Le prometteur Dominic Lobalu, réfugié de guerre installé en Suisse depuis quatre ans, devrait manquer les championnats du monde d’athlétisme de Budapest. World Athletics tarde à se prononcer à son sujet, a-t-on appris en marge des championnats suisses à Bellinzone.
La demande de Swiss Athletics d'autoriser Lobalu à représenter la Suisse aux Mondiaux de Budapest (19-27 août), bien qu'il ne possède pas encore le passeport suisse, est toujours en suspens. «World Athletics nous a informés, suite à une demande, que nous ne devions pas nous attendre à une décision avant Budapest», explique Christoph Seiler, président auprès de la fédération nationale.
«Nous regrettons beaucoup qu'aucune solution n'ait encore été trouvée pour un athlète de ce niveau. Nous espérons malgré tout toujours une décision positive dans les jours à venir», poursuit-il
Depuis quatre ans, Dominic Lobalu, qui a fui le Soudan du Sud, s'entraîne au sein du LC Brühl et fait sensation au niveau international sur le demi-fond. En 2022, il était ainsi numéro 6 mondial sur 5000 m. Son objectif : devenir le premier réfugié à remporter une médaille lors de championnats internationaux.
Le potentiel est là, mais pas (encore ?) l'autorisation de participer. Aux championnats suisses de Bellinzone, le jeune homme de 24 ans n'a pu prendre part qu'aux séries du 1500 m car il n'a pas droit au titre. Et les compétitions internationales lui sont interdites car il n'est plus accepté dans une équipe de réfugiés...
Élevé comme réfugié
L'histoire de Lobalu est tragique, et extrêmement complexe en ce qui concerne son éligibilité sur le plan sportif. Né il y a bientôt 25 ans au Soudan du Sud, il a assisté au meurtre de ses parents à l'âge de neuf ans. Il a dû fuir, a grandi en tant que réfugié au Kenya, où il a intégré en 2016 l'Athlete Refugee Team créée deux ans plus tôt, et a quitté ce groupe lors d'une compétition à Genève en 2019.
Lobalu a fait ce choix d'une part parce que ce n'était pas lui-même, mais les personnes derrière cette équipe de réfugiés qui encaissaient les primes. D'autre part parce qu'il voulait se construire sa propre vie.
Et il y est parvenu. La Suisse ne l'a certes pas reconnu comme réfugié en 2019, car il ne pouvait pas faire valoir de persécution individuelle. Mais en tant que personne admise à titre provisoire, il a connu une parfaite intégration, a désormais le statut de permis B et un emploi stable.
En tant qu'athlète, Dominic Lobali se trouve cependant dans une impasse. Il n'obtiendra pas le passeport suisse avant 2031 au plus tôt, et les choses ne fonctionnent plus pour lui à la Fédération internationale car il s'est retiré du prestigieux projet de l'équipe des réfugiés.
World Athletics déchiré
Tout le monde reconnaît la voie que suit Lobalu, et World Athletics est également tiraillé. Ainsi, la fédération mondiale a attiré l'attention de son membre Swiss Athletics sur le fait qu'un athlète peut, sous certaines conditions, prendre le départ pour un pays même s'il n'en possède pas la nationalité.
Swiss Athletics a réagi rapidement et a déposé une demande en ce sens le 6 avril. Mais elle attend toujours une décision, alors que celle-ci devait être prise dans les trois mois (6 juillet). «Je suis déçu par World Athletics», souligne Seiler. «La fédération mondiale nous a montré la marche à suivre, à nous et à l'athlète, mais ne prend pas de décision. Ce n'est pas dans l'esprit du sport»
World Athletics a visiblement du mal à réagir, car il s'agit d'un cas sans précédent. Il ne s'agit pas seulement du fait que l'équipe de réfugiés aura des problèmes de visas et d'image si des athlètes font défection. Il s'agit aussi de questions fondamentales dans le sport : que faut-il pour représenter un pays ? Les nations ont-elles encore un sens dans le sport ? Comment réagirait le CIO ? A qui seraient attribués les médailles et les records gagnés ?
Le National Review Panel de World Athletics semble faire traîner les choses, du moins trop pour les championnats du monde de Budapest. Si Swiss Athletics ne reçoit pas de réponse ces jours-ci, la fédération ne pourra pas non plus inscrire Lobalu pour le rendez-vous hongrois.
ATS