Rachel Moret Rachel Moret : une Vaudoise seule au monde ou presque

Grégoire Galley

3.8.2021

Grégoire Galley

3.8.2021

Double champion fribourgeois de tennis de table (2009 et 2020) et responsable communication chez Swiss Table Tennis, Luca Anthonioz est revenu sur le brillant parcours de Rachel Moret aux Jeux olympiques de Tokyo.

Rachel Moret a brillé au Japon. 
Rachel Moret a brillé au Japon. 
KEYSTONE

Même si elle n’a pas remporté de médailles, Rachel Moret (86e mondiale) s’est distinguée lors de ces olympiades. La native de Morges a d’abord battu la Brésilienne Jessica Yamada (142e) lors de son entrée en lice dans le simple dames. La pongiste vaudoise, qui vit à Nîmes, où elle évolue en club, a réussi ensuite un petit exploit en écartant la Hongroise Georgina Pota (53e). Opposée en seizièmes de finale à la numéro 1 mondiale, la Chinoise Chen Meng, la Suissesse de 31 ans a logiquement dû s’avouer vaincue.

Malgré cette défaite, Rachel Moret a quitté la capitale nippone le 26 juillet dernier avec le sentiment du devoir accompli. Responsable marketing, communication et médias chez Swiss Table Tennis, le Rossensois Luca Anthonioz se réjouit des prouesses de la Vaudoise et espère que ses performances attireront davantage de jeunes vers le tennis de table. Entretien.

La Fédération suisse de tennis de table fête ses 90 ans cette année. Comment se porte cette discipline dans notre pays ?

"Comme dans d’autres sports, nous constatons une baisse des licenciés en raison du Covid-19. Sur ces trois dernières années, nous avons pu maintenir le nombre de licenciés autour de 5300, mais en raison de la pandémie nous avons perdu environ 5% de nos membres. Au-delà du virus, nous voyons une diminution générale du nombre de nos licenciés. Cependant, notre mouvement jeunesse fonctionne bien. Nous n’avons pas d’excellents joueurs mais nous avons un socle de jeunes pongistes qui ont un très bon niveau, ce qui est réjouissant. De manière globale, la fédération suisse a deux objectifs. Premièrement, nous voulons que ces jeunes, qui ont un très bon niveau, deviennent de véritables talents capables de briller sur la scène internationale. Deuxièmement, nous cherchons aussi à augmenter le nombre de licenciés. Il existe un réel potentiel auprès des dames qui restent très minoritaires dans notre sport."



Justement, que faudrait-il entreprendre pour rendre le tennis de table encore plus attractif ?

"Il y a énormément de gens qui jouent au tennis de table. Nous le voyons dans les parcs ou autour des maisons. Nous pourrions attirer ces personnes dans les clubs sans toutefois les faire évoluer dans un championnat. Ces dernières pourraient jouer dans un premier temps de manière complètement amateur pour, peut-être, devenir par la suite des licenciés. Afin de faire venir ces gens, nous avons lancé un passeport-loisir en septembre 2020. Malheureusement, en raison du coronavirus, il n’a pas eu l’effet espéré et reste encore méconnu au sein des clubs. Il faudrait faire davantage de promotion du tennis de table dans les écoles en organisant notamment des exhibitions. Les enfants, comme les adultes d’ailleurs, ne se rendent pas compte du niveau réel du tennis de table. Ils voient cette discipline comme celle qui est présentée aux JO avec des joueurs chinois qui réalisent des points extraordinaires ou, à l’inverse, comme un sport de plage. L’objectif de ces démonstrations seraient de faire connaître aux gens cet « entre-deux ». Dans ce sens, la fédération tiendra un stand lors du Slow Up du Lac de Constance à la fin du mois d’août en présence de plusieurs joueurs issus de cadres nationaux. Si nous arrivons à impressionner les jeunes lors de ces événements, ils auront certainement envie de commencer à jouer au tennis de table."

Première pongiste suisse engagée aux JO depuis 25 ans, Rachel Moret peut-elle contribuer à créer des vocations chez les jeunes ?

"La télévision donne une énorme visibilité au tennis de table, ce qui est très positif. Plus nous avons de visibilité, plus nous pouvons espérer attirer des jeunes. Communiquer les exploits de Rachel Moret via les réseaux sociaux peut aussi motiver les jeunes à se mettre au tennis de table."

Quel bilan tirez-vous du parcours de la Vaudoise ?

"Excellent ! Nous ne pouvions pas mieux espérer. Elle a bien supporté la pression lors de son premier match alors qu’elle était favorite face à la joueuse brésilienne. Passer au deuxième tour était son objectif minimal. Si elle avait perdu contre Georgina Pota, ses Jeux n’auraient pas été ratés. La Hongroise, 53e mondiale, plusieurs fois championnes d’Europe et membre du top-15 mondial, était une pointure. En parvenant à l’éliminer en quatre manches aux Jeux Olympiques, Rachel Moret a réussi une performance remarquable. Ensuite, face à la numéro 1 mondiale, c’était que du bonus. Défier une athlète de ce niveau a été une manière pour elle, malgré ses 31 ans, de progresser et d’apprendre. Grâce à cette rencontre, elle peut voir sur quels aspects de son jeu elle doit encore travailler. Son âge n’est pas un point faible. Au contraire, elle peut profiter de son expérience olympique pour encore améliorer son jeu."



Pourquoi Rachel Moret s’est-elle exilée en France pour s’entraîner ?

"Si un joueur ou une joueuse suisse veut percer au niveau international, il n’a pas le choix de partir à l’étranger car notre championnat n’est pas assez relevé. La double-licence permet aux Suisses d’évoluer dans deux championnats. Ainsi, ils peuvent, par exemple, jouer dans les championnats suisses et français. Au niveau jeunesse, nous faisons beaucoup de stages d’entrainement ce qui est très positif. En revanche, pour le niveau élite, il n’y pas assez de très bons joueurs pour s’entraîner à intervalles réguliers. Il est donc primordial pour les joueurs suisses qui possèdent un excellent niveau de s’exiler afin de progresser. De son côté, Rachel Moret a fait le choix de s’installer en France ce qui est très judicieux puisqu’elle évolue dans un championnat relevé mais s’entraîne aussi dans des structures plus professionnelles qu’en Suisse. La Vaudoise est d’ailleurs la seule helvète qui est complètement établie à l’étranger en ce moment. Beaucoup de joueurs ont tenté cette expérience mais ils sont revenus en Suisse après une année. Il est difficile de convaincre les pongistes de se donner à 200% pour le tennis de table non seulement car les chances de réussite sont faibles, mais aussi car il est difficile d’en vivre. De ce fait, ces derniers passent à autre chose et diminuent leur dose d’entraînement. Rachel Moret s’est vraiment donnée la possibilité de percer au niveau international en allant vivre à l’étranger."

Les pongistes helvétiques jouissent-ils d’un statut professionnel ?

"Rachel Moret est la seule pongiste suisse à avoir un statut professionnel. La pro-dames en France est un championnat professionnel, ce qui n’est pas le cas de la Ligue nationale A en Suisse. Les joueurs qui évoluent au plus haut niveau dans notre pays ont un statut semi-professionnel même si cela n’est de loin pas une généralité. Les joueurs qui sont semi-professionnels officient aussi comme entraîneur dans leur club. En étant entraîneur et joueur de Ligue A, il est possible de vivre du tennis de table."