais.
«Manchester United est en deuil à la suite du décès de Sir Bobby Charlton, l'un des plus grands et des plus aimés joueurs de l'histoire du club», a annoncé le club mancunien samedi dans un communiqué.
En 1968, il avait fait des Red Devils le premier club anglais à soulever la grande Coupe d'Europe. Une performance d'autant plus saisissante que dix ans plus tôt, huit de ses coéquipiers perdirent la vie dans le crash aérien de Munich, dont il était lui sorti miraculeusement indemne. Réputé pour ses frappes redoutables, le lauréat du Ballon d'or 1966 était aussi devenu le symbole de l'élégance et de l'esprit sportif.
«Il n'y a jamais eu de footballeur aussi apprécié», disait de lui son ancien entraîneur à MU Matt Busby. «Il frôlait la perfection aussi bien en tant qu'homme qu'en tant que joueur.» Bien que milieu de terrain, Charlton marquait des buts avec la régularité d'un attaquant, faisant souvent trembler les filets adverses depuis l'extérieur de la surface.
«Regret, tristesse et culpabilité»
Né à Ashington, une ville ouvrière du nord-est de l'Angleterre le 11 octobre 1937, Bobby Charlton a rejoint United à l'âge de 15 ans. En reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, le club privilégiait alors le recrutement de jeunes joueurs. Sous l'égide de l'entraîneur Matt Busby et avec Charlton en chef de file, les «Busby Babes» furent sacrés champions d'Angleterre en 1957.
Ce succès qualifia Manchester pour la Coupe d'Europe la saison suivante, et c'est en revenant d'un quart de finale retour contre l'Etoile rouge de Belgrade le 6 février 1958 que la tragédie est survenue. Après une escale à Munich pour faire le plein de carburant, l'avion transportant l'équipe fit deux tentatives ratées de décollage avant un troisième essai fatal. Ejecté de l'appareil, Bobby Charlton s'en sortit avec des blessures légères, mais 23 personnes perdirent la vie dans l'accident.
L'une des victimes fut Duncan Edwards, 21 ans, promis à une grande carrière et que Charlton décrivait comme «le seul joueur qui me faisait me sentir inférieur». «Encore aujourd'hui... ça me revient et ça me touche chaque jour», écrivit-il dans son autobiographie «My Manchester United Years» publiée en 2007. «Parfois j'y pense de manière furtive. Cela me plonge dans un sentiment terrible de tristesse et de culpabilité à l'idée que je m'en sois sorti.»
«Sainte Trinité»
Huit ans après le drame, aux côtés de son grand frère Jack, Bobby Charlton acquit une renommée mondiale en offrant à l'Angleterre, à domicile, sa première Coupe du monde. Le maître à jouer des «Three Lions» marqua trois buts au cours de la compétition, dont un doublé contre le Portugal d'Eusebio en demi-finale. Les Anglais s'imposèrent en finale face à l'Allemagne de l'Ouest du jeune Franz Beckenbauer (4-2 après prolongation).
Deux ans plus tard, sur la même pelouse de Wembley, il est entré encore un peu plus dans l'histoire en remportant la Coupe d'Europe des clubs champions avec Manchester United, aux côtés de George Best et Denis Law, avec lesquels il formait la «Sainte Trinité».
Il prit sa retraite internationale après le Mondial 1970, fort de 49 buts en sélection, un record qui ne sera battu qu'en septembre 2015 par Wayne Rooney. Sa longue et glorieuse carrière à United prit fin en 1973, forte de 249 buts inscrits en 758 matches.
Ses exploits lui valurent tous les honneurs, dont celui d'être anobli par la Reine Elizabeth II en 1994. Depuis 2008, une statue de Charlton et de ses coéquipiers Denis Law et George Best trône devant Old Trafford et en 2016 une tribune du stade est rebaptisée en son nom.
Outre sa brillante carrière, les Anglais se souviennent aussi avec tendresse de son allure singulière sur les terrains. A défaut d'assumer sa calvitie croissante, il plaquait ses cheveux en recouvrant le dessus de son crâne, laissant de longues mèches de cheveux blonds traîner au vent derrière lui lorsqu'il courrait.
«Bobby est tout simplement la personnalité la plus emblématique de l'histoire du football anglais», disait de lui l'ancien vice-président de Manchester Ed Woodward. «Un joueur, un diplomate, un gentleman et un travailleur acharné dans le domaine caritatif, il représente tout ce qui est bon dans le football et à Manchester United.»